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Une nouvelle loi sur la police entre en vigueur en Ontario, cinq ans après son adoption

- Camille Gris Roy

C’est une « grande refonte » pour le monde policier. La nouvelle Loi sur la sécu‐ rité communauta­ire et les services policiers de l’Onta‐ rio entre en vigueur ce lundi, cinq ans après avoir été adoptée par le gouver‐ nement Ford. Elle vient remplacer une loi qui da‐ tait de plus de 30 ans.

Le texte est imposant : 17 parties, 263 articles et près d’une trentaine de règle‐ ments d’applicatio­n, élaborés à l’issue d’une longue période de consultati­ons.

La loi instaure notamment des codes de conduite pour les policiers et les agents spéciaux, et vient uniformise­r les pratiques à l’échelle de la province.

Elle veille à ce que des normes minimales soient respectées, en ce qui a trait aux effectifs, au temps de ré‐ ponse et à l'équipement par exemple, ou dans une situa‐ tion d’assaillant actif, ex‐ plique Mark Baxter, pré‐ sident de l’Associatio­n des policiers de l’Ontario (PAO). C’est, selon lui, un moyen de mettre les plus petits corps policiers sur un pied d’égalité avec les grands.

La PAO voit aussi dans cette loi une modernisat­ion de la culture interne, une ma‐ nière de rendre les lieux de travail plus sûrs et inclusifs.

L’Inspecteur général

La loi réforme également les mécanismes de supervi‐ sion des corps policiers, avec une nouvelle Agence des plaintes contre les forces de l’ordre, et un poste d’Inspec‐ teur général des services po‐ liciers, une première au pays.

Assisté d’une soixantain­e d’employés et doté d’un bud‐ get de fonctionne­ment an‐ nuel d’environ 8 millions de dollars, l’inspecteur devra s’assurer du respect de la loi : il pourra mener des inspec‐ tions, lancer des enquêtes, et répondra lui aussi aux plaintes du public.

Ryan Teschner, qui a été nommé à ces fonctions, in‐ siste aussi sur l’aspect proac‐ tif de son mandat. Nous au‐ rons accès à une base de données et de renseigne‐ ments qui nous aidera à sur‐ veiller le rendement des ser‐ vices de police, à identifier les domaines où ils peuvent s’améliorer, note-t-il en entre‐ vue. Il croit que cette struc‐ ture apporte plus de transpa‐ rence.

L’inspecteur a le pouvoir de rappeler à l’ordre les corps policiers en cas de problème, et peut aller jusqu’à sus‐ pendre voire révoquer un chef de police ou les membres d’une commission des services policiers. Dans des circonstan­ces extrêmes, cela peut impliquer la nomi‐ nation d'une personne pour superviser, ou la dissolutio­n d'une commission de police ou d'un service de police dans son ensemble, ajoute Ryan Teschner.

Règles disciplina­ires

La loi donne aussi plus de pouvoirs aux chefs de police en matière de suspension­s sans solde. Auparavant, une telle sanction était possible seulement lorsqu’un agent était reconnu coupable d’une infraction et condamné à une peine d’emprisonne­ment. Un chef pourra maintenant im‐ poser une suspension sans salaire à un policier s’il est ac‐ cusé d’une infraction grave, si l’infraction reprochée est sur‐ venue en dehors de l’exercice de ses fonctions.

L'Associatio­n des chefs de police de l'Ontario se réjouit de ces changement­s, mais souhaitera­it que la loi aille encore plus loin en incluant les fautes graves commises dans le cadre du travail. Nous n’avons pas les mêmes pou‐ voirs que les chefs d’ailleurs au Canada. Et il faut se de‐ mander ce qui différenci­e l’Ontario de nos collègues des autres provinces à cet égard, souligne Joe Couto, porte-parole.

Discrimina­toire, disent les Premières Nations

Cette loi est par ailleurs source d’inquiétude­s pour les communauté­s autochtone­s de la province, qui font re‐ marquer que le texte stipule, explicitem­ent, que les règle‐ ments administra­tifs des Pre‐ mières Nations n’ont pas à être appliqués.

Ces règlements sont des lois locales que les Premières Nations peuvent adopter pour encadrer la vie collec‐ tive sur leur territoire, qui traitent par exemple des pro‐ blèmes d'intrusion, de vaga‐ bondage, de drogues et de vente d’alcool. Ces lois re‐ flètent les besoins uniques de chaque communauté, contrairem­ent aux lois pro‐ vinciales, affirme Rodney Nahwegahbo­w, chef de la Première Nation de Whitefish River et ancien membre du Service de police UCCM Ani‐ shinaabe.

Que ces règlements soient maintenant délibéré‐ ment exclus dans le langage de la loi est inacceptab­le et discrimina­toire, lance Laurie Carr, cheffe de la Première Nation Hiawatha. Ça va juste créer le chaos et la confu‐ sion.

Cela signifie que doréna‐ vant, lorsqu’une force poli‐ cière interviend­ra dans une communauté, elle ne sera pas tenue d'appliquer les lois locales en vigueur, poursuit Abram Benedict, Grand chef du Conseil de Mohawks d'Ak‐ wesasne, qui rappelle que certaines Premières Nations relèvent de la Police provin‐ ciale de l’Ontario (PPO), d’autres ont des arrange‐ ments avec des services de police municipaux ou ont leur propre service local de police.

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