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Enlevée et violée par un néo-nazi : l’histoire de Dana H. racontée au théâtre

- Hadrien Volle

Acclamée à New York ces dernières années, la pièce Dana H. est amenée à To‐ ronto au théâtre Factory. La production raconte l’en‐ lèvement et la séquestra‐ tion de Dana Higginbo‐ tham. Sur scène, l’héroïne est incarnée par Jordan Ba‐ ker, qui emprunte la voix de la vraie Dana, qui a ra‐ conté son histoire en 2015.

En 1997, Dana Higginbo‐ tham est aumônière dans l’aile psychiatri­que d’un hôpi‐ tal. C’est là qu’elle fait la connaissan­ce de Jim, un jeune patient membre de la Fraternité aryenne.

Elle est touchée par l’his‐ toire de cet homme qui s’est retrouvé tout jeune dans un environnem­ent de haine et de violence. Quand il était enfant, sa famille se servait de lui comme une torpille pour faire entrer des choses illégales en prison.

Dana prend Jim en pitié : elle l’invite pour Noël, l’aide à se réinsérer, jusqu’au jour où après une période d’absence, il entre chez elle par effrac‐ tion, la moleste et l’enlève dans un voyage en enfer qui va durer 5 mois.

Pendant cette période, elle est emmenée de motel en motel sur les routes de Floride et de Caroline du Nord. À plusieurs reprises, elle croise la police, demande l’aide d’agents pour arrêter Jim, mais aucun ne veut prendre le risque de se confronter à ce membre de gang vu comme très dange‐ reux.

Elle finit par s’enfuir grâce à l’aide d’un ouvrier de la constructi­on qui l’emmène avec lui sur les routes, alors que Jim s'est absenté pour quelques heures.

Raconter longuement le traumatism­e

Cette histoire vécue, Dana Higginboth­am l’a racontée à un ami de son fils qui n’est autre que l’auteur de la pièce, Lucas Hnath. Ce dernier a pris les cassettes enregis‐ trées et a créé un montage que la comédienne Jordan Baker dit en synchro sur scène.

La victime a pu tout ra‐ conter dans les moindres dé‐ tails, pour la première fois en 2015. Entre l'événement et le témoignage, elle a gardé en elle le traumatism­e. Malgré le fait qu’elle en était sortie vi‐ vante, elle se sentait étran‐ gère à la société, puisque tous les gens qui l’entou‐ raient ne pouvaient pas com‐ prendre ce qu’elle avait subi.

La mise en scène de Les

Waters est centrée sur l’unique personnage de la pièce. La scène du Factory est transformé­e en une chambre de motel tout ce qu’il y a de plus sordide avec draps souillés et plafond ta‐ ché.

Dana H.

est simplement assise dans un fauteuil, elle joue tout en économie de gestes. L’illusion créée par

Jordan Baker est fascinante, on pourrait oublier qu’elle emprunte sa voix à une autre, mais des bips dans le montage nous ramènent fré‐ quemment à la réalité.

Sur plusieurs jours d’en‐ trevue, la pièce ne garde qu’une heure. Après la repré‐ sentation, on sort sonné comme à la suite d'un match de boxe.

La violence du texte, qui raconte en détails certains des sévices subis, mais aussi la résilience du personnage, sa force et ses rires qui ponc‐ tuent l’entrevue nous em‐ mènent sur un sentier in‐ connu par la majorité du pu‐ blic : celui de la reconstruc‐ tion d’une femme qui a fait le choix de s’accrocher à la vie.

Dana H. de Lucas Hnath, mise en scène de Les Waters, proposée dans la saison du Crow’s Theatre. Jusqu’au 14 avril au Factory Theatre.

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