Les médecins de famille s’inquiètent pour la prise en charge de nouveaux patients
Les médecins de famille ex‐ hortent le gouvernement Legault à renoncer à un projet de règlement qui pourrait limiter davantage l’accès aux soins de santé, selon eux. Après avoir en‐ voyé une mise en demeure au ministre de la Santé, Christian Dubé, il y a quelques semaines, leur fé‐ dération espère un ultime revirement de situation avant l’entrée en vigueur des nouvelles règles.
Les omnipraticiens craignent que le règlement les empêche d’accepter spon‐ tanément de prendre en charge une personne qui se présente à leur bureau par le service sans rendez-vous, même celles provenant du Guichet d’accès à la première ligne (GAP), dont le ministre Dubé fait pourtant la promo‐ tion pour les personnes sans médecin de famille.
Il faudra prioriser les gens inscrits sur la liste du Guichet d’accès à un médecin de fa‐ mille (GAMF), sans quoi le médecin devra justifier son choix.
Si je vois quelqu’un dans un contexte de sans rendezvous parce qu’il est orphelin de médecin de famille, je peux actuellement choisir de le prendre en charge parce que je juge qu’il a des be‐ soins de santé importants. Je le fais en ne signant qu’un formulaire, envoyé à la Régie de l’assurance maladie du Québec, explique la Dre Chantal Guimond.
Maintenant, il faudra justi‐ fier cette prise en charge là, puisque ce n’est pas un pa‐ tient proposé par le Guichet d’accès à un médecin de fa‐ mille. Je l’ai écouté, j’ai pris en charge partiellement son problème, je veux le revoir pour continuer les soins, mais ça met un frein.
Dre Chantal Guimond, médecin de famille et prési‐ dente du réseau Ma Clinique
La relation médecin-pa‐ tient qui se développe natu‐ rellement lors d’une consul‐ tation ne devrait pas primer sur la liste d’attente du GAMF, selon l’interprétation du règlement que fait aussi la Dre Anne-Marie Beaulieu.
Je suis médecin d’une pe‐ tite famille, des deux parents et des deux enfants. Ils me demandent si je peux prendre en charge leur troi‐ sième bébé. Si je veux ins‐ crire ce nouveau bébé-là, je crains une charge adminis‐ trative supplémentaire, avec des formulaires supplémen‐ taires que je vais devoir rem‐ plir, explique la Dre Beaulieu.
La médecin affirme qu’elle consacre déjà 10 heures par semaine en moyenne à de la paperasse administrative.
Le règlement prévoit cer‐ taines exceptions, comme la prise en charge de membres d’une même famille. Un nou‐ veau bébé pourrait donc être suivi par le même médecin, mais la réponse n’était visi‐ blement pas claire pour la Dre Beaulieu. Plusieurs de ses collègues se ques‐ tionnent d’ailleurs sur les ex‐ ceptions permises.
Le ministre ne s’y prend pas de la bonne manière, prétend la FMOQ
Ça risque de dégager moins de temps pour les mé‐ decins qui veulent donner des services cliniques aux pa‐ tients, soutient le président de la Fédération des méde‐ cins omnipraticiens du Qué‐ bec (FMOQ), le Dr Marc-An‐ dré Amyot.
La FMOQ a envoyé une mise en demeure à Christian Dubé, il y a quelques se‐ maines, pour le décourager de mettre en oeuvre son rè‐ glement. Le ministre espère obliger les médecins à prendre en charge 13 000 pa‐ tients vulnérables toujours en attente au GAMF.
Je ne laisse pas sous-en‐ tendre qu’il n’y a pas de pro‐ blématique d’accès. Bien au contraire, on sait que c’est difficile, précise le Dr Amyot.
Dans ses commentaires envoyés au ministre vendredi dernier, la FMOQ plaide que le règlement affecte l’autono‐ mie professionnelle des mé‐ decins de famille.
Pour accepter un autre patient que celui inscrit sur le GAMF, il faudra effectuer une demande préalable d’autori‐ sation au coordonnateur mé‐ dical. Les omnipraticiens pré‐ tendent que ce processus met au rancart en grande partie le jugement clinique que doit exercer un médecin quant à savoir si un patient bénéficierait d’une inscrip‐ tion.
La période de consulta‐ tion de 45 jours suivant la publication du règlement vient tout juste de se termi‐ ner. Le gouvernement Le‐ gault pourrait retenir des commentaires et apporter des modifications. Le mi‐ nistre Christian Dubé n’était pas disponible pour une en‐ trevue.
Le cabinet de M. Dubé as‐ sure cependant que l’objectif du règlement demeure la prise en charge de patients prioritaires. Les autres, dont les conditions de santé ne sont pas jugées urgentes, pourront continuer de consulter un professionnel de la santé en passant par le GAP, en attendant de se faire attribuer un médecin de fa‐ mille.
Il en va de notre respon‐ sabilité de nous assurer que les patients vulnérables sont pris en charge en priorité dans le système de santé. On parle ici de Québécois vivant avec le VIH ou ayant des idées suicidaires, notam‐ ment. La prise en charge d’un nouveau patient ne doit pas se faire au détriment d’une personne qui est vulnérable. Il est ainsi tout à fait logique que ces personnes soient prises en charge de manière prioritaire.
Cabinet du ministre Chris‐ tian Dubé