Un an plus tard, le combat pour la libération d’Evan Gershkovich se poursuit
Le journaliste du (WSJ) Evan Gershkovich est empri‐ sonné en Russie depuis maintenant un an. Les au‐ torités russes l’accusent d’espionnage, ce que dé‐ mentent le principal inté‐ ressé, le journal, le gouver‐ nement américain ainsi que ses proches, qui pro‐ mettent de poursuivre la lutte pour sa libération.
Street Journal
Wall
Evan Gershkovich a été ar‐ rêté en mars 2023 alors qu’il était en poste dans la ville d'Ekaterinbourg, dans l'Ou‐ ral, pour décrire un pays ré‐ organisé autour de la guerre qu’il mène en Ukraine. Il était l’un des journalistes étran‐ gers qui ont choisi de de‐ meurer en Russie après le début des hostilités et le dur‐ cissement de la répression par le régime de Vladimir Poutine.
Au moment de son arres‐ tation, il semblait plancher sur des sujets délicats selon l'Agence France-Presse : l'in‐ dustrie de l'armement russe et le groupe paramilitaire Wagner. Il avait rejoint les rangs du WSJ en 2022, quelques semaines avant l’in‐ vasion de l’Ukraine par la Russie.
Depuis, il est resté der‐ rière les barreaux en atten‐ dant son procès, déjà reporté à plusieurs reprises. Mardi, la justice russe a de nouveau prolongé son placement en détention provisoire, jus‐ qu'au 30 juin, dans l'attente d'un possible procès ou d'un échange de prisonniers entre Moscou et Washington.
S’il est reconnu coupable d’espionnage, il encourt 20 ans derrière les barreaux. La Russie n'a jamais présenté de preuves publiquement et l'ensemble de la procédure a été classée secrète.
Vers un échange de pri‐ sonniers
La patronne du WSJ, Emma Tucker, a bon espoir que son journaliste ne célé‐ brera pas une seconde an‐ née dans la prison moscovite Lefortovo. En entrevue avec CNN, Mme Tucker affirme qu’elle croit qu’il y a suffisam‐ ment de pièces en place ainsi qu’assez de bonne volonté pour que son souhait de‐ vienne réalité.
Mon attente et mon es‐ poir sincère sont qu'à la même époque l'année pro‐ chaine, il ne soit pas empri‐ sonné en Russie.
Emma Tucker, rédactrice en chef du « Wall Street Jour‐ nal », en entrevue avec CNN
Elle ne se fait toutefois pas d’illusions : les États-Unis ont ici affaire à un régime russe imprévisible, ce qui li‐ mite la possibilité d'établir un échéancier précis menant à la libération du journaliste. Et le correspondant trentenaire du WSJ est détenu dans un dossier d'une gravité inédite pour un journaliste étranger depuis l’effondrement de l'URSS.
Washington estime qu'Evan Gershkovich est in‐ justement détenu et accuse Moscou d'arrêter des ci‐ toyens américains sous de fausses accusations. Ces pri‐ sonniers servent ensuite de monnaie d’échange afin de li‐ bérer des Russes emprison‐ nés à l'étranger.
Vladimir Poutine ne s’en cache pas : il a laissé en‐ tendre dans une entrevue au commentateur américain d’extrême droite Tucker Carl‐ son qu’il souhaitait en échange la libération de Va‐ dim Krasikov, un tueur à gages russe et colonel du FSB (les services secrets russes), détenu en Allemagne.
Jeudi, le Kremlin a rap‐ porté avoir des contacts en vue d’un potentiel échange de prisonniers qui permet‐ trait à Gershkovich de rentrer à la maison.
Mobilisation du WSJ
Le célèbre quotidien newyorkais a accentué la pres‐ sion cette semaine, à l’occa‐ sion du premier anniversaire de l’emprisonnement de son employé, en multipliant les actions symboliques : événe‐ ments sportifs (comme Swim for Evan, Nager pour Evan), un marathon de lecture et une campagne médiatique portée par le mot-clic #IS‐ tandWithEvan.
Son coup d’éclat : la publi‐ cation d’une une blanche, vendredi, où aurait dû se trouver le travail de son jour‐ naliste emprisonné. Une an‐ née volée : son histoire de‐ vrait être ici. Un an dans une prison russe. Un an d’his‐ toires volées, de joies volées, de souvenirs volés. Le crime : le journalisme, peut-on lire au-dessus d’un énorme es‐ pace vierge.
Les autres textes qui l’ac‐ compagnent portent tous sur la répression du journalisme dans les régimes autocra‐ tiques, sur la défense de la li‐ berté de presse ainsi que sur l’histoire de Gershkovich.
Ce que les gens peuvent faire, c'est garder Evan à l'es‐ prit, car cela maintient la pression sur les gouverne‐ ments concernés, car c'est une situation complètement scandaleuse et qui doit être résolue, a confié Emma Tu‐ cker à CNN.
La résilience comme acte de résistance
Bien qu’elle doute que quiconque après un an dans une prison de Moscou conçue pour détenir des pri‐ sonniers politiques soit dans un très bon état d'esprit, la rédactrice en chef du WSJ a déclaré à CNN que Gershko‐ vich restait résilient et positif.
Selon elle, il se présente sous la lentille des caméras en gardant le sourire pour protéger ses parents, puis‐ qu’il sait que c'est une épreuve terrible pour eux.
Des propos qui semblent faire écho aux confidences qu’ont faites les membres de sa famille à un journaliste de l’Agence France-Presse lors d’un entretien en février der‐ nier. Le voir menotté, c'était dur à vivre, a indiqué sa mère Ella Milman. Sa soeur Danielle a, elle, assuré qu'il était inno‐ cent.
C'est une prison de l'époque stalinienne. C'est la seule prison relevant du FSB et elle est essentiellement conçue pour vous isoler et vous briser, a déclaré à The Guardian la mère du journa‐ liste, Ella Milman.
The Guardian raconte que Gershkovich passe ses jour‐ nées dans une cellule de 3 mètres sur 4 mètres qu'il par‐ tage avec un autre prison‐ nier. On y trouve deux lits à structure en acier, des toi‐ lettes, un lavabo et une télé‐ vision. Il aurait droit à une heure par jour dans une pe‐ tite cour couverte.
Lors de cet anniversaire qu’ils auraient souhaité évi‐ ter, ses proches ont assuré qu’ils continueraient à se battre pour sa libération.
Nous n'avons jamais envi‐ sagé qu'une telle situation ar‐ rive à notre fils et frère, et en‐ core moins de passer une an‐ née entière dans l'incerti‐ tude, a déclaré sa famille dans une lettre aux lecteurs du WSJ, [mais] malgré cette longue bataille, nous restons forts.
Nous l'avons vu faire face, la tête haute, car il est inno‐ cent. Nous continuerons à nous battre pour la liberté d'Evan, quoi qu'il en coûte.
La famille d’Evan Gershko‐ vich, dans une lettre publiée par le « Wall Street Journal »
Le président américain Joe Biden leur a promis de faire tout ce qu'il faut pour ramener leur proche au pays.
Evan Gershkovich est né de parents juifs soviétiques qui ont fui l’Union soviétique à la fin des années 1970 et l’ont élevé, depuis le New Jer‐
sey, en lui transmettant leurs racines. Ce diplômé d’anglais et de philosophie a décidé de faire le chemin contraire et de retourner en Russie pour raconter à ses compatriotes américains ce qui se passait de l’autre côté du monde.
Il s'illustre aussi sur les ré‐ seaux sociaux par son hu‐ mour grinçant que la prison n'a pas su tarir.
Dans une lettre adressée à ses parents, il a taquiné sa mère en évoquant le gruau russe qu'elle lui préparait lorsqu'il était enfant, un plat bourratif et peu coûteux servi dans les foyers comme dans les cellules du pays, qui l’a préparé pour le meilleur ou pour le pire à la prison, selon un reportage de l'AFP.
Avec les informations de CNN, de The Guardian et de l’Agence France-Presse