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Le Traité Petapan « en péril » à cause de « la mauvaise foi du Québec »

- Delphine Jung névralgiqu­es

Dans un communiqué de presse diffusé le 1er avril, les chefs Gilbert Dominique (Mashteuiat­sh), Martin Du‐ four (Essipit) et Réal Tet‐ taut (Nutashkuan) évoquent le « constat dé‐ plorable » d’une « impasse ».

Le 31 mars 2023 était, ini‐ tialement, la date butoir convenue pour que les négo‐ ciations autour du Traité Pe‐ tapan soient terminées, un engagement que le gouver‐ nement provincial avait pris avec les trois communauté­s innues.

Le premier ministre du Québec, François Legault, s'y était lui-même engagé lors de la campagne électorale de l'automne 2022, relançant l'optimisme au sein des Pre‐ mières Nations.

En 2024, après 40 ans de négociatio­ns, le traité semble être en péril, selon les trois chefs, qui estiment que le gouverneme­nt du Québec a renié son engagement.

Nous avons été trompés. Gilbert Dominique, Martin Dufour et Réal Tettaut, chefs autochtone­s

Ils accusent également le premier ministre du Québec de reporter sans cesse une rencontre qu’ils demandent depuis longtemps.

Ces reports systéma‐ tiques semblent être le reflet de l’attitude de ce gouverne‐ ment depuis plus d’un an, la‐ quelle ne peut être qualifiée autrement que de mauvaise foi.

Gilbert Dominique, Martin Dufour et Réal Tettaut, chefs autochtone­s

On a le sentiment que c'est une directive politique qui fait qu'on fait du sur‐ place, voire même qu'on re‐ cule. Pour nous, c'est inac‐ ceptable. On demande en‐ core au premier ministre de prendre en main le dossier, précise le chef Dominique en entrevue.

Selon lui, le dossier n'est plus vraiment dans les mains du ministre responsabl­e des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafre‐ nière, mais directemen­t dans celles du cabinet du premier ministre Legault.

On a le sentiment que la tentative de gagner du temps est pour faire en sorte que le prochain gouverneme­nt fé‐ déral vienne porter préjudice à nos avancées, fait valoir le chef Dominique.

Rendez-vous manqué avec l’histoire, positions poli‐ tiques colonialis­tes du gou‐ vernement de la CAQ (Coali‐ tion avenir Québec), déra‐ page provoqué par le Qué‐ bec… Les mots sont durs de la part des Innus.

À plusieurs reprises, les chefs avaient accordé un dé‐ lai supplément­aire à Québec, qui souhaitait clarifier les choses avec ses fonction‐ naires.

En réaction à cet immobi‐ lisme, les Innus préviennen­t qu'ils sont prêts à envisager la voie judiciaire, car la pa‐ tience de nos Premières Na‐ tions a atteint sa limite.

Le chef Dominique pré‐ cise que cette décision ne doit pas être prise à la légère, compte tenu de l'implicatio­n financière qu'une telle dé‐ marche suppose, et que la population devra être consul‐ tée sur la marche à suivre.

Revenir sur des clauses

Les chefs rappellent aussi que le gouverneme­nt tente de rouvrir certaines clauses du traité qui ont pourtant dé‐ jà été négociées.

Selon les trois chefs, le Québec renie plusieurs élé‐ ments fondamenta­ux se trouvant dans l’Entente de principe d’ordre général, qu’il a signée en 2004 avec les trois communauté­s et le Ca‐ nada.

Parmi eux : la définition d'innu-aitum, qui correspond à l'essentiel de notre identité, explique le chef Dominique. On nous amène dans un en‐ tonnoir pour limiter la portée du droit d'exercice d'innu-ai‐ tum sur l'ensemble de notre territoire traditionn­el.

On a le sentiment que le Québec souhaite qu'on ait les mêmes droits que les chas‐ seurs sportifs. Pour nous, c'est impossible de revenir sur des chapitres aussi né‐ vralgiques, alors que la défi‐ nition d'innu-aitum a été convenue il y a une vingtaine d'années.

Gilbert Dominique, chef de Mashteuiat­sh

Dans une déclaratio­n écrite, le ministère respon‐ sable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit rappelle que l'intention du gouverneme­nt demeure la même : nous voulons un traité et nous devons agir de manière responsabl­e pour les génération­s futures.

Le Ministère estime que le dossier a progressé, mais il souligne aussi un processus complexe.

Sans dévoiler les négocia‐ tions en public, il y a des points complexes qui de‐ mandent des précisions et des clarificat­ions, mais nous gardons espoir, écrit-il.

Rappelons que le texte ne vise pas à éteindre les droits ancestraux des Innus, mais, au contraire, à les renforcer en les clarifiant.

Cette dernière année, même le gouverneme­nt fé‐ déral, qui sera lui aussi signa‐ taire du Traité, a fait part de son agacement concernant la position de Québec.

Ce traité, s’il est signé, sera le troisième au Québec de ce genre. On compte avant lui la Convention de la Baie-James et du Nord qué‐ bécois, entérinée en 1975, et la Convention du Nord-Est québécois de 1978.

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