La langue parlée exclue du protocole de traitement ambulancier à Ottawa… pour l’instant
Radio-Canada a appris que la révision de l’entente de service ambulancier est sur le point d’être officialisée entre le Service paramédic d’Ottawa et les hôpitaux d’Ottawa, ce qui pourrait représenter une avancée pour les francophones de la capitale fédérale.
Cet accord, qui entrera bientôt en vigueur, contient des dispositions permettant aux patients francophones d'être dirigés, dans certaines situations, vers la salle d'ur‐ gence d'un hôpital désigné en vertu de la Loi sur les ser‐ vices en français de l'Ontario, confirme le directeur des communications à l’Hôpital Montfort, Martin Sauvé, sans trop vouloir s’avancer sur le sujet.
Il soutient néanmoins que tous les hôpitaux d’Ottawa dotés d’une salle d’urgence sont signataires de l’entente.
Des représentants d'asso‐ ciations franco-ontariennes déplorent depuis plusieurs années que le critère de la langue ne soit pas actuelle‐ ment pris en considération lors d’appels 911 nécessitant un transport par ambulance dans la capitale fédérale. Ils rappellent qu’être servi en français est loin d’être un ca‐ price, surtout en matière de soins de santé.
Les gens vont me dire : ''mais pourquoi j'étais tout près de [l’Hôpital] Montfort, puis on m'a envoyé à l'Hôpi‐ tal Queensway Carleton, ou on m'a envoyé au campus Ci‐ vic de l'Hôpital d'Ottawa?'' rapporte l’ancienne prési‐ dente-directrice générale du Réseau des services de santé en français de l'Est de l'Onta‐ rio (RSSFEO), Jacinthe Desaul‐ niers.
C'est malheureusement parce que la langue n'est pas prise en considération, s'of‐ fusque-t-elle.
Mme Desaulniers dit com‐ prendre pourquoi la langue parlée du patient n’est pas le premier critère inscrit au pro‐ tocole des services ambulan‐ ciers. Mais ça devrait être l’un des critères, soutient-elle.
La langue, ce n'est pas un caprice, c'est vraiment un fac‐ teur de qualité dans l'offre de service de santé.
Jacinthe Desaulniers, an‐ cienne présidente-directrice générale du Réseau des ser‐ vices de santé en français de l'Est de l'Ontario
Selon l’ancienne PDG du RSSFEO, c’est d’autant plus important lorsqu’il est ques‐ tion d’appels au 911. Quand on parle d'ambulance, ça veut dire que les gens sont dans des moments de vulné‐ rabilité, rappelle-t-elle.
À noter que si des pa‐ tients franco-ontariens ont déjà éprouvé des difficultés par le passé à l'occasion d’ap‐ pels au 911, la Ville d’Ottawa confirme que toutes les per‐ sonnes qui répondent aux appels aujourd’hui sont bi‐ lingues.
Pas au détriment des patients
Le président de l'Assem‐ blée de la francophonie de l'Ontario (AFO), Fabien Hé‐ bert, estime que la langue de traitement impacte positive‐ ment le résultat. Si le pour‐ voyeur de service et le client parlent la même langue, le résultat du traitement va être meilleur que si on a une bar‐ rière linguistique.
Un tel changement ne de‐ vrait toutefois pas se faire au détriment de la capacité de traitement ou encore de la santé du patient, tient-il à préciser.
Il ne faudrait surtout pas, insiste-t-il, que l'ajout du cri‐ tère de la langue au proto‐ cole des services ambulan‐ ciers mette un obstacle à la survie d'un [patient].
C'est certain que s'il y a déjà [...] 10 ambulances à l'Hôpital Montfort qui sont en attente, peut-être que je pré‐ férerais que [mon père] se retrouve au campus Civic de l'Hôpital d'Ottawa ou au cam‐ pus Général de l'Hôpital d'Ot‐ tawa, offre comme hypo‐ thèse M. Hébert.
Fabien Hébert tiendrait simplement, dit-il, à ce que son père soit soigné immé‐ diatement, même si ce n’est pas dans la langue de son choix.
Je pense que le traitement immédiat est plus important que de recevoir le service en français immédiatement.
Fabien Hébert, président de l’Assemblée de la franco‐ phonie de l'Ontario
Par la suite, pour la conva‐ lescence, là c'est clair qu'on a besoin de s'organiser pour que la convalescence soit faite dans un milieu franco‐ phone, d’ajouter M. Hébert.
Répondre à la clientèle francophone
Quant à lui, le président de l’Association des commu‐ nautés francophones d’Ot‐ tawa (ACFO Ottawa), Éric Bar‐ rette, estime que des amélio‐ rations s’imposent dans l’en‐ semble du système de santé.
Je pense que l'ensemble du système doit être capable de répondre à la clientèle francophone, indique-t-il. C'est tout un système qui doit s'adapter pour bien ré‐ pondre au service en fran‐ çais.
Être servi dans la langue de son choix permet de bien verbaliser le problème de santé, renchérit M. Barrette qui souhaite lui aussi que le critère de la langue soit pris en considération lors d’ap‐ pels 911.
Pour l'avoir déjà vécu, c'est moins naturel d'expli‐ quer un [problème] de santé quand ce n'est pas ta langue première, témoigne-t-il.
On ne voudrait pas, par exemple, que quelqu'un re‐ fuse de prendre l'ambulance, puis décide de lui-même se rendre à l'hôpital de son choix dans une situation où sa santé peut être fragilisée.
Éric Barrette, président de l’Association des communau‐ tés francophones d’Ottawa
Évidemment, si c'est [une situation] de vie ou de mort, tu vas avoir les soins de pre‐ mière ligne le plus rapide‐ ment que possible, tient-il à souligner.
Une question de délais de traitement
En réaction aux préoccu‐ pations soulevées par ces mi‐ litants francophones, le chef du Service paramédic d’Ot‐ tawa, Pierre Poirier, rappelle qu’il est trop souvent arrivé par le passé que les délais de traitement des appels d’ur‐ gence ne soient pas respec‐ tés.
Privilégier le transport de patients vers un hôpital fran‐ cophone pour des raisons non médicales, soit leur langue de préférence, à ce