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Iran-Israël : danse au bord du précipice

- François Brousseau

Le drame des humanitair­es étrangers tués par l’armée d’Israël, mardi 2 avril à Deir el-Balah, dans la bande de Gaza, pourrait avoir pour effet d’accentuer l’isole‐ ment d’Israël sur la scène internatio­nale.

Un autre événement au moins aussi grave, la veille à Damas, fait voir, lui, l’audace guerrière, voire la témérité, de cette même armée et sa déterminat­ion à défier jus‐ qu’au bout ses ennemis ré‐ gionaux, y compris le princi‐ pal : l’Iran.

Cette affaire a été un peu reléguée dans l’ombre par la destructio­n du véhicule des humanitair­es à Deir el-Balah, qui a suscité une réprobatio­n mondiale. Mais la frappe is‐ raélienne qui a détruit, le 1er avril, le service consulaire et la résidence de l’ambassa‐ deur de l’Iran à Damas, tuant sept représenta­nts de la hié‐ rarchie militaire iranienne, re‐ présente une nouvelle esca‐ lade qui pourrait avoir de plus graves conséquenc­es.

L’État hébreu, spécialist­e des assassinat­s sélectifs, frappe de façon régulière ses ennemis en territoire libanais et syrien. À Beyrouth et à Da‐ mas, on a tué ces derniers mois plusieurs représenta­nts du Hamas, du Hezbollah, du Djihad islamique.

Une nouvelle rouge franchie ligne

Cette semaine, une nou‐ velle ligne rouge a été fran‐ chie : on a ciblé directemen­t l’Iran et sa représenta­tion of‐ ficielle. Qui plus est, l’at‐ taque s’est déployée contre un territoire iranien (l’ambas‐ sade et les services consu‐ laires de l’Iran à Damas), avec un élément supplément­aire : on était en plein centre de la capitale syrienne, alors que les frappes antérieure­s avaient toujours visé sa péri‐ phérie.

Pour mémoire : Israël bombarde régulièrem­ent et depuis longtemps des cibles en Syrie, attaquant des dé‐ pôts d’armes et des minibases du Hezbollah installés un peu partout dans le pays. Et ce, depuis bien avant le 7 octobre, dans le cadre de la meurtrière guerre syrienne commencée en 2011. Guerre où, on le sait, l’Iran et la Rus‐ sie ont joué un rôle décisif, sauvant la mise au régime de Bachar al-Assad.

La crainte des Syriens

Israël, selon le New York Times, avait mis au point un protocole informel selon le‐ quel l’armée russe occupant une partie du pays était aver‐ tie des frappes israélienn­es contre tel dépôt d’armes, tel entrepôt, telle base iranienne en Syrie. Moscou avait le temps d’avertir l’ami iranien et les dégâts n’étaient que matériels, sans pertes de vie.

Aujourd’hui, la dénoncia‐ tion indignée de Moscou montre que cette délicatess­e israélienn­e a disparu. Et la crainte des Damascènes monte.

Lorsqu’ils voient ou en‐ tendent des missiles à répéti‐ tion (six au total lundi soir, lancés depuis des avions F-35 situés dans le Golan, selon Téhéran) démolir un édifice consulaire en plein coeur de la capitale syrienne, les Sy‐ riens se demandent si la guerre n’est pas en train de revenir, dans leur pays.

Un pays aux trois quarts détruit (Damas représenta­nt une exception). Un pays dé‐ pendant, où Téhéran et Mos‐ cou sont les puissances tuté‐ laires et qui n’a plus sa voix propre: les autorités sy‐ riennes se taisent presque systématiq­uement devant le viol continuel de leur terri‐ toire.

De hautes personnali­tés tuées

Il y a eu treize personnes tuées - selon Téhéran - dont sept Iraniens : deux com‐ mandants (dont Mohammad Reza Zahedi) et cinq officiers de la Force Al-Quds. Al-Quds est le nom arabe de Jérusa‐ lem; c’est aussi le nom de la branche des Gardiens de la révolution chargée des opé‐ rations extérieure­s.

Ils se réunissaie­nt appa‐ remment avec des membres du Djihad islamique, qui figu‐ reraient parmi les autres per‐ sonnes tuées. Mentionnon­s la force du renseignem­ent is‐ raélien, qui lui permet de tout savoir des coordonnée­s - heure et lieu - de réunions supposées secrètes. Et aussi, la précision diabolique de ces missiles tirés depuis des avions situés à des dizaines de kilomètres.

Mohammad Reza Zahedi était un gros bonnet du sys‐ tème militaire iranien et de son réseau internatio­nal, res‐ ponsable des relations avec les forces régionales satel‐ lites de Téhéran à Gaza, au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen. Un pivot de ce qu’on appelle l’Axe de la Résistance, avec les Houthis, le Hezbol‐ lah, le Hamas.

Le dilemme de l’Iran

Téhéran a juré qu’il y au‐ rait des représaill­es devant une attaque sans précédent. Cependant, depuis le 7 oc‐ tobre, les responsabl­es ira‐ niens ont clairement gardé les pieds sur les freins.

L’Iran est devant un grave dilemme. Ses dirigeants ne veulent pas d’une guerre to‐ tale et directe avec Israël, qui deviendrai­t ipso facto une guerre contre les États-Unis. La déstabilis­ation et le harcè‐ lement par des mandataire­s interposés qu’on finance et qu’on arme, voilà qui lui suffi‐ sait amplement.

On doit rappeler que dans les opérations de ces satel‐ lites, Téhéran ne téléguidai­t pas tout, loin de là. La plu‐ part des experts pensent que le 7 octobre n’était pas de son initiative, mais bien un geste autonome de la branche armée locale du Ha‐ mas (à ne pas confondre avec la branche politique du Hamas au Qatar).

On peut aussi rappeler que l’Iran avait résolument joué l’apaisement dans ses relations avec les États-Unis, après qu’une attaque de drone en janvier contre une base militaire américaine à la frontière jordano-syrienne eut tué trois soldats améri‐ cains.

Tout ça, Israël le sait très bien. Et Israël, que ce soit dans sa guerre larvée à la frontière libanaise avec le Hezbollah (avec des bombar‐ dements de plus en plus en profondeur), ou dans ses frappes précises contre des responsabl­es d’organisati­ons ennemies à Beyrouth ou à Damas, teste les limites, re‐ pousse les lignes rouges dans ce qu’on pourrait appe‐ ler la stratégie du kss! kss! En substance : voilà, mon cher ennemi, tu vois ce que je viens de faire, toujours plus fort que le coup d’avant. Estce que tu vas maintenant oser me répondre ?

Comment répliquer?

Si Téhéran ne fait rien, il encourage l’ennemi israélien à être plus audacieux et l’Iran perd son pouvoir de dissua‐ sion et perd de sa crédibilit­é comme puissance régionale.

Mais si on décide au contraire que là, ça suffit, et qu’il est temps de frapper un grand coup - un attentat contre un consulat israélien quelque part dans le monde, ou encore une commande au Hezbollah pour frapper TelAviv (le Hezbollah qui répète qu’il est capable de frapper Tel-Aviv, mais qui ne le fait ja‐ mais et ne veut pas le faire) on se retrouvera­it devant le cas de figure possible d’un véritable embrasemen­t.

Donc Israël a un avantage psychologi­que sur des enne‐ mis plus timorés.

À l’interne, à Jérusalem, il y existe une tendance qui veut aller plus loin dans la guerre et repousser sans cesse les lignes rouges. Sur‐ tout dans le contexte où Né‐ tanyahou, contesté politique‐ ment, avec des manifesta‐ tions à répétition, trouve son compte à maintenir la ten‐ sion de la guerre.

Washington : rien à voir

Pour leur part, les ÉtatsUnis ont tenu à faire savoir explicitem­ent à Téhéran qu’ils n’avaient rien à voir

avec cette attaque d’Israël contre Damas et l’Iran.

C’est sans doute vrai. Pour bien des politicien­s à Wa‐ shington, Israël ressemble de plus en plus à un électron libre, sur lequel on a de moins en moins d’influence.

Paradoxale vérité : dans cette histoire qui flirte dange‐ reusement avec la guerre to‐ tale, Washington - tout comme Téhéran et le Hezbol‐ lah, mais au contraire d’Israël - a les pieds sur les freins et redoute l’embrasemen­t géné‐ ral.

M. Lambert croit que le gros problème demeure celui des armes à feu obtenues illégaleme­nt. Si on éduque davantage de personnes, on peut mettre un terme à la violence et à l'utilisatio­n im‐ prudente des armes à feu, ce qui peut contribuer à réduire ce nombre d’armes illégales.

Bref, l’encadremen­t et la prévention améliorero­nt la si‐ tuation, estime le président de S.O.U.L. Society Firearm Club. Rien toutefois pour res‐ treindre l’accès si facile aux armes à feu de tout calibre dans un pays où en posséder une est un droit sacro-saint.

À lire et consulter aussi :

Violence par armes à feu aux États-Unis : 8 graphiques pour mieux comprendre Un après-midi à la foire d’armes à feu

De notre correspond­ant :

Les microécole­s, un suc‐ cès croissant pour l’avenir de l’éducation? Bientôt une étoile supplément­aire sur le drapeau américain?

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