Northvolt : le terrain de McMasterville n’est toujours pas zoné industriel
La construction indus‐ trielle n'est toujours pas permise sur la portion du terrain de Northvolt située à McMasterville, car le zo‐ nage n'a pas encore été modifié, a appris Radio-Ca‐ nada. Le projet d'usine de batteries, déjà lancé, n'aura d'autre choix que d'être conforme pour que la première pierre puisse y être posée, ce qui pourrait prendre de cinq à six mois.
Des avocats spécialisés en droit municipal font part de leur surprise. Le gouverne‐ ment voulait tellement ce projet-là qu'il a mis la char‐ rue devant les boeufs, croit notamment Me Mario PaulHus.
Ce dernier s'étonne que des permis aient été accor‐ dés à l'entreprise pour rem‐ blayer des milieux humides, abattre des arbres et construire un chemin d'ac‐ cès, alors que le zonage du terrain est multifonctionnel, c'est-à-dire réservé à des usages résidentiels ou com‐ merciaux, mais pas indus‐ triels.
Information erronée vé‐ hiculée par Québec
Le terrain du projet est conforme à un usage indus‐ triel prévu par la réglementa‐ tion municipale, affirmait pourtant le ministère de l'En‐ vironnement du Québec, dans un communiqué diffusé le 9 janvier, où il annonçait la délivrance d'une première autorisation pour les travaux de l'entreprise.
Cette information n'était pas exacte, ce que confirment à Radio-Canada le maire de McMasterville et l'entreprise Northvolt.
Seul le terrain de Saint-Ba‐ sile-le-Grand est zoné indus‐ triel. McMasterville doit en‐ core modifier son règlement d'urbanisme pour permettre cet usage. Avant tout, elle doit attendre que la munici‐ palité régionale de comté (MRC) révise son schéma d'aménagement et que le mi‐ nistère des Affaires munici‐ pales l'approuve.
L'avocat Mario Paul-Hus rappelle que l'article 227 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme stipule que la Cour supérieure peut ordon‐ ner la cessation d’une utilisa‐ tion du sol ou d’une construction incompatible avec un règlement de zo‐ nage.
La question centrale : les travaux préparatoires à un projet industriel peuvent-ils être faits avant le change‐ ment de zonage? McMaster‐ ville affirme avoir des avis ju‐ ridiques qui concluent que oui.
Pas de passe-droit, as‐ sure le maire
On n'est pas dans la construction du site indus‐ triel en tant que tel, à Mc‐ Masterville, à ce moment-ci, explique le maire Martin Du‐ lac, en entrevue. C'est pos‐ sible de le faire dans le cadre du zonage actuel, car on parle d'aménagements tem‐ poraires.
Le Code civil accorde au propriétaire du site le droit d'accéder à son terrain et d'aménager des aires de tra‐ vail temporaires. [...] Il a le droit de jouir de sa propriété.
Martin Dulac, maire de McMasterville
Je ne me souviens pas d’avoir vu une telle situation, dit Me Jean-François Girard, avocat en droit municipal. Se‐ lon lui, une municipalité ne devrait pas autoriser de tels travaux sur un terrain des‐ tiné à un usage résidentiel si le projet auquel on destine le terrain est un projet indus‐ triel.
Il serait pour le moins in‐ congru, en effet, de per‐ mettre l’abattage d’arbres alors que, dans la deuxième étape, la municipalité ne se‐ rait pas en mesure de déli‐ vrer le permis de construc‐ tion.
Me Jean-François Girard, avocat en droit municipal
Un délai de 5 à 6 mois
Le maire de McMasterville est confiant. Selon lui, le zo‐ nage sera modifié d'ici cinq à six mois. Mais que se passe‐ rait-il avec les arbres déjà coupés et les milieux hu‐ mides déjà remblayés si cela n'arrivait pas?
Si jamais ça ne devait pas aller de l'avant, Northvolt au‐ rait l'obligation de tout re‐ mettre en état, répond le maire.
Les délais nécessaires pour permettre la modifica‐ tion du zonage sont compa‐ tibles avec nos échéanciers, assure l'entreprise suédoise.
Northvolt n'a pas l’inten‐ tion de commencer les tra‐ vaux d’excavation des bâti‐ ments avant que le change‐ ment de zonage soit dûment effectué.
Laurent Therrien, direc‐ teur des communications et des affaires publiques, Nor‐ thvolt Amérique du Nord
Le premier bloc d’assem‐ blage de cellules [de batte‐ ries], Downstream 6.1, est si‐ tué du côté de Saint-Basilele-Grand, explique le porteparole Laurent Therrien, alors que le second est à Mc‐ Masterville.
Plus de 80 % du projet fi‐ nal est situé du côté de SaintBasile-le-Grand, mais on n'a pas encore les plans défini‐ tifs, avoue le maire de Mc‐ Masterville.
Martin Dulac reconnaît que Northvolt a demandé à la Municipalité d'y aller ron‐ dement.
Oui, les choses vont très vite, effectivement.
Martin Dulac, maire de McMasterville
Le mois dernier, le mi‐ nistre de l'Environnement du Québec, Benoit Charette, a reconnu pour la première fois que son gouvernement avait permis à Northvolt d'éviter un examen du Bu‐ reau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) pour le projet d'usine de pro‐ duction de batteries, par crainte de perdre l'investisse‐ ment de 7 milliards de dol‐ lars.
Northvolt souhaite entrer en production le plus vite possible pour répondre à des commandes de clients dès l'été 2026. L'entreprise fera le point, mercredi, sur l'échéan‐ cier de son projet.
En réponse aux questions de Radio-Canada, le minis‐ tère de l’Environnement nous a renvoyés vers la Municipa‐ lité de McMasterville. Le mi‐ nistère dit analyser unique‐ ment les projets en fonction des lois et règlements sous sa responsabilité. En bref, le gouvernement pourrait don‐ ner le feu vert à un projet qui n’est pas conforme au niveau municipal. C’est au promo‐ teur de s’assurer d’agir léga‐ lement.