« Climat toxique », « situation injustifiable » : changements réclamés à la SAQ
La Société des alcools du Québec (SAQ) a « créé un climat qui est toxique avec les fournisseurs et les dis‐ tributeurs de vin », déplore le député libéral Frédéric Beauchemin.
Aux yeux du porte-parole des dossiers économiques pour l’opposition officielle à Québec, la SAQ a de la mi‐ sère à bien fonctionner et des changements s'im‐ posent. Le traitement que la société d’État impose à ses partenaires, c’est quand même inquiétant, estime l'élu.
Alors que le monopole québécois vante régulière‐ ment ses bonnes relations avec les acteurs du milieu des alcools, Radio-Canada a dévoilé, plus tôt cette se‐ maine, des coulisses bien dif‐ férentes.
Une trentaine de vigne‐ rons, importateurs, experts ou restaurateurs ont dé‐ noncé les manières de faire de la société d’État et des re‐ lations tendues avec la SAQ, qui a généré l’an passé des profits records de 1,4 milliard de dollars.
Afin de valoriser une rota‐ tion des stocks, la société d'État a fait détruire, dans les dernières années, des mil‐ liers de bouteilles bonnes à la consommation, destinées à l’importation privée, sous prétexte qu’elles avaient dé‐ passé les délais d’entrepo‐ sage.
Cette situation est injusti‐ fiable, affirme Joël Arseneau, porte-parole du Parti québé‐ cois en matière d’environne‐ ment.
En collaboration avec les parties concernées, la SAQ doit pouvoir imaginer un sys‐ tème plus rigoureux qui évi‐ terait ce gaspillage.
Joël Arseneau, député du Parti québécois
Le vin, ce n’est pas comme des fruits et légumes. Ça peut se garder, précise le li‐ béral Frédéric Beauchemin.
Le PCQ réclame une en‐ quête
Si Québec solidaire n’a pas souhaité réagir, en invo‐ quant des enjeux complexes, le Parti conservateur du Qué‐
bec (PCQ) ne mâche pas ses mots.
Ces problèmes ne sont pas nouveaux, explique son chef, Eric Duhaime, qui a écrit un livre sur la SAQ il y a une dizaine d’années. « À l’époque, il y avait déjà une omerta. Rien n’a changé. Tout le monde a peur d’être sur une black list », assure l’an‐ cien animateur de radio.
La SAQ manque de trans‐ parence. Il y a plein de pra‐ tiques qui n’ont aucun sens. Ce n’est pas une quincaillerie.
Eric Duhaime, chef du
Parti conservateur du Qué‐ bec
C’est une société qui est prise dans un carcan qui date d’une autre époque, inca‐ pable de se moderniser, ajoute Frédéric Beauchemin. Cette situation, mentionne-til, c’est triste à voir.
Plutôt que de détruire des bouteilles, la SAQ devrait « faire des escomptes ». « C'est de l'économie 101, plaide le député libéral. Mais ce ré‐ flexe n'est pas au rendezvous. »
On a affaire à un modèle d’affaires qui date d’une autre époque. Il n’y a aucune recherche d’efficacité.
Frédéric Beauchemin, dé‐ puté du Parti libéral du Qué‐ bec
Le gouvernement, indique le Parti québécois, doit faire la lumière rapidement sur ces pratiques au sein de la SAQ. Le ministre de l’Écono‐ mie, qui chapeaute la société d’État, devrait demander une enquête, clame Eric Du‐ haime.
Tout ça démontre l’impor‐ tance de libéraliser le marché des alcools au Québec, re‐ prend le chef du PCQ, qui prône la fin de ce monopole.
Le gouvernement Le‐ gault fait confiance à la SAQ
Rien de tel n’est à l’ordre du jour du côté du gouverne‐ ment Legault. Le ministre [Eric Girard] a pris connais‐ sance des informations [de l’enquête de Radio-Canada] et fait confiance à la SAQ pour gérer les préoccupa‐ tions exprimées, souligne son cabinet.
L’an passé, Eric Girard avait d’ailleurs refusé de « s'attaquer ou de modifier le monopole de la SAQ », en mettant de l’avant cette ren‐ trée d’argent qui paye des hôpitaux, puis des écoles.
Ces propos contrastent néanmoins avec les positions passées de François Legault. Ce dernier envisageait même une privatisation du marché, bien avant son arrivée à la tête du Québec.
À cette époque, le premier ministre Philippe Couillard avait lui aussi ouvert la porte à une révision du monopole, mais aucune action n’avait été entreprise par le gouver‐ nement libéral, malgré le rap‐ port de la commission Ro‐ billard qui préconisait de telles actions.