La Chine améliore son image en Asie du Sud-Est, indique un sondage
Si la région devait choisir entre les deux superpuis‐ sances, un peu plus de la moitié des Asiatiques du Sud-Est préféreraient dé‐ sormais s'aligner avec la Chine plutôt qu’au côté des États-Unis. Un sondage pu‐ blié le 2 avril par l’Institut d’études du Sud-Est asia‐ tique Yusof Ishak (ISEAS Yu‐ sok Ishak), situé à Singa‐ pour, montre que Pékin exerce une influence crois‐ sante dans la région.
Selon le sondage, 50,5 % des répondants souhaite‐ raient s’aligner avec la Chine, alors que 49,5 % choisiraient les États-Unis. Il s’agit d’un changement d’allégeance pour les répondants au son‐ dage. C’est la première fois que les États-Unis ne sont pas la superpuissance de choix depuis que ce sondage est publié en 2020.
Le sondage d'ISEAS Yusof Ishak a été mené auprès de 1954 répondants provenant de 10 pays d’Asie du Sud-Est. L’an dernier, 38,9 % d’entre eux avaient répondu qu’ils choisiraient la Chine plutôt que les États-Unis.
Le rapport est particuliè‐ rement attendu chaque an‐ née par les experts et ana‐ lystes en géopolitique, car il permet de prendre le pouls des élites de la région à pro‐ pos de la rivalité Chine-ÉtatsUnis et l’influence des deux superpuissances dans la ré‐ gion.
Est-ce que cela est préoc‐ cupant pour les États-Unis et ses alliés? Si la tendance s'ac‐ célère dans les prochaines années, cela pourrait poser problème pour Washington. L'Asie du Sud-Est est une ré‐ gion extrêmement impor‐ tante sur les plans straté‐ gique et économique, compte tenu de sa position géographique et de son im‐ mense marché comptant près de 700 millions d'habi‐ tants, explique Benoît HardyChartrand, professeur auxi‐ liaire à l’Université Temple Ja‐ pan et chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand.
De plus, contrairement aux États-Unis, dont l'atten‐ tion est actuellement portée vers des conflits à l'extérieur de l'Asie, la Chine a pu concentrer ses efforts sur la région, augmentant ses in‐ vestissements à un rythme rapide, surtout en ce qui a trait au financement de grands projets d'infrastruc‐ tures, ajoute M. Hardy-Char‐ trand.
Même si l’économie chi‐ noise traverse sa pire crise en 30 ans, les investisse‐ ments chinois dans la zone Asie-Pacifique, basés sur les Nouvelles routes de la soie, ont augmenté de façon considérable l’année der‐ nière, totalisant 37 milliards de dollars. Il s’agit d’une aug‐ mentation de 27,6 % par rap‐ port à 2022.
Il existe l’impression que la Chine joue et jouera un rôle économique démesuré dans la région. Cela n’est que partiellement vrai en termes d’échanges de marchandises. Les États-Unis, l’Union euro‐ péenne et le Japon conti‐ nuent de jouer un rôle plus important, malgré les Nou‐ velles routes de la soie de la Chine. Il ne s’agit générale‐ ment pas d’infrastructures à haute visibilité et n’im‐ pliquent pas de cérémonies sophistiquées avec des poids lourds politiques coupant des rubans. Les technologies, les services et les capitaux ne sont pas faciles à voir et à toucher physiquement. Le rapport reflète dans une cer‐ taine mesure cette percep‐ tion, soutient Ian Chong, pro‐ fesseur associé à l’Université nationale de Singapour.
Pour Mathieu Duchâtel, directeur des études interna‐ tionales de l’Institut Mon‐ taigne, le fait que Pékin ré‐ pète fréquemment que les États-Unis sont une force dé‐ stabilisatrice dans la région semble porter ses fruits au‐ près de l’opinion publique.
C’est difficile de mesurer l’importance de ce facteur, mais la stratégie chinoise qui consiste à faire porter sur la politique américaine la res‐ ponsabilité des tensions de sécurité en Asie produit des résultats d’image. Des termes comme l’OTAN-isation de l’Asie-Pacifique et la menta‐ lité de guerre froide re‐ joignent un public déjà scep‐ tique à l’égard des États-Unis et qui pense que la stratégie américaine est un risque pour la paix, précise-t-il.
La perception plus posi‐ tive de la Chine arrive au mo‐ ment où Pékin accentue ses manoeuvres militaires dange‐ reuses dans la région pour faire valoir ses revendica‐ tions territoriales. Les Philip‐ pines exhortaient le mois dernier la Chine à arrêter son harcèlement en mer.
Les résultats [du sondage] seront bien entendus ac‐ cueillis positivement par Bei‐ jing, pour qui l'Asie du SudEst est une région prioritaire pour son économie, et compte tenu aussi de reven‐ dications territoriales de la Chine qui causent des fric‐ tions importantes avec les Philippines et le Vietnam, entre autres. Une perception plus positive du pays peut l'aider à faire avancer ses in‐ térêts auprès des élites poli‐ tiques et économiques de la région, conclut Benoît HardyChartrand.
Le président chinois, Xi Jinping, a d’ailleurs reçu le président élu de l’Indonésie, Prabowo Subianto, à Pékin lundi.