Le plafond des étudiants étrangers contesté devant le commissaire aux langues officielles
L’Association des collèges et universités de la franco‐ phonie canadienne (ACUFC) a déposé une plainte au‐ près du Commissariat aux langues officielles du Ca‐ nada.
L’organisme qui repré‐ sente 22 établissements d’en‐ seignement postsecondaire en contexte francophone mi‐ noritaire, dont l'Université d'Ottawa, l'Université de Moncton, le collège La Cité ou encore l'Université de Saint-Boniface, dénonce l’im‐ pact sur ses membres et les communautés francophones du plafond temporaire de deux ans visant les étudiants étrangers.
Le 22 janvier dernier, le ministre fédéral de l’Immigra‐ tion, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Marc Miller, a annoncé la mise en place de ce plafond de deux ans pour les étudiants étrangers ac‐ ceptés au pays afin de ré‐ duire notamment les pres‐ sions sur la demande de lo‐ gements.
Cette décision a entraîné de nombreuses critiques de la part des collèges et univer‐ sités à travers le pays.
Mais selon le directeur de la recherche stratégique et des relations internationales de l’ACUFC, Martin Normand, l’impact sera d’autant plus important pour les institu‐ tions postsecondaires franco‐ phones en milieu minoritaire.
Nos établissements de la francophonie canadienne sont plus petits que ceux de la majorité, mais il y a des programmes qui sont très exigeants en termes de res‐ sources et qui demandent des cohortes importantes pour justifier la possibilité de les offrir. Il pourrait y avoir des programmes qui ne se‐ raient pas offerts s’il n’y avait pas cet afflux d’étudiants étrangers dans nos établisse‐ ments.
L’ACUFC, qui était de pas‐ sage devant le Comité séna‐ torial permanent des langues officielles lundi soir, a donc décidé de contester cette dé‐ cision auprès du commis‐ saire aux langues officielles du Canada, Raymond Thé‐ berge.
Le plafond comme an‐ noncé nuit à [la] capacité-là des établissements de conti‐ nuer à se développer et de répondre aux besoins des communautés.
Martin Normand, direc‐ teur de la recherche straté‐ gique et des relations inter‐ nationales à l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne
L’annonce initiale du 22 janvier [...] ça ne respecte la lettre et l’esprit de la Loi sur les langues officielles, dans le sens où le gouvernement fé‐ déral a des responsabilités d’agir pour appuyer l'épa‐ nouissement des commu‐ nautés francophones et pour s’assurer qu’il y ait des éta‐ blissements postsecondaires forts et agiles partout à tra‐ vers le pays, a estimé M. Nor‐ mand en entrevue à l’émis‐ sion Les matins d’ici, mardi.
Un impact aussi sur les communautés
M. Normand le reconnaît, l’impact financier d’une telle décision du gouvernement fédéral est important, sa‐ chant que, selon ses chiffres, les établissements membres de la l’ACUFC compte quelque 12 000 étudiants in‐ ternationaux, ce qui repré‐ sente environ 30 % du nombre total des étudiants dans ces collèges et universi‐ tés.
Évidemment qu’il y a un argument financier, on le re‐ connaît. Beaucoup de nos établissements sont dans une situation où le finance‐ ment public ne suffit pas pour pouvoir offrir toute la gamme de programmes que la communauté s’attend qu’ils offrent et la commu‐ nauté internationale vient apporter un appui à ça. Mais c’est beaucoup plus que ça.
Selon lui, une telle déci‐ sion pourrait donc avoir un impact sur les programmes offerts, mais se faire sentir aussi dans l’ensemble des communautés d’accueil.
Il rappelle que les étu‐ diants internationaux oc‐ cupent souvent un emploi à temps partiel à côté, ce qui contribue à lutter contre la pénurie de main-d’oeuvre, surtout dans les milieux ru‐ raux et éloignés.
Et puis, dit-il, ce sont des candidats tout indiqués pour la résidence permanente à la fin de [leur] permis, alors que les communautés franco‐ phones en milieu minoritaire se battent année après an‐ née pour attirer plus de nou‐ veaux arrivants franco‐ phones afin de maintenir leur poids démographique.
Leur intégration dans les domaines de la santé, de l’éducation ou de la petite en‐ fance pourrait être essen‐ tielle, souligne M. Normand.
Le commissariat aux langues officielles doit désor‐ mais décider si la plainte for‐ mulée est recevable, mais l’ACUFC estime que son dos‐ sier est solide.
On pense que dans ce cas-ci, IRCC a erré dans ses responsabilités linguistiques et on veut voir, surtout en vertu de la nouvelle version de la Loi sur les langues offi‐ cielles - laquelle fait réfé‐ rence au postsecondaire et à l'obligation d’analyser les im‐ pacts négatifs des décisions sur les communautés franco‐ phones -, dans quelle mesure est-ce que cette Loi n’a pas été enfreinte par la façon dont IRCC a déployé et an‐ noncé le plafond le 22 jan‐ vier.
En attendant, l'organisme poursuit ses discussions avec IRCC et espère des mesures particulières pour les col‐ lèges et universités de la francophonie canadienne. M. Normand craint toutefois qu’il ne soit trop tard pour la rentrée de septembre.