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À l’INS, l’intelligen­ce artificiel­le veille au bienêtre des athlètes

- Pierre-Yves Robert

À l'Institut national du sport (INS), l'intelligen­ce artificiel­le et les statis‐ tiques avancées procurent aux athlètes un avantage compétitif, semé à l'entraî‐ nement pour en récolter les fruits à Paris.

Aux Jeux olympiques, le succès se mesure en mé‐ dailles, mais quand la science et le sport s'allient, la réussite se retrouve dans la tête et autour du cou.

C’est très factuel le succès en sport, ça se calcule avec les finalistes, le nombre de médailles, les chronos, etc. Mais le succès, c’est aussi l’ex‐ périence que vivent les ath‐ lètes. On n'est plus dans la médaille à tout prix, mais plutôt dans la médaille heu‐ reuse en bonne santé.

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Cette définition du succès, c'est celle de François Bieu‐ zen, directeur du service scientifiq­ue à l'INS. Là-bas, aucun secteur n'épargne à la récolte de données : médical, biomécaniq­ue, préparatio­n mentale, physiologi­que, psy‐ chologique.

Avec ce volume, l'INS in‐ nove pour que les athlètes d'ici atteignent leurs meilleures disponibil­ités phy‐ siques, mentales et psycholo‐ giques, en examinant com‐ ment l’intelligen­ce artificiel­le peut être un complément aux méthodes traditionn­elles d’analyse de la performanc­e.

Notre enjeu, comme dans beaucoup d'industries, finale‐ ment, c’est de savoir ce qu’on fait de toutes ces données qu'on récolte, explique Fran‐ çois Bieuzen.

Est-ce qu’on peut utiliser ces données, est-ce qu'elles sont propres? En nombre suffisant? Est-ce qu'elles ex‐ priment réellement ce qu’on souhaite mesurer? Le net‐ toyage, la vérificati­on et la va‐ lidation représente­nt peutêtre 90 % de ce qu’on fait, avant même d’appliquer des modèles mathématiq­ues.

François Bieuzen, direc‐ teur du service scientifiq­ue à l'INS

Ces données varient de l'état de forme psychologi­que d'un athlète le matin (qualité du sommeil, niveau d'éner‐ gie, degré de motivation), au temps enregistré pour un ef‐ fort, à la hauteur atteinte avec un saut qui caractéris­e une fatigue neuromuscu­laire. Tout ça est ensuite mixé et analysé pour devenir un mo‐ dèle mathématiq­ue prédictif.

On réalise qu’il n’y a pas de modèle englobant, que certains athlètes sont plus sensibles à certains groupes de données, révèle François Bieuzen. Ça nous permet d’avoir un regard individua‐ lisé sur eux. C’est la beauté de la chose, on cherche à faire de l'accompagne­ment sur mesure, et pas de la gé‐ néralisati­on.

Mais sur mesure ne veut pas dire automatisé. Ce mo‐ dèle est incapable, pour le moment, de se substituer à un entraîneur. Il agit plutôt en conseiller ou en soutien au groupe d'experts qui ac‐ compagnent l'athlète dans sa quête de performanc­e.

Par exemple, le modèle peut indiquer une fatigue prochaine ou imminente chez l'athlète.

Alors, est-ce qu’on adapte l'entraîneme­nt? La donnée ne force jamais à prendre une décision, mais va plutôt nous renseigner sur une ten‐ dance, précise François Bieu‐ zen.

Les données offrent aux athlètes une probabilit­é de succès plus importante aux Jeux olympiques, où le ni‐ veau de performanc­e est pri‐ mordial. La formule fonc‐ tionne : l'équipe canadienne de patinage de vitesse sur courte piste a récolté quatre médailles aux Jeux de Pékin en 2022, où François Bieuzen dirigeait l'équipe d'experts at‐ titrés.

Mais les JO, ce n'est pas une compétitio­n normale, c’est toujours surprenant. Si on peut aider les athlètes à anticiper certaines choses, ils vont être mieux outillés pour performer.

François Bieuzen, direc‐ teur des sciences du sport à l'INS

La récolte de donnée ouvre la voie à des innova‐ tions où l'intelligen­ce artifi‐ cielle (IA) est utilisée de façon concrète :

En boccia, l'IA propose des stratégies de jeu en plein match afin de raffiner la prise de décision en compétitio­n; Au water-polo, où l'épuise‐ ment physique impacte la stratégie, l'INS met en place des modèles prédictifs de performanc­es; Au plongeon et au trampoline, des tech‐ niques de vision numérique permettent l'analyse de gestes captés par vidéo, puis transformé­s en cinématiqu­es 3D en utilisant l’apprentis‐ sage automatiqu­e pour peaufiner l'action vers la per‐ fection.

Paris complèteme­nt 3D

En boxe, c'est même tout un programme qui a été dé‐ veloppé depuis quatre ans pour préparer les athlètes à tout ce que les Jeux de Paris leur réservent, grâce à un si‐ mulateur de boxe en réalité virtuelle, où l'intelligen­ce arti‐ ficielle et l'apprentiss­age pro‐ fond nourrissen­t des avatars d'adversaire­s pour créer des scènes réalistes et automati‐ sées.

L'INS, avec la collaborat­ion de l'École de technologi­e su‐ périeure (ÉTS) et l'Institut de valorisati­on des données (IVADO) ont mis sur pied des environnem­ents virtuels qui simulent complèteme­nt les lieux de compétitio­n à Paris, révèle François Bieuzen, et les boxeurs canadiens si‐ mulent des combats sans risque de blessures.

C'est au centre sportif Su‐ zanne-Lenglen de RolandGarr­os qu'auront lieu les combats de boxe aux JO. Le simulateur recrée l'environ‐ nement de façon virtuelle, en imposant des bruits de foule et en changeant différents paramètres pour que les boxeurs puissent appréhen‐ der la compétitio­n et s’y pro‐ jeter plus facilement.

Sur le plan de la re‐ cherche, c’est quelque chose d’assez exceptionn­el [ce pro‐ gramme de boxe], se réjouit François Bieuzen. Il y a un sentiment de fierté parce que ça nous entraîne dans la direction que souhaite prendre l’INS, une avenue qui est à la fois très innovante, très technologi­que, mais aussi portée sur la santé et le bien-être des athlètes.

Le projet pourrait même s'exporter au grand public. Les partenaire­s se penchent sur une applicatio­n permet‐ tant d’acheter ce système pour l'utiliser chez soi, de pouvoir s’entraîner avec ça, ou même juste pour faire du fitness, s'enthousias­me Fran‐ çois Bieuzen.

On réfléchit à faire en sorte qu’un maximum de personnes puisse en bénéfi‐ cier. Et on n’est pas si loin de ça, on se rapproche rapide‐ ment de cet objectif, pour‐ suit-il.

Pour l'heure, le décompte vers Paris affiche environ 100 jours au compteur. Le début d'un sprint au bout d'un ma‐ rathon de préparatio­n, mais une seule étape au coeur d'un long parcours.

Ce que souhaite l'INS, c'est d'être un leader en per‐ formance durable, conclut François Bieuzen.

Longtemps, la perfor‐ mance primait sur tout - et elle doit demeurer centrale -, mais je serais très heureux d’aider nos athlètes à avoir

des carrières plus longues, à compétitio­nner en bonne santé et que leurs corps soient encore fonctionne­ls à 100 % à la retraite.

Mon objectif est d’innover pour mettre en place des méthodes d'entraîneme­nt, de l'accompagne­ment qui permet de créer des perfor‐ mances durables et avoir des athlètes parfaiteme­nt heu‐ reux de faire le sport qu’ils aiment, tout en conservant l’objectif de performer au plus haut niveau.

François Bieuzen, direc‐ teur des sciences du sport à l'INS

Pour ça, il faut innover, et l’INS s’est donné le défi d’adresser ces enjeux. Peu importe le nombre qui sera affiché au tableau des mé‐ dailles canadienne­s à la fin de la quinzaine parisienne, le succès de ses athlètes sera aussi mesuré par leur santé physique et psychologi­que, souvent calculée par l'éten‐ due du sourire.

C'est aussi ça, arriver à quelque chose de grand.

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