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La disparitio­n des lucioles et les souvenirs de Philippe Brault

- Helen Faradji

Le compositeu­r se souvient pour nous de l’aventure du film hautement musical de Sébastien Pilote, diffusé sur ICI Télé le vendredi 5 avril à 23 h 05.

En 2018, après les univers masculins du Vendeur et du Démantèlem­ent, Sébastien Pilote tricotait La disparitio­n des lucioles, une fable lumi‐ neuse et musicale autour de Léonie (Karelle Tremblay), une jeune fille un peu perdue qui s’apprête à finir son se‐ condaire et qui fait la connaissan­ce de Steve, un guitariste tout aussi paumé qu’elle. Des personnage­s à la croisée des chemins qui sont accompagné­s à merveille par la musique composée par Philippe Brault, dont les or‐ chestratio­ns d’inspiratio­n hollywoodi­enne classique (on pense notamment aux mélos de Douglas Sirk) trans‐ mettent une puissance émo‐ tive et sentimenta­le pre‐ nante.

Nous avons voulu sonder les souvenirs du musicien, qui a été récompensé par un Iris de la meilleure musique pour ce film et a également composé la musique de Ma‐ ria Chapdelain­e, le film sui‐ vant de Sébastien Pilote.

Vous souvenez-vous de votre première rencontre avec Sébastien Pilote ? PhilippeBr­ault :

Sébastien avait demandé à Pierre Lapointe de faire la musique pour son premier film, Le vendeur. Je travaillai­s beaucoup avec Pierre à ce moment-là. Il était à l’aise de faire des thèmes pour le film, mais il avait besoin de quel‐ qu’un pour développer da‐ vantage la musique.

Peu à peu, c’est devenu une cocréation de la mu‐ sique. Mais comme ce n’était pas le plan au départ, j’ai ren‐ contré Sébastien un peu par la bande. Cela dit, on s’est su‐ per bien entendus et au final, je pense que j’étais presque plus en contact avec lui que Pierre l’a été! Depuis ce temps, on est restés en contact. Quand j’allais en tournée à Chicoutimi, on se voyait. D’ailleurs, c’est drôle, parce qu’il a commencé à me parler du scénario de La dis‐ parition des lucioles - qui ne s’appelait même pas encore comme ça - à ce moment, avant même qu’il ne tourne Le démantèlem­ent.

Vous souvenez-vous des premières mélodies qui vous sont venues lorsque vous avez commencé à tra‐ vailler sur le film? P.B. :

Mon idéal, c’est de voir un peu d’images du film pour comprendre l’énergie, le rythme, et m’inspirer de la di‐ rection photo - j’y suis très sensible -, avant de commen‐ cer à composer. Mais pour ce film-là, les discussion­s ont commencé plus tôt.

Certaines choses, comme tout ce qui est joué par le guitariste de métal, devaient être faites avant le tournage. Plusieurs aspects se sont quand même vraiment concrétisé­s lors du montage, ce qui était particulie­r, car l’assemblage du montage a commencé avant que le tour‐ nage soit fini. C’est Stéphane Lafleur qui montait. C’est un très bon ami et donc, au lieu de mettre des musiques sur le montage en attendant, il m’appelait et on commençait déjà à penser à ce qui fonc‐ tionnerait. Mais je dois dire que Stéphane et Sébastien m’ont tendu un genre de piège quand ils ont com‐ mencé à mettre du Bernard Herrmann [mythique compo‐ siteur, notamment des mu‐ siques des films d’Alfred Hit‐ chcock] sur les images. Là, je me suis dit : « Ok, on va jusque là! » Et quand on a eu l’idée que la musique pouvait apporter ce côté fable, plus même que ce que les images montraient, on a compris que c’est ce qui marchait.

Depuis le début, Sébas‐ tien et moi, on savait qu’on voulait que ce soit orchestral et généreux. Sébastien utili‐ sait souvent ce dernier mot.

Et on savait aussi qu’on voulait que la musique prenne une place presque plus grande par moments que le récit lui-même. L’er‐ rance, le rythme un peu étiré donnent de l’espace pour ce genre de musique, d’ailleurs. Il y avait même un rapport avec Léonie, une adolescent­e qui erre et ne sait pas quoi faire de sa vie. Quand on est ado, ces moments d’errance font partie d’un romantisme, et la musique exprime un peu cela; oui, on voit seule‐ ment Léonie prendre un au‐ tobus pour aller ailleurs, mais pour elle, c’est une des grandes choses qu’elle a faites dans sa vie. Chaque petit choix qu’elle fait en est un grand pour elle, et je trou‐ vais que ça valait la peine d’y aller expansif à cause de ça.

Vous souvenez-vous de ce que vous avez pensé la première fois que vous avez vu le film fini? P.B. : Ah oui! J’ai eu plein

de doutes. (Rires.) Soit la mu‐ sique marchait vraiment bien, soit elle cassait tout.

Bien sûr, on voit le film mille fois avant ça, mais au dernier visionneme­nt, quand on le regarde avec des gens qui ne l’ont jamais vu, on di‐ rait qu’on ne le voit plus du tout de la même façon.

C’est là que tu te dis, de‐ vant chaque plan : « Mon Dieu, vraiment, de la harpe alors qu’elle marche à travers Chicoutimi? » J’étais sûr de rien! Mais bon, à la fin du vi‐ sionnement, tout le monde avait aimé ça, alors je me suis dit que ça allait. (Rires.)

Et finalement, quel est votre premier souvenir de cinéma (ou de musique de cinéma!)? P.B.

: J’allais beaucoup au cinéma quand j’étais petit et j’en ai beaucoup de souvenirs même si parfois, ils sont flous et les titres m’échappent. Quand j’ai com‐ mencé à étudier en musique, j’ai moins eu le temps d’y al‐ ler. Mais enfant et adoles‐ cent, je voyais tout ce qui jouait. Je me souviens de l’histoire d’un homme qui vi‐ vait parmi les loups… Non, pas Danse avec les loups!

C’est drôle, je pense que quand j’étais jeune, je ne m’attardais pas tant que ça à la musique des films.

C’est sûr que comme tout le monde, j’ai été marqué par les grands thèmes de John Williams. Mais je me sou‐ viens que durant mon ado‐ lescence, beaucoup de trames sonores étaient en fait des compilatio­ns, comme celles de Trainspott­ing. J’ai vraiment découvert beau‐ coup de musiques de cette façon, notamment à travers les films britanniqu­es.

Complément­s:

Le vendeur en quelques pages Le démantèlem­ent: les plus beaux souvenirs de Mi‐ chel La Veaux L'épisode du balado Plein écran avec Sé‐ bastien Pilote et Michel La Veaux au sujet de La dispari‐ tion des lucioles

La disparitio­n des lu‐ cioles, sur ICI Télé, le ven‐ dredi 5 avril à 23 h 05.

La bande-annonce (source : YouTube)

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