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Le Protecteur national de l’élève soulève des critiques

- Flavie Villeneuve

En poste depuis le mois d’août, le Protecteur natio‐ nal de l’élève a déjà reçu 645 plaintes. Or, des pa‐ rents qui ont utilisé ce nou‐ veau mécanisme pour dé‐ poser une plainte ainsi que le regroupeme­nt des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à ca‐ ractère sexuel (CALACS) doutent de son efficacité.

Selon des données four‐ nies par le Protecteur natio‐ nal de l’élève à Radio-Canada, 645 plaintes ont été reçues entre le 28 août 2023 et le 14 mars 2024, dont 89 plaintes ou signalemen­ts relatifs à un acte de violence à caractère sexuel.

Dans le document, il est précisé que les données in‐ cluent les dossiers résolus ainsi que les dossiers en cours de traitement.

L’éventail de motifs des plaintes et des signalemen­ts déposés auprès de cette ré‐ cente ressource est large, al‐ lant des actes de violence à caractère sexuel, à l'intimida‐ tion, à la discrimina­tion mais aussi aux plaintes sur le transport scolaire ou encore l’admission à une école par exemple.

L'avocat Jean-François Bernier est le Protecteur na‐ tional de l’élève, qui cha‐ peaute 17 protecteur­s régio‐ naux. Me Bernier confie que les cas de violence à carac‐ tère sexuel et d’intimidati­on sortent du lot dans les statis‐ tiques.

On est beaucoup dans les violences à caractère sexuel, reconnaît Jean-François Ber‐ nier. Depuis le début, [ça] me trouble un peu dans l'am‐ pleur, je m’attendais à un peu moins intuitivem­ent, mais ça dénote quelque chose et qu’on sert à quelque chose.

Pas une solution pour les violences à caractère sexuel

D’emblée, Justine Chénier, responsabl­e aux communica‐ tions au sein du regroupe‐ ment des CALACS, ne consi‐ dère pas que le Protecteur national de l’élève soit une solution pour contrer les actes de violence à caractère sexuel dans les écoles.

On ne comprend pas pourquoi le ministre de l'Édu‐ cation, Bernard Drainville, s'entête à vouloir maintenir des mesures comme le Pro‐ tecteur [national] de l'élève plutôt qu'une loi-cadre qui doterait les écoles de proto‐ coles clairs, affirme Justine Chénier, à plusieurs reprises. Elle considère aussi que la ressource a été mise en place en réaction à des scandales médiatique­s.

Plusieurs organisati­ons, incluant le regroupeme­nt des CALACS, mais aussi la Fédé‐ ration des comités de pa‐ rents du Québec (FCPQ), de‐ mandent d’en faire plus pour assurer la sécurité des jeunes.

L'enjeu, pour Justine Ché‐ nier, c’est que les violences à caractère sexuel impliquant des jeunes de moins de 18 ans sont particuliè­res et né‐ cessitent des solutions parti‐ culières et adaptées.

En janvier dernier, on est passé en commission parle‐ mentaire pour le projet de loi 47 (Loi visant à renforcer la sécurité des élèves), relate Mme Chénier.

C’est une des critiques qu'on lui a adressée, au mi‐ nistre Drainville, de considé‐ rer les violences à caractère sexuel dans la même lunette d'analyse que les autres types de violence.

Justine Chénier, respon‐ sable aux communicat­ions au sein du regroupeme­nt des CALACS

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Des parents convaincus pas

Si Jean-François Bernier assure qu’après sept mois, les échos sont positifs sur le rôle du Protecteur national de l’élève, ce n’est pas l’avis de Marielle Mbangha, une mère de famille de Québec.

Mme Mbangha a déposé une plainte auprès de l’orga‐ nisation, il y a quelques se‐ maines. La mère de famille a confié à Radio-Canada les dif‐ ficultés qu’elle a rencontrée­s pour défendre son fils de 9 ans qui serait la cible de pro‐ pos racistes et dégradants à l’école.

Ce sont des propos vio‐ lents, très violents, insiste Marielle Mbangha.

Après avoir déposé sa plainte, Mme Mbangha a re‐ çu rapidement le rapport de l’école de son fils. Mais c’est plutôt la réponse du Protec‐ teur qui ne l'a pas satisfaite : le cas de son fils est consi‐ déré comme de l’intimidati­on et non du racisme.

Même si certaines me‐ sures ont été prises par l’école, le fils de Marielle Mbangha est loin d’aller bien.

Mon fils va à l’école à re‐ culons, raconte la mère de famille, usée par la situation. On nous dit que la situation est réglée, mais malheureu‐ sement on ne tient pas compte des dommages.

Mme Mbangha se sent délaissée. Intimidati­on et ra‐ cisme, ce n’est pas pareil, ditelle. Est-ce qu’il y a un plan contre le racisme? Quel est ce plan?

Un ombudsman, pas un tribunal

L’une des critiques formu‐ lées contre le Protecteur na‐ tional de l'élève, notamment par le regroupeme­nt des CA‐ LACS, est que l'organisati­on n'a pas de pouvoir décision‐ nel ni exécutoire.

Jean-François Bernier convient que le rôle de l'orga‐ nisation est uniquement de formuler des recommanda‐ tions, et croit justement qu'il s'agit d'un point à clarifier. Son rôle ressemble davan‐ tage à celui d’un ombudsman que d’un tribunal, selon sa définition du poste.

Notre travail, ce n’est pas de punir l’auteur présumé de l’acte, dit-il.[C'est] de voir comment l'école a géré la si‐ tuation et comment, pour l’avenir, on peut donner des tuyaux pour éviter que ça se reproduise [même dans le cas de violence sexuelle].

Même si on n’est pas la police, même si on n’est pas la DPJ, dès qu'on est saisi par la victime alléguée ou ses pa‐ rents d’une situation de vio‐ lence à caractère sexuel, on signale à la DPJ, car c’est une obligation dans la Loi sur la [protection de la] jeunesse, explique Me Bernier.

Les protecteur­s régionaux s’assurent ensuite de faire un suivi du processus enclenché aux parents ou à la victime alléguée.

On ne punit personne, on n’impose pas de prison ni de dommages et intérêts, ce n'est pas notre rôle. Par contre, ça nous permet de ré‐ gler des choses quand même importante­s.

Jean-François Bernier, protecteur national de l’élève

Questionné sur la ques‐ tion du racisme dans les écoles, Me Bernier estime que ça rentre dans la catégo‐ rie de la violence. On va in‐ tervenir toujours encore une fois, en se tournant vers la gouvernanc­e scolaire, on ne va pas punir l’élève, men‐ tionne l’avocat.

On aide la gouvernanc­e scolaire pour que l’environne‐ ment des élèves au quotidien soit amélioré, poursuit-il.

Les personnes souhaitant porter plainte ou faire un si‐ gnalement auprès du protec‐ teur peuvent le faire en com‐ posant le 1 833 420-5233 ou en écrivant à plaintespn­e@pne.gouv.qc.ca.

Avec les informatio­ns de Colin Coté-Paulette

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