Trente ans d’existence pour L’Itinéraire : rétrospective d’un magazine unique
Le magazine bimensuel L'Itinéraire célèbrera mardi ses trente ans d'existence. Lancé pour la première fois en 1994, le modèle unique de ce magazine a procuré fierté et autonomie aux milliers de camelots qui y ont contribué depuis sa création.
À l'origine un projet d’écri‐ ture développé par un tra‐ vailleur social au sein duquel des personnes sans domicile fixe écrivaient des textes bro‐ chés ensuite distribués dans la métropole, L'Itinéraire a évolué avec le temps pour devenir un outil de réinser‐ tion sociale où les camelots sont le coeur du magazine.
Aujourd'hui, une centaine d'entre eux se trouvent dans les rues ou stations de mé‐ tros de Montréal, de Laval et de Longueuil afin de vendre les magazines. Bien souvent, le camelot qui vend le nu‐ méro a lui-même ou ellemême contribué à sa réalisa‐ tion en écrivant un texte, ce qui alimente un sentiment de fierté.
L'éditrice adjointe et ré‐ dactrice en chef de L'Itiné‐ raire depuis 2015, Josée Pa‐ net-Raymond, estime que ce magazine est depuis toujours une occasion pour les came‐ lots de se valoriser en racon‐ tant leur histoire aux lec‐ teurs.
Ils disent qu’ils ont un texte dans L'Itinéraire et les gens disent : ‘’Ah oui? Je veux voir ça, je vais l'acheter’’. C'est une grande fierté pour eux. Ça établit un dialogue avec les gens et ça fait tomber les préjugés, explique-t-elle au sujet de l'importance du ma‐ gazine pour les camelots.
Un magazine unique
Le modèle unique de L'Iti‐ néraire est ce qui le définit depuis sa création en 1994. Des centaines de camelots contribuent souvent à la ré‐ daction d'un texte dans le magazine, et ensuite l'achètent et le revendent pour faire un profit qu'ils conservent par la suite.
Le magazine est d'ailleurs conçu d'une manière pro‐ gressive, c'est-à-dire qu'il commence habituellement par des histoires de vies de camelots avant de passer à une section inspirée de la chronique et de finir avec une rubrique d'actualité. Ces deux dernières parties im‐ pliquent de réaliser des tâches similaires à celles d'un journaliste, notamment dans la construction de dossiers et l'élaboration d'un angle de recherche.
Selon Karine Bénézet, journaliste et cheffe de pu‐ pitre pour L'Itinéraire depuis 2016, tout le processus de création du bimensuel est thérapeutique pour les ca‐ melots et est hautement va‐ lorisant pour ces personnes.
À travers tout ça, il y a le côté thérapeutique dans la rédaction qui les aide beau‐ coup puisqu’ils peuvent prendre une place dans la so‐ ciété dans un magazine qui est lu et valorisé. Les came‐ lots sont toujours extrême‐ ment fiers d’avoir un texte écrit dans le magazine, et pouvoir s'exprimer les valo‐ rise.
Karine Bénézet, journa‐ liste et cheffe de pupitre pour L'Itinéraire
Mme Panet-Raymond ajoute que la rédaction de textes dans le magazine dé‐ veloppe l'assiduité pour les camelots puisqu'ils doivent respecter des délais, ce qui représente beaucoup pour des gens en situation de pré‐ carité.
Une édition spéciale
Pour souligner ses trente ans d'existence, L'Itinéraire lancera mardi une édition lit‐ téraire de 124 pages. Construite davantage comme un livre, cette édition spé‐ ciale intitulée Tracés litté‐ raires rassemble des textes de 18 auteurs québécois connus, tels que Michel Tremblay, Monique Proulx et Patrick Sénécal, entre autres.
Tout en étant composée de textes de camelots, à l'ins‐ tar des parutions habituelles, cette édition spéciale com‐ porte une couverture réali‐ sée par le bédéiste Michel Rabagliati. Elle coûtera 10 $, au lieu du 3 $ habituel pour le magazine.
L'Itinéraire a permis d'ai‐ der plus de 3200 personnes depuis 30 ans. Vendant 16 000 magazines par mois, le groupe communautaire a aussi pu développer une halte-chaleur l'hiver pour ve‐ nir en aide aux personnes vulnérables.
Avec les d'Audrey Neveu
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