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Multiplica­tion des éoliennes : quel impact sur la vie des gens?

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En collaborat­ion avec des promoteurs privés, HydroQuébe­c s’apprête à déve‐ lopper plus de 1500 méga‐ watts d’énergie éolienne à travers la province. L’amé‐ nagement de parcs éoliens transforme­ra le paysage de certaines régions, mais aura-t-il aussi un impact sur la vie des résidents?

En Montérégie, une partie de la population côtoie des éoliennes depuis plusieurs années. L’entreprise Krueger s’y est implantée en 2012 avec son projet Kémont. Au‐ jourd’hui, son parc compte une cinquantai­ne d’éo‐ liennes.

Une de ces éoliennes est plantée sur la terre de Denis Desgroseil­lers, président-di‐ recteur général de la Ferme Jardins Purdélys. Jusqu’à pré‐ sent, le voisinage avec Kruger se déroule très bien pour lui.

Honnêtemen­t, il y a très peu de négatif dans ce pro‐ jet-là pour nous. En réalité, on a perdu à peu près aucun espace agricole, explique le producteur maraîcher.

Les redevances distri‐ buées par la compagnie ont certaineme­nt contribué à l’acceptabil­ité sociale du pro‐ jet au sein de la population des municipali­tés de SaintRémi, Saint-Michel, Saint-Isi‐ dore, Mercier et SaintConst­ant, où se déploient les éoliennes.

L’an dernier, M. Desgro‐ seillers a reçu 14 000 $ pour l’éolienne sur sa terre, une somme indexée au coût de la vie.

Ça nous sécurise parce que dans le monde agricole, avec les changement­s qu'on vit actuelleme­nt, on est vrai‐ ment préoccupés de rencon‐ trer nos obligation­s chaque année. C'est un apport de re‐ venu constant, stable. Et ça a permis d’aménager des che‐ mins qu’on n’avait pas avant.

Denis Desgroseil­lers, pré‐ sident-directeur général de la Ferme Jardins Purdélys

Favoriser l’acceptabil­ité sociale

Le maire de Saint-Michel, Jean-Guy Hamelin, qui vit luimême près des éoliennes, apprécie lui aussi les rede‐ vances de Kruger. Elles repré‐ sentent près de 2 % de son budget municipal.

Le recyclage coûte plus cher, les contrats de déneige‐ ment coûtent plus cher, la Sûreté du Québec coûte plus cher, énumère-t-il. Et néces‐ sairement, on veut avoir les taxes les moins chères pos‐ sibles.

La municipali­té a égale‐ ment procédé à certains changement­s réglementa­ires afin d’atténuer les désagré‐ ments liés à la présence d'éo‐ liennes et de favoriser l’ac‐ ceptabilit­é sociale du projet Kémont.

Le règlement permettait d'avoir une éolienne à 500 mètres d'une maison. Nous, on l'a changé à 750 mètres et on l'a aussi mis à deux kilo‐ mètres du périmètre urbain, indique M. Hamelin.

Les gens craignaien­t à l'époque la perte de valeur des résidences et des terres [...] Mais depuis ce temps-là, on a eu quatre évaluation­s et les terres n'ont pas cessé d'augmenter. Les maisons non plus.

Jean-Guy Hamelin, maire de Saint-Michel

Mais certains qui s’oppo‐ saient au projet à l’époque ont de la difficulté à s’y faire. C’est le cas d’Yvon Potvin, un résident de Saint-Michel.

J’aurais souhaité qu’Hy‐ dro-Québec soit le maître d'oeuvre, et je n’étais pas cer‐ tain que le jardin du Québec (la Montérégie) soit le meilleur endroit où installer des éoliennes.

Mais je dois dire que Kru‐ ger est un citoyen corporatif qui a bien fait les choses, qui est respectueu­x, poursuit M. Potvin, qui s’est résigné avec le temps à la vue des éo‐ liennes.

On vit avec. Personnell­e‐ ment, je ne trouve pas ça tel‐ lement beau des éoliennes et égoïstemen­t, j'aurais sou‐ haité qu’elles soient ailleurs que dans mon coin de pays.

Protéger arables les terres

Des groupes croient néan‐ moins que Québec devrait restreindr­e le développe‐ ment éolien sur les terres arables, comme a choisi de le faire l’Alberta en février der‐ nier.

Les gens ont l'impression qu'ils mettent juste une éo‐ lienne et qu’elles ne sont pas reliées ensemble, mais c'est tout le contraire. Tout est re‐ lié [ sous terre], ça passe sur nos terres agricoles, et c'est ça qui n'est pas acceptable, indique Martin Caron, pré‐ sident général de l’Union des producteur­s agricoles.

Que les éoliennes soient couplées avec les barrages hydroélect­riques, à la BaieJames, où le courant passe sur les lignes déjà installées, plaide Janie Vachon Robillard, porte-parole du collectif ci‐ toyen Pour un choix éclairé dans Nicolet-Yamaska.

Le regroupeme­nt déplore le manque de consultati­on des citoyens dans la mise en place du projet éolien qui verra bientôt le jour dans sa région. D’ici 2027, près de 30 éoliennes de la compagnie EDF Renouvelab­les inc. de‐ vraient y être mises en ser‐ vice.

On pense qu’on va perdre au jeu, dit Mme Vachon Ro‐ billard. Est-ce que vraiment les avantages pour la popula‐ tion ici vont être assez grands pour passer par-dessus les nuisances sonores qui risquent d’avoir lieu? Et pas juste sonore, mais aussi pour le paysage. Parce que c’est immense; c’est plus grand que le pont Laviolette.

Le niveau de bruit d’une éolienne de 1,5 MW corres‐ pond à environ 33 à 40 déci‐ bels, à une distance d’environ 500 mètres - distance mini‐ male à laquelle un résident peut habiter, indiquait le Scientifiq­ue en chef du Qué‐ bec dans un article sur les éoliennes. Cela se compare au niveau de bruit dans une bibliothèq­ue ou une salle de séjour.

Actuelleme­nt, Hydro-Qué‐ bec développe huit autres projets éoliens avec cinq pro‐ moteurs privés pour pouvoir produire un total de 1550 mégawatts d’ici cinq ans.

- D’après un reportage d’Élyse Allard

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