Radio-Canada Info

Des tests de paternité vendus au Canada qui identifiai­ent le mauvais père

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« [Nos tests de paternité prénataux] n'étaient pas si fiables », admet à la ca‐ méra cachée le proprié‐ taire de la compagnie Via‐ guard Accu-Metrics de To‐ ronto, qui a vendu de tels tests d'ADN en ligne pour 800 $ à 1000 $ de 2014 à 2020, selon une enquête de CBC.

Harvey Tenenbaum, qui dirige toujours le laboratoir­e de Toronto à l'âge de 91 ans, a confié à la caméra cachée à un journalist­e de CBC qui se faisait passer pour un client, qu'il se « méfie de ce test maintenant ».

Grâce à un kit maison vi‐ sant à prélever quelques gouttes de sang de la femme enceinte et un échantillo­n buccal d'ADN de l'homme, le test devait permettre de confirmer l'identité du père avant la naissance de l'en‐ fant.

À la caméra cachée, M. Te‐ nenbaum admet toutefois que le test a produit des ré‐ sultats erronés au fil des an‐ nées.

C'est arrivé. Un père blanc se fait tester et le bébé est noir.

Harvey Tenenbaum, pro‐ priétaire du laboratoir­e

À la caméra cachée, M. Te‐ nenbaum se dit conscient des conséquenc­es possibles d'une erreur : Si on identifie le mauvais père, la mère peut avoir un avortement.

À lire et à voir :

Un test génétique relie un père et sa fille Un tribunal ac‐ corde un test de paternité à un amant rencontré sur Tin‐ der

Confronté par CBC, il as‐ sure publiqueme­nt que les tests étaient, au contraire, « précis » et « parfaits ». Il a cessé de les vendre, ajoute-til, parce que l'un des élé‐ ments était devenu trop coû‐ teux.

La vie d'une mère chamboulée

Je hais le nom Viaguard, lance Corale Mayer, 22 ans, de North Bay en Ontario.

Lorsqu'elle est tombée en‐ ceinte en 2019 à l'âge de 19 ans, elle n'était pas sûre qui était le père et a commandé un test de Viaguard, ren‐ voyant ensuite les échan‐ tillons demandés par la poste.

Un premier test erroné de la compagnie, raconte-t-elle, lui a fait croire que le père n'était pas l'homme avec qui elle était. Un deuxième test, lui aussi erroné, a-t-elle ap‐ pris après la naissance de sa fille, indiquait que le père était plutôt un autre homme qui ne voulait rien savoir d'avoir un enfant.

Ça a été extrêmemen­t traumatisa­nt.

Corale Mayer, mère

Elle a lancé un groupe dans les médias sociaux qui compte des dizaines d'autres personnes qui soutiennen­t que leur vie a aussi été chamboulée par des tests de paternité erronés de Via‐ guard.

La faute du test?

Sika

Richot a

travaillé comme réceptionn­iste pour Viaguard durant près de trois mois en 2019.

Elle soutient que le labo‐ ratoire lui demandait de questionne­r les femmes qui commandaie­nt un test de pa‐ ternité sur leur cycle mens‐ truel et sur les dates dates auxquelles elles avaient eu des relations sexuelles avec les différents pères possibles, des questions qui n'ont rien à voir avec un test d'ADN.

Le personnel compilait ensuite ces renseignem­ents dans un cycle d'ovulation pour réduire le nombre de pères potentiels, affirme Mme Richot. [Tenenbaum] al‐ lait toujours dire : ''Celui-ci est le père biologique, c'est certain'', soutient-elle.

M. Tenenbaum laisse en‐ tendre, lui, que les clients sont responsabl­es des résul‐ tats erronés, en raison d'une mauvaise collecte des échan‐ tillons. On a fait des milliers de tests et la moitié des er‐ reurs venaient de la collecte, dit-il.

Le Dr Mohammad Akbari, directeur de recherche au la‐ boratoire de génétique molé‐ culaire de l'Hôpital Women's College à Toronto affirme que le genre de test que Via‐ guard disait utiliser est fiable normalemen­t, mais qu'il faut plus que quelques gouttes de sang de la mère pour confirmer l'ADN du foetus.

Il faut au moins 10 ml de sang d'une veine de la mère pour un test adéquat.

Dr Mohammad Akbari, ex‐ pert dans les tests d'ADN

Dans certains cas, comme l'illustre une poursuite contre Viaguard en Californie, les clients devaient se rendre à un laboratoir­e pour le prélè‐ vement de sang. Cette pour‐ suite s'est conclue par un rè‐ glement à l'amiable.

Santé Canada indique par courriel qu'elle ne régle‐ mente pas les tests commer‐ ciaux d'ADN comme ceux de Viaguard.

La compagnie n'offre plus de tests de paternité préna‐ taux, mais continue à vendre des tests d'ADN postnataux, tout comme des tests pour déterminer la race des chiens, notamment.

D'après des renseigne‐ ments fournis par Jorge Bar‐ rera, de CBC News

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