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Beau Dommage : 50 ans d’harmonie, d’amitié et de démocratie

- Charles Rioux

À l’occasion du 50e anniver‐ saire de son premier al‐ bum, Beau Dommage s’est entretenu avec Anne-Marie Dussault pour une émis‐ sion hors-série de 24/60, diffusée lundi à 19 h à ICI RDI. Le groupe revient sur la genèse de ses premières chansons, sur sa méca‐ nique de création unique et sur l’amitié inébranlab­le qui se trouve derrière son succès.

Le premier album épo‐ nyme Beau Dommage est paru le 9 décembre 1974. À l’époque, les membres du groupe, qui avaient tout juste 20 ans, ne se doutaient pas qu’il s’écoulerait éventuelle‐ ment à plus de 300 000 exemplaire­s. Quelques mois plus tôt, ils avaient même of‐ fert leurs chansons sur un plateau d’argent à Donald Lautrec, grande vedette de la chanson à l’époque.

Donald Lautrec aurait pu faire un album avec Ginette, Montréal, etc., se souvient Michel Rivard. Je pense que c’est son gérant qui a dit : Do‐ nald, je pense que ce serait un changement de carrière un peu trop abrupt, ajoute Robert Léger, qui a cofondé Beau Dommage avec Michel Rivard et Pierre Huet.

Avec leurs premiers titres en poche, les trois amis se sont rapidement rendu compte que le passage de l’appartemen­t à la scène se‐ rait ardu. Michel Rivard et Ro‐ bert Léger étaient les seuls musiciens du groupe, alors que Pierre Huet se présentait déjà comme un poète de l’ombre qui ne mettrait ja‐ mais les pieds sur scène.

Cinq décennies monie d'har‐

Pour donner vie aux chan‐ sons, Michel Rivard a tout de suite pensé à son ami Pierre Bertrand, véritable encyclo‐ pédie musicale avec qui il avait joué dans La famille Casgrain. Ce dernier, féru d’harmonies vocales, a rapi‐ dement constaté qu’il fau‐ drait une troisième voix pour recréer les arrangemen­ts qu’il avait en tête.

Après une visite détermi‐ nante au 6760 Saint-Vallier, à

Montréal - appartemen­t de Robert Léger et QG de Beau Dommage -, Marie-Michèle Desrosiers fut embauchée comme chanteuse. Elle fut rejointe quelque temps plus tard par Réal Desrosiers à la batterie. [Marie-Michèle] était venue auditionne­r sur la chanson Montréal. J’étais au piano et quand j’ai entendu les trois voix ensemble, j’avais le poil qui levait sur les bras, se rappelle Robert Lé‐ ger.

Beau Dommage commen‐ çait souvent ses spectacles avec Tous les palmiers. Et quand on arrivait au moment où les trois chantaient en‐ semble, c'était comme si leurs voix formaient un arcen-ciel, illustre Pierre Huet.

Le septième membre du groupe, le multi-instrumen‐ tiste Michel Hinton, s’est joint à Beau Dommage après le deuxième album, en rempla‐ cement de Robert Léger qui avait choisi de se concentrer uniquement sur les textes.

Le groupe qui chantait Montréal

Des chaudes guitares de Tous les palmiers au triste piano de Montréal, les onze titres de l’album Beau Dom‐ mage sont imprégnés de l’ADN de la métropole. Mais selon le groupe, il ne s’agis‐ sait pas tant d’un hommage à Montréal qu’une simple des‐ cription de scènes quoti‐ diennes dans la ville.

Notre but n’était pas de glorifier Montréal, c’était beaucoup plus simple. On voulait faire des chansons qui parlaient de notre quoti‐ dien, explique Robert Léger. Et c’était quoi notre quoti‐ dien? On restait en ville, on se promenait sur les trot‐ toirs, dans les rues, on maga‐ sinait, on rencontrai­t des gens dans les bars. Et on parle de ça, tout simplement.

On a mis en paroles la Montréalit­é, pas juste en nommant des rues, mais dans la façon de parler, la fa‐ çon de raconter. On était un petit peu en réaction gentille contre la ruralité des poètes célèbres [de l’époque].

Michel Rivard

Beau Dommage, une vé‐ ritable démocratie

Si les affinités artistique­s de ses membres ont été l’étincelle de Beau Dommage, leur amitié et leur respect mutuel expliquent peut-être leur longévité. Au sein du groupe, tout se partage : des droits d’auteur au choix d’un accord mineur plutôt que majeur dans un couplet.

La démocratie, des fois, c’est pénible, explique Michel Hinton. Je me souviens d’une chanson que j’ai faite, et que je voulais arranger de telle manière, mais tout le monde était contre ça. Et puis j’ai dû céder... Je persiste à croire que j’avais raison, ajoute-t-il en s'esclaffant.

Contrairem­ent à plusieurs groupes, Beau Dommage avait également l’habitude de se baser sur les paroles pour composer la musique, plutôt que l’inverse. Ce qui laissait toute la place aux textes de Robert Léger et Pierre Huet. Dans la poésie, dans les textes, la musique est là, ré‐ sume Michel Hinton.

J’ai écrit beaucoup de chansons pour d’autres per‐ sonnes, mais avec Beau Dommage, je pouvais écrire ce qui me ressemblai­t le plus, sans me poser de questions [...] C’était nos chansons.

Robert Léger

Une maine expérience

Au-delà de leur succès cri‐ tique et commercial, les sept membres de Beau Dommage restent surtout marqués par leur amitié hors de l’ordi‐ naire, qui perdure après cinq décennies.

C’est plus qu’un groupe de musique, c’est une expé‐ rience humaine. La preuve, c’est qu’on est encore en‐ semble après 50 ans, résume le batteur Réal Desrosiers.

À l’échelle du Québec, Beau Dommage a parfois été comparé aux Beatles, une analogie que rejette en bloc Michel Rivard. Il n’y a aucune comparaiso­n possible, ex‐ plique-t-il. On évite les super‐ latifs, [...] mais je pense qu’on a réussi à toucher le coeur des gens. Les applaudiss­e‐ ments au début des concerts, la chaleur des gens qui nous écoutent, je pense qu’elle est là notre récompense.

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