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La crise des surdoses et ses solutions, une patate chaude politique

- Cédric Lizotte

La qualité des drogues de rue est-elle un sujet toxique en politique?

Un rapport du médecin hygiéniste en chef de l’Onta‐ rio publié jeudi soir - à la veille du congé pascal - sug‐ gère la décriminal­isation de petites quantités de drogues illégales. On y préconise aussi l’offre de drogues de qualité pharmaceut­ique aux toxicomane­s.

Immédiatem­ent après sa publicatio­n, une porte-parole de la ministre de la Santé de la province a balayé du re‐ vers de la main les recom‐ mandations du rapport : se‐ lon elle, les problèmes im‐ portants de sécurité publique rencontrés par d'autres juri‐ dictions qui ont mis en oeuvre des propositio­ns simi‐ laires signifient que la solu‐ tion est ailleurs.

Le gouverneme­nt Ford n’est pas seul à avoir cette opinion. Pour bien des Cana‐ diens, les mesures proposées sont une pilule difficile à ava‐ ler, même si elles semblent faire consensus dans la com‐ munauté scientifiq­ue.

La crise des surdoses ainsi que les images qui nous pro‐ viennent des grands centres du pays - Downtown Eastsi‐ deà Vancouver ou l'allée du crack à Montréal, entre autres - marquent les esprits. Le problème mérite une solu‐ tion, rappellent les experts.

L'approche, l'attitude qui dit que les sans-abri et [toutes] les personnes qui sont le plus touchées par des substances toxiques, "c'est pas des gens comme moi, [...] c'est des criminels, [...] je m'en fous, je ne pense pas à ces gens là", c'est... on ne peut pas [faire] ça. Et je pense que la société semble avoir conscience qu'on ne peut pas [faire] ça, affirme le Dr Patrick Fafard de l'Univer‐ sité d'Ottawa.

Conséquenc­es taires involon‐

Nous apprécions le point de vue spécifique adopté par le médecin hygiéniste en chef dans ce rapport, mais ses re‐ commandati­ons visant à res‐ treindre les substances lé‐ gales tout en décriminal­isant les drogues dures sont inco‐ hérentes et ne tiennent pas compte des conséquenc­es involontai­res et des pro‐ blèmes importants de sécu‐ rité publique rencontrés par d'autres juridictio­ns qui ont mis en oeuvre des proposi‐ tions similaires. C'est en ces mots que Hannah Jensen, porte-parole de la ministre de la Santé Sylvia Jones, a ré‐ agi aux recommanda­tions du rapport.

Celle-ci fait probableme­nt référence à la situation à Vancouver, entre autres, où des mesures similaires à celles proposées par le Dr Moore ont été implantées il y a plus d’un an. Or, le nombre de morts par surdose y est toujours en hausse et des images cauchemard­esques continuent de circuler sur les médias sociaux.

Il y a aussi la situation de l’Oregon. L’État américain a été le premier, en 2021, à dé‐ criminalis­er la possession de petites quantités de drogues. Or, le 1er mars, on y a adopté un projet de loi visant à renverser la décriminal­isa‐ tion. Celui-ci doit maintenant être approuvé par la gouver‐ neure Tina Kotek, explique Associated Press.

Le simple fait que des ré‐ sultats probants n'ont pas été observés rapidement une fois ces mesures implantées peut sonner le glas de la car‐ rière d'un politicien, explique Peter Graefe, professeur agrégé de sciences politiques à l'Université McMaster. Il y aura une volonté de changer le cap [dans la population].

Il n'y a pas tellement de de comtés où c'est payant de promettre [...] un centre de traitement sécuritair­e sur la rue ou près de chez [les élec‐ teurs].

Peter Graefe, professeur agrégé de sciences politiques à l'Université McMaster

En fait, selon Dre Gillian Kolla, professeur­e adjointe à l’Université Memorial de Terre-Neuve, les politicien­s qui sont à la remorque de l’électorat font partie du pro‐ blème.

Pendant la pandémie, nous avons vu les taux de dé‐ cès liés aux surdoses aug‐ menter de façon spectacu‐ laire. Et c'était le silence, le si‐ lence radio, à presque tous les niveaux de gouverneme­nt dit la spécialist­e en recherche sur la consommati­on de sub‐ stances.

C’est dû à la stigmatisa‐ tion qui entoure la consom‐ mation de substances psy‐ choactives. C’est dû à des no‐ tions très dépassées selon lesquelles les gens sont en quelque sorte responsabl­es de leur propre consomma‐ tion de substances. En fait, nous n'avons jamais déve‐ loppé les services et les aides dont nous avons besoin pour résoudre ce problème. Et je pense que c'est à cause de cette réticence des gouverne‐ ments à jouer un rôle de pre‐ mier plan dans ce domaine.

Les trois experts ont souli‐ gné que cette crise des sur‐ doses s'inscrit dans une ten‐ dance de problèmes systé‐

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