L’alcool pas avant 21 ans, mais décriminaliser les drogues de rue?
Le médecin hygiéniste en chef de l'Ontario demande à la province de décrimina‐ liser la possession des drogues pour usage per‐ sonnel et d'en rendre l'ap‐ provisionnement plus sûr. Il veut aussi que l’accès à certaines substances, comme l’alcool, soit res‐ treint.
Dans son rapport annuel publié cette semaine, le Dr Kieran Moore suggère aux politiciens de la province d'étudier la possibilité de faire passer l'âge légal de consommation d'alcool de 19 à 21 ans.
Celui-ci demande égale‐ ment à la province d'adopter immédiatement une poli‐ tique visant à limiter l'accès à l'alcool, aux vapoteuses et au cannabis, car le nombre de personnes décédées ou hos‐ pitalisées à la suite d'une consommation de plusieurs substances à la fois a aug‐ menté de façon spectaculaire ces dernières années.
Lorsque nous voyons des menaces évitables - comme la consommation de sub‐ stances qui nuisent à un trop grand nombre de personnes trop jeunes, dévastent des fa‐ milles, détruisent des com‐ munautés et réduisent l'es‐ pérance de vie - nous devons agir.
De son côté, le gouverne‐ ment provincial s’est dit peu enclin à donner suite aux re‐ commandations du Dr Moore.
Les drogues de rue
Selon le Dr Moore, plus de 2500 personnes sont mortes chaque année en Ontario au cours des dernières années en raison d'un approvision‐ nement en drogues de rues qui sont contaminées par des substances toxiques.
En outre, le nombre de décès liés aux opioïdes chez les adolescents et les jeunes adultes en Ontario a triplé entre 2014 et 2021. Des re‐ cherches scientifiques ont démontré qu'un approvision‐ nement en drogues plus sûr est la solution pour préserver la vie de milliers d'autres per‐ sonnes dans les années à ve‐ nir, a-t-il déclaré.
Le système doit d'abord prendre des mesures ur‐ gentes pour garder les gens en vie, comme la création d'espaces sûrs où les gens peuvent consommer des drogues non réglementées et fournir des alternatives phar‐ maceutiques réglementées, a écrit le médecin hygiéniste.
Une fois ces mesures de réduction des risques mises en place, les personnes qui consomment des opioïdes peuvent être en mesure de bénéficier d'offres d'éduca‐ tion et de traitement, et de faire des choix qui leur per‐ mettent de réduire, voire d'arrêter leur consommation d'opioïdes, lit-on dans le rap‐ port.
Selon le Dr Moore, décri‐ minaliser la possession à des fins personnelles de petites quantités de certaines drogues illégales permet à la justice et aux services de ré‐ pression de concentrer leurs ressources sur la lutte contre les organisations et les indivi‐ dus qui profitent de la vente non réglementée de drogues, plutôt que sur les personnes qui consomment des sub‐ stances dont les besoins se‐ raient mieux satisfaits dans le cadre du système de santé.
L’alcool à 21 ans?
Il a également recom‐ mandé à l'Ontario d'étudier la possibilité de faire passer l'âge minimum légal de consommation d'alcool de 19 à 21 ans et de collaborer avec le gouvernement fédé‐ ral pour exiger que tous les produits alcoolisés portent des étiquettes d'avertisse‐ ment [...] décrivant les risques [...] de la consomma‐ tion d'alcool.
Selon lui, tout le monde sait que les Ontariens conti‐ nueront à consommer des substances légales. Le défi consiste à aider les gens à comprendre les risques et à modérer ou arrêter leur consommation.
Le Dr Moore affirme que les Ontariens, en particulier les jeunes, affichent une ten‐ dance inquiétante ces der‐ nières années en matière de consommation excessive d'alcool et de vapotage.
Le rapport, qui cite des données récemment pu‐ bliées par l'Institut canadien d'information sur la santé, révèle que 33 % des adultes ont déclaré avoir consommé du cannabis en 2020, soit une augmentation de 8 % par rapport à 2019. Et lors‐ qu'il a publié son enquête sur le cannabis en 2022, Santé Canada a indiqué que le nombre d'Ontariens décé‐ dés des suites d'une intoxica‐ tion à l'alcool avait augmenté de 16 % entre 2018 et 2021.
Nous avons également constaté des changements préoccupants dans les habi‐ tudes de consommation de substances de manière plus générale, notamment des taux plus élevés de vapotage chez les non-fumeurs, une augmentation des empoison‐ nements involontaires chez les enfants dus à l'ingestion de cannabis, et un fardeau toujours élevé d'hospitalisa‐ tions et de cancers causés par l'alcool, a déclaré le Dr
Moore dans le rapport.
C'est pourquoi il faut s'ef‐ forcer de modifier les normes sociales en sensibili‐ sant les Ontariens aux nou‐ velles données sur les consé‐ quences de l'alcool.
La province peu intéres‐ sée
Selon le Dr Moore, ses re‐ commandations à plusieurs volets peuvent, d’un côté, ai‐ der les politiciens à prévenir les surdoses mortelles, et de l’autre, à prévenir la consom‐ mation dangereuse de plu‐ sieurs substances légales à la fois.
Or, Hannah Jensen, porteparole du ministre de la Santé de l'Ontario, a déclaré dans un courriel jeudi que le gouvernement appréciait les recommandations [du Dr] Moore visant à restreindre les substances légales tout en décriminalisant les drogues dures.
Mais Mme Jensen a dé‐ claré qu'elles ignorent les conséquences involontaires et les problèmes importants de sécurité publique rencon‐ trés par d'autres juridictions qui ont mis en oeuvre des propositions similaires. Mme Jensen n'a pas donné d'exemples.
De son côté, la PDG onta‐ rienne de l’Association cana‐ dienne pour la santé mentale a réagi favorablement au rapport du Dr Moore, jeudi.
Tout le mal causé par les opioïdes touche de nom‐ breux membres de notre communauté, notamment les travailleurs de la construction, de l'exploitation minière, du pétrole et du gaz. L'impact de cette crise est dé‐ vastateur pour les victimes et leurs familles, selon Camille Quenneville, PDG de la divi‐ sion Ontario de l’association.
Nous soutenons la recom‐ mandation du Dr Moore d'établir une stratégie glo‐ bale pour lutter contre la crise des opioïdes et la ré‐ duire, notamment en amélio‐ rant l'accès aux services de consommation et de traite‐ ment et aux programmes d'approvisionnement plus sûr fondés sur des données probantes, dont il a été dé‐ montré qu'ils permettaient d'éviter des décès inutiles. L'extension des traitements de réduction des risques et l'intégration de l'accès à ces services dans les refuges et les logements permettront de fournir les soins néces‐ saires pour aider nos popula‐ tions les plus vulnérables.
Avec des informations de La Presse canadienne et de CBC