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Constructi­on durable : encore beaucoup à faire dans la région de la capitale nationale

- Nelly Albérola

De plus en plus de constructe­urs de la région se tournent vers la certifi‐ cation LEED pour valider leurs efforts de durabilité. Si le pays excelle en la ma‐ tière, la région de la capi‐ tale nationale, elle, est à la traîne. Radio-Canada est al‐ lée à la rencontre de deux constructe­urs locaux qui visent la certificat­ion.

De l’extérieur, le chantier Mellem dans le district Ma‐ noir des Trembles - Val-Té‐ treau, à Gatineau, ressemble aux autres chantiers de constructi­on. Derrière les tra‐ vaux se cache pourtant un projet de bâtiment durable.

Nous recherchon­s tou‐ jours à avoir un impact posi‐ tif sur les facteurs ESG [envi‐ ronnementa­ux, sociaux et de gouvernanc­e] en entreprise, explique le président de Maître Carré, développeu­r immobilier du projet, Hugo Girard-Beauchamp.

C’est dans cette idée qu'on a construit le projet : avec une bonne dose de ma‐ tériaux nobles et une ap‐ proche responsabl­e. On s’est dit que pour mesurer ses im‐ pacts, il nous faudrait une certificat­ion. La certificat­ion LEED était à portée de main.

On en a profité pour bâtir l’avion en plein vol, comme on dit.

Hugo Girard-Beauchamp, président de Maître Carré

La certificat­ion c’est quoi? LEED,

LEED est un acronyme an‐ glophone pour Leadership in Energy and Environmen­tal Design. C’est un système d’évaluation de performanc­e des bâtiments dans le do‐ maine de l'environnem­ent et de la durabilité. Il a été déve‐ loppé en 1998 par le Conseil américain du bâtiment écolo‐ gique (U.S. Green Building Council) et est administré de‐ puis 2002, dans le pays, par le Conseil du Bâtiment du‐ rable du Canada. Les projets qui visent la certificat­ion ob‐ tiennent un certain nombre de points, selon les efforts réalisés. Le total des points cumulés détermine si le pro‐ jet est reconnu LEED : certi‐ fié, argent, or ou platine. Plus d’une centaine de pays re‐ connaissen­t et utilisent la certificat­ion LEED.

Source : Conseil du Bâti‐ ment durable du Canada.

Pour obtenir cette certifi‐ cation, le développeu­r a dû s'adapter aux exigences de‐ mandées, à savoir : une pré‐ servation des matériaux et des ressources naturelles, une protection de l’eau, une efficience énergétiqu­e, une qualité de l’espace intérieur, et un emplacemen­t géogra‐ phique durable.

Des critères qui coûtent plus cher aux constructe­urs. Jusqu’à 5% plus cher qu’une constructi­on convention‐ nelle, selon l’Associatio­n de la constructi­on du Québec (ACQ).

Ça m’a demandé plus d’ar‐ gent, c’est certain, confirme Hugo Girard-Beauchamp.

Mais nous pensons que ce genre d'immeubles avec un impact responsabl­e, c'est la norme à suivre dans le fu‐ tur.

Hugo Girard-Beauchamp, président de Maître Carré

Le Haut-Commissari­at bri‐ tannique du Canada a fait le même choix. Voilà bientôt trois mois que les diplomates sont dans de nouveaux lo‐ caux, promenade Sussex, à Ottawa. Dans un bâtiment que la Haute-Commissair­e, Susannah Goshko, qualifie de plus vert de tout le réseau di‐ plomatique britanniqu­e.

98 % des déchets de constructi­on ont été recyclés, souligne la diplomate. Le bois que vous voyez vient de la rivière. On a même utilisé la pierre de l’ancien bâtiment qui était sur ce site, les autres pierres viennent de carrières qui sont proches pour ne pas être obligé de transporte­r les matériaux de loin.

Grâce à ce travail de dura‐ bilité, le Haut-Commissari­at britanniqu­e espère obtenir la certificat­ion LEED Or. Le changement climatique est quelque chose qui doit nous préoccuper tous. Pour nous, il est très important que nous nous comportion­s d'une ma‐ nière qui correspond­e à ces valeurs, poursuit Susannah Goshko.

Selon le niveau de certifi‐ cation visé, les travaux réali‐ sés durablemen­t permettent jusqu’à 70 % d’économie d’énergie comparativ­ement à un bâtiment régulier.

Quelques chiffres

Le 7 mars 2024, le Pro‐ gramme des Nations unies pour l’environnem­ent (PNUE) et l’Alliance mondiale pour les bâtiments et la construc‐ tion (GlobalABC) ont publié leur rapport annuel (2022) sur l’état mondial des bâti‐ ments et de la constructi­on :

Environ 21 % des émis‐ sions mondiales de gaz à ef‐ fet de serre proviennen­t du secteur du bâtiment et de la constructi­on. Les bâtiments ont été responsabl­es de 34 % de la demande mondiale d'énergie et de 37 % des émissions de dioxyde de car‐ bone (CO2) liées à l'énergie et aux processus. La demande d'énergie et les émissions du secteur du bâtiment et de la constructi­on représente­nt plus d'un cinquième des émissions mondiales. Le pro‐ gramme des Nations unies rappelle qu’en 2022, une aug‐ mentation de 1 % des émis‐ sions du secteur correspon‐ dait à 10 millions de voitures supplément­aires faisant le tour de la Terre.

Au Québec, selon les plus récentes données du gouver‐ nement provincial, le secteur des bâtiments est respon‐ sable de 9,6 % des émissions totales de gaz à effet de serre (GES).

La province s’est engagée à réduire l’ensemble de ses GES de 37,5 % par rapport aux niveaux de 1990, d'ici 2030 et de rendre tous ses bâtiments carboneutr­es d’ici 2050.

Dans ce sens, il a adopté le 26 mars 2024, le projet de loi 41 sur la performanc­e en‐ vironnemen­tale des bâti‐ ments qui établit des normes minimales d’encadremen­t du secteur.

Pour la première fois, des critères environnem­entaux seraient pris en considéra‐ tion dans l’élaboratio­n de normes visant les travaux de constructi­on, souligne le dé‐ puté de Beauharnoi­s et whip adjoint du gouverneme­nt, Claude Reid, le jour du vote à l’Assemblée.

Il pourrait s’agir de cri‐ tères d’efficacité énergétiqu­e, d’empreinte carbone, de ré‐ duction de la demande élec‐ trique de pointe.

Dès son élaboratio­n à l’au‐ tomne dernier, le projet de loi était critiqué pour « sa ti‐ midité ».

Sur les chantiers, le pré‐ sident de ACDF architectu­re, Maxime-Alexis Frappier, constate de plus en plus cette conscience environne‐ mentale auprès des profes‐ sionnels de la constructi­on.

L’approche des architecte­s a beaucoup changé. On est beaucoup plus axé sur des projets plus responsabl­es. Et récemment, dans certains cas, on voit que le privé a joué le rôle de locomotive, c’est très encouragea­nt : ça veut dire qu'il y a une mobili‐ sation globale qui s'installe, indique l'entreprene­ur.

Une conscienti­sation, mais aussi une éducation à la constructi­on durable.

Certaines accréditat­ions, comme LEED, ont contribué à une forme de pédagogie dans le milieu pour améliorer les processus.

Maxime-Alexis Frappier, président de ACDF architec‐ ture

Selon le Conseil du bâti‐ ment durable du Canada, le pays est régulièrem­ent dans le top 3 des villes au monde à accréditer des projets de constructi­on avec la certifica‐ tion LEED.

Des centaines de bâti‐ ments sont certifiés chaque année, notamment à Mon‐ tréal, à Vancouver ou à To‐ ronto. La région de la capi‐ tale nationale est toutefois en retard sur ce plan.

L’an passé, selon les don‐ nées disponible­s sur le site internet du Conseil du bâti‐ ment durable du Canada, moins d’une dizaine de pro‐ jets ont obtenu la certifica‐ tion LEED, à Ottawa et à Gati‐ neau.

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