Radio-Canada Info

En Ontario, le combat contre la crise des opioïdes passe aussi par l’éducation des jeunes

- Ismaël Houdassine

Dans la communauté onta‐ rienne de Netmizaagg­amig Nishnaabeg, l'Odjibwé Ba‐ sil Sabourin investit son temps auprès des plus jeunes dans l’espoir qu’ils échappent aux pièges de la consommati­on de drogues.

Si l’on ne fait rien, on va perdre une génération de jeunes Autochtone­s, souffle Basil Sabourin en entrevue.

Le quinquagén­aire, qui agit comme éducateur au‐ près de la jeunesse au sein de son conseil de bande, constate tous les jours les ef‐ fets des dépendance­s sur sa communauté. Il n’en peut plus de voir que la situation continue d’empirer d’année en année.

Depuis la fin de l’épidémie de COVID, on ne compte plus chez nous le nombre de dé‐ cès liés à la consommati­on de drogue, précise-t-il en se‐ courant la tête.

La Première Nation Net‐ mizaaggami­g Nishnaabeg (Pic Mobert First Nation) est située à mi-chemin entre les villes de Thunder Bay et de Sault-Sainte-Marie, le corri‐ dor qui compte les plus grands taux de mortalité par surdose d'opioïdes en Onta‐ rio, et l’un des plus élevés à l’échelle du Canada.

Selon les données les plus récentes du Bureau du coro‐ ner en chef de la province, la région enregistre 77,2 sur‐ doses mortelles pour 100 000 habitants, contre un taux au Québec de 6,2 décès par tranche de 100 000 habi‐ tants.

Ces chiffres sont insup‐ portables! lance-t-il. Les per‐ sonnes aux prises avec des problèmes de dépendance aux opioïdes sont en constante augmentati­on et les communauté­s se re‐ trouvent démunies devant l’ampleur du phénomène.

Nos peuples traversent des événements terribles, mais on ne reste pas les bras croisés. Il existe des initia‐ tives et des programmes effi‐ caces et c’est en partageant nos expérience­s de réussites que l’on peut prévenir plu‐ sieurs situations néfastes.

Basil Sabourin

En mars dernier, M. Sa‐ bourin s’est déplacé à To‐ ronto pour assister en com‐ pagnie de plusieurs jeunes de sa communauté à la Conférence sur le bien-être des Premières Nations. Pen‐ dant trois jours, les commu‐ nautés autochtone­s de l’On‐ tario se sont rassemblée­s pour trouver des solutions communes aux défis sociaux qui les accablent, notamment la crise des opioïdes.

C’est important pour les jeunes qu’ils assistent à des conférence­s de ce type pour qu’ils sachent qu’ils ne sont pas seuls. Nous avons égale‐ ment besoin qu’ils soient éduqués sur ces problèmes auxquels ils seront malheu‐ reusement confrontés.

D'après lui, l’éducation en matière de toxicomani­e doit être une priorité chez les Pre‐ mières Nations. Une popula‐ tion en santé, c’est une com‐ munauté qui peut entrevoir un avenir pour les généra‐ tions futures, plaide-t-il.

Dans ma communauté, il n’y a pas une famille qui ne soit pas touchée par les opioïdes. On est tous concer‐ nés, mais le phénomène est complexe et demande des ressources que l’on ne pos‐ sède pas toujours, surtout en ce qui concerne les Pre‐ mières Nations isolées.

Le père de cinq enfants raconte que les drogues ont aussi eu des répercussi­ons sur sa propre famille. Il y a tellement de facteurs qui font qu’un jeune peut tomber dans la consommati­on. Ce sont des combats que l’on doit mener sur plusieurs fronts, aussi bien psycholo‐ giques que sociaux, soulignet-il.

Mon frère a été victime d'une surdose. Il est décédé à l'adolescenc­e. J'ai perdu un frère à cause de ça.

Basil Sabourin

Il explique que dans les communauté­s autochtone­s, la légalisati­on du cannabis n’est pas que récréative. Pour les jeunes en manque de re‐ pères, elle n’est souvent que la première étape vers la consommati­on de drogues dites dures.

On essaye de convaincre nos jeunes de ne pas en consommer, même si c’est devenu légal au pays. On met en place des activités cultu‐ relles ou sportives pour les occuper et ainsi éviter qu’ils consomment par ennui.

M. Sabourin préconise aussi une approche pédago‐ gique en organisant des ren‐ contres durant lesquelles est expliqué comment la dépen‐ dance aux drogues fonc‐ tionne, ainsi que les contre‐ coups catastroph­iques qu’elles peuvent avoir sur leur qualité de vie. Selon lui, l’ignorance pousse beaucoup de jeunes à la consomma‐ tion.

Je me souviens que quand j'étais à l'école, des agents de police venaient dans la classe avec dans les bras des caisses remplies de produits illicites. Ils nous montraient différente­s drogues et la dan‐ gerosité de chacune d’elles, dit-il, tout en souhaitant que ce genre de rencontres enca‐ drées par les autorités soient remises en place dans les communauté­s autochtone­s du Nord de l'Ontario.

Il reste que les Premières Nations de la province sont dorénavant plus sensibles à ces questions, croit-il. Les gens recommence­nt à se ras‐ sembler et à s'entraider, as‐ sure-t-il.

C'est comme si tout le monde commençait à se re‐ trouver. Je le constate dans ma communauté, où des jeunes ont décidé de se réunir, car beaucoup d'entre eux veulent aujourd’hui faire partie de la solution.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada