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Un meilleur encadremen­t du traîneau à chiens réclamé

- Camille Carpentier

Le propriétai­re d’un chenil offrant des tours de traî‐ neau à chiens veut que l’ac‐ tivité soit mieux encadrée au Québec. Il plaide pour la mise en place de normes afin de redorer la réputa‐ tion de l’industrie, écla‐ boussée par des allégation­s de cruauté animale.

Bruno Saucier offre des balades en traîneau à chiens depuis près de 30 ans à Saint-Ferréol-les-Neiges. Son chenil, Les Secrets nordiques, héberge 65 chiens husky et malamute. Leur bien-être est au coeur de ses préoccupa‐ tions.

Ici, on essaie d'être com‐ plices avec nos chiens, dit-il. On ne voudrait pas gagner notre vie sur le dos des chiens.

Bruno Saucier ne nomme personne, mais il fait réfé‐ rence à des propriétai­res qu’il qualifie lui-même de dé‐ linquants. Certains ont fait les manchettes récemment dans la région de Québec.

C'est certain que ça a mis à mal l'industrie du chien de traîneau.

Bruno Saucier, proprié‐ taire, Les Secrets nordiques

Cet hiver, les propriétai­res et un ex-employé du chenil Expédition Mi-Loup sur l'île d'Orléans ont subi leur pro‐ cès. Ils sont notamment ac‐ cusés d’avoir blessé et tué des chiens. L’un des proprié‐ taires, Antoine Simard, a d’ailleurs admis en cour avoir euthanasié des dizaines de chiots naissants pour éviter la surpopulat­ion de son che‐ nil.

À l’automne 2022, le che‐ nil La Poursuite de Lévis s’est lui aussi retrouvé dans l’eau chaude après que des acti‐ vistes aient diffusé des images montrant les condi‐ tions de vie des animaux. Dans les jours qui ont suivi, des inspecteur­s du ministère de l’Agricultur­e, des Pêche‐ ries et de l’Alimentati­on du Québec (MAPAQ) ont d’ailleurs saisi plusieurs chiens. Les propriétai­res ont écopé d’une amende de 5000 $ et ont cessé leurs activités.

Bruno Saucier assure que l’industrie du chien de traî‐ neau n’est pas définie par ces cas de maltraitan­ce. Voilà pourquoi il avait envie de nous ouvrir les portes de son chenil.

Il y a tellement de dispari‐ tés, au Québec, dans la ma‐ nière dont les gens soignent les chiens, explique-t-il. Il y a très peu de producteur­s qui se sont regroupés, puis qui se sont donnés des normes pour assurer un seuil d'opé‐ ration acceptable pour les chiens et sécuritair­e pour les invités.

Investir dans les instal‐ lations

Au chenil de Bruno Sau‐ cier, les chiens vivent dans des enclos en groupe de cinq ou six. Lors de notre pas‐ sage, certains animaux étaient attachés à leur niche, mais d’autres pouvaient se déplacer librement dans leur enclos. L’un d’eux est d’ailleurs réservé aux chiens retraités.

Les installati­ons per‐ mettent aussi de séparer les mâles des femelles reproduc‐ trices. La plupart des fe‐ melles sont stérilisée­s, mais celles qui ne le sont pas ont un enclos bien à elles. Cela permet aux guides de contrô‐ ler la reproducti­on. La meute des Secrets nordiques ne produit qu’une à deux por‐ tées de chiots par année.

Contrairem­ent au proprié‐ taire d’Expédition Mi-Loup, Bruno Saucier n’a jamais eu à euthanasie­r des chiots. Il pré‐ fère d’ailleurs ne pas y pen‐ ser.

Je ne veux pas parler d'un sujet aussi horrible que ça! lance-t-il.

Absence de normes

Au Québec, l’activité de traîneau à chiens n’est régie par aucune norme spéci‐ fique. Les propriétai­res de chiens doivent simplement se conformer à la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal.

Toutefois, aucun règle‐ ment ne précise comment les balades en traîneau à chiens doivent se dérouler. La dis‐ position des installati­ons des chenils n’est pas non plus ré‐ glementée.

Ce que je déplore, c'est qu'il n'y a pas un seuil mini‐ mal de qualité qui soit obliga‐ toire, dit Bruno Saucier.

À ses yeux, les proprié‐ taires avec peu d’expérience sont en quelque sorte laissés à eux-mêmes.

Tu as besoin d'avoir des chiens qui sont bien toute l'année, qui sont en santé toute l'année, qui sont bien dans leur tête. Et ça, les pro‐ priétaires n’ont pas toutes les connaissan­ces au départ, ex‐ plique-t-il.

Quand vient le temps d'avoir des opérations com‐ merciales, où à la clé il y a des sous, c'est là que certains propriétai­res peuvent faire des compromis où le chien n'est pas toujours à l'avant.

Bruno Saucier, proprié‐ taire, Les Secrets nordiques

Un code de pratiques ré‐ clamé

Au Québec, l’organisme Aventure écotourism­e Qué‐ bec (AEQ) est le seul à enca‐ drer l’activité de traîneau à chiens. Ses membres sont te‐ nus de respecter certaines normes de sécurité et de bien-être animalier. Le consultant en attelage canin pour AEQ, François Porcherel, explique qu’il s’agit d’une forme de gage de qualité pour la clientèle. Or, les che‐ nils ne sont pas obligés d’être membres pour opérer.

C'est comme s’il y avait à peu près deux groupes, illustre-t-il. Un groupe qui fait partie d'Aventure écotou‐ risme Québec, et un autre qui ne fait partie d'aucun groupe profession­nel.

Il y a un impact sur la clientèle qui ne fait pas forcé‐ ment la différence entre les [niveaux] de qualité. Il y a un impact sur les employés et il y a un impact sur les ani‐ maux.

François Porcherel, consultant en attelage canin, Aventure écotourism­e Qué‐ bec

C’est pourquoi AEQ ré‐ clame la création d’un code de pratiques pour le do‐ maine canin auquel tous les propriétai­res de chenils se‐ raient obligés de se confor‐ mer. François Porcherel croit que l’industrie du traîneau à chiens pourrait ainsi s’extir‐ per d’une zone grise.

Un code de pratique, ça sert à mettre en place les mesures de bientraita­nce pour atteindre le bien-être des animaux, précise-t-il.

Un tel code existe depuis une dizaine d’années dans le monde équestre. Il définit clairement quelles sont les conditions de vie appro‐ priées pour les chevaux, les soins de santé qui doivent leur être prodigués ainsi que les méthodes d’euthanasie qui sont acceptable­s.

François Porcherel in‐ dique qu’AEQ a demandé la création d'un tel code de pra‐ tique lors de consultati­ons tenues par le MAPAQ à l’au‐ tomne. L’organisme attend des nouvelles de la part du ministère. Celui-ci indique que l'analyse des informa‐ tions recueillie­s lors de ces consultati­ons se poursuit.

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