Radio-Canada Info

Attirer de nouvelles venues en politique, un dîner à la fois

- Violette Cantin

« Je vais me concentrer sur le municipal, parce qu'il y avait de la demande parmi vous. On va voir comment se porter candidate et les outils qui vous seraient utiles. »

Voilà comment débute la formation donnée par la chroniqueu­se et écrivaine Pascale Navarro, dans la pe‐ tite salle du restaurant Pacini de Gatineau. Une dizaine de femmes l'écoutent en ache‐ vant leur repas.

Qu'elles soient déjà impli‐ quées en politique ou qu'elles en rêvent, elles écoutent avec attention cette formation du club politique Les Elles du pouvoir, en colla‐ boration avec L'assemblée des groupes de femmes d'in‐ tervention­s régionales (AGIR) de l'Outaouais.

La séance a pour but de leur enseigner les différence­s entre les trois ordres de gou‐ vernement, afin qu’elles puissent cibler celui auquel elles voudraient éventuelle‐ ment se présenter.

On a déjà eu ces ques‐ tions : est-ce que je peux me porter candidate comme mairesse et si ça ne marche pas, devenir conseillèr­e mu‐ nicipale? Ben non, ça ne marche pas comme ça, lance Mme Navarro, provoquant un petit éclat de rire dans la salle.

Les temps sont durs pour les élus municipaux : près de 800 d'entre eux ont démis‐ sionné depuis les dernières élections, en 2021. Près de 40 % des élus ayant répondu à un sondage de la Fédération québécoise des municipali­tés paru le mois dernier af‐ firment avoir vécu du harcè‐ lement psychologi­que ou de l'intimidati­on.

On essaie d’être présentes et de constituer une espèce de base de soutien pour les aider à rester en poste, ex‐ plique Mme Navarro, la res‐ ponsable du club politique.

Celle-ci s'implique depuis plusieurs années au sein du Groupe Femmes, Politique et Démocratie, auquel est affilié Les Elles du pouvoir. Le club réunit une centaine de femmes impliquées dans le milieu politique ou dési‐ reuses de s'y joindre. Il orga‐ nise des activités de réseau‐ tage et des ateliers, et per‐ met aux femmes de se confier et de se soutenir entre elles.

Ce n'est pas le lot de tous les élus

L'ex-députée libérale de Hull Maryse Gaudreault est présente à la formation, qui est transparti­sane. Enthou‐ siaste, elle partage son expé‐ rience avec les jeunes partici‐ pantes. Elle redoute que les démissions fortement média‐ tisées d'élus municipaux sur‐ venues dans les dernières années dissuadent de nou‐ veaux visages de se lancer en politique.

C'est pour ça qu’une acti‐ vité comme aujourd'hui, [c'est important]. Ça permet de rencontrer des personnes qui l'ont vécu, qui ont eu une carrière, pour démystifie­r tous ces drames dont on en‐ tend parler, soutient-elle.

Ce n'est pas le lot de tous les élus. On entend souvent parler des situations problé‐ matiques, mais il faut juste‐ ment dédramatis­er certains aspects de l'engagement po‐ litique.

Maryse Gaudreault, ex-dé‐ putée libérale de Hull

La jeune Olivia Gninhi res‐ sort inspirée de la formation. Cette attachée politique dans la sphère municipale n'exclut pas de se présenter à des élections, un jour.

Je pense que je suis une personne qui reste plus en background, en arrière. Mais entendre ces femmes-là, ç'a été très inspirant, et je ne se‐ rais pas surprise de changer d'idée dans quelque temps, avoue-t-elle, sourire en coin.

Changement de culture

Si les centaines de démis‐ sions d'élus municipaux ont de quoi marquer les esprits, Pascale Navarro y voit malgré tout des aspects positifs.

C'est le symptôme d'un changement de culture, es‐ time Mme Navarro. Parce qu’avant, ces 800 personnesl­à auraient peut-être démis‐ sionné sans le dire, ça n'au‐ rait pas été médiatisé ou elles auraient supporté plus longtemps des situations qu'elles n'aimaient pas ou qui les faisaient souffrir.

Même si des hommes ont aussi démissionn­é depuis les dernières élections munici‐ pales, le club Les Elles du pouvoir est réservé aux femmes. Pascale Navarro y tient; elle croit que ce réseau‐ tage entre femmes est néces‐ saire.

C'est que les hommes font ça depuis plus de 2000 ans. Donc ça bâtit une tradi‐ tion, une culture politique, une façon de fonctionne­r.

Pascale Navarro, chroni‐ queuse, écrivaine et respon‐ sable du club Les Elles du pouvoir

Au Québec, près du quart des municipali­tés sont diri‐ gées par des femmes. Le club Les Elles du pouvoir es‐ père augmenter cette pro‐ portion aux prochaines élec‐ tions, l’année prochaine.

Groupe de soutien en Es‐ trie

À 400 kilomètres de là, dans la petite ville de Dud‐ swell, des membres de l’orga‐ nisme Pépines participen­t à un vernissage. L’organisme oeuvre à favoriser la partici‐ pation des femmes à la vie politique en Estrie. Il organise lui aussi des formations et des activités de réseautage pour les élues.

Les élues sont contentes de se retrouver, explique la directrice générale par inté‐ rim, Nicole Charette. Ce sont des femmes dynamiques. Elles se mettent chic, elles viennent en réunion et elles parlent. Elles se donnent des conseils, mais elles sont sur‐ tout heureuses de se retrou‐ ver.

À 70 ans passés, Nicole Charrette est elle-même conseillèr­e municipale au sein de sa toute petite muni‐ cipalité de l'Estrie, Piopolis. Elle épaule les plus jeunes élues et leur fait bénéficier de son expérience.

Ce sont des battantes, les élues, les mairesses. Ce sont des battantes qui ap‐ prennent comment voguer là-dedans. Tu ne livres pas tout ton jeu tout de suite, analyse-t-elle.

C’est de la politique, et je trouve qu’elles la font bien.

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