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Les décoration­s de piquants de porc-épic, une histoire de famille pour Christine Toulouse

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Pour Christine Toulouse, les décoration­s de piquants de porc-épic sont plus qu’une question d’art.

Elle se souvient qu'elle te‐ nait une tasse de thé lorsque sa mère et sa grand-mère lui ont enseigné pour la pre‐ mière fois comment retirer les piquants d’un porc-épic.

Elles étaient assises sur le porche de la maison de sa mère, dans la Première Na‐ tion de Sagamok Anishnaw‐ bek, dans le Nord de l'Onta‐ rio. Mme Toulouse les obser‐ vait tandis qu'elles retiraient habilement les piquants sans arracher la peau de l'animal mort.

Ma grand-mère et ma mère, surtout ma mère, étaient très enthousias­tes à l'idée de me l’enseigner.

Elle était déjà adulte à ce moment-là. Elle a demandé, de son propre chef, à sa fa‐ mille d’apprendre comment pratiquer cet art traditionn­el autochtone, qui consiste à tisser des piquants de porcépic à travers de l'écorce de bouleau, au cours de l'été de 2016.

À l'époque, elle souffrait de maux de dos chroniques.

Puis, elle a appris que sa mère avait reçu un diagnostic de cancer du côlon.

Elle a décidé de quitter Ottawa, où elle habitait alors, afin de retourner dans sa Première Nation natale et prendre soin de sa mère.

Sa grand-mère, elle, a tou‐ jours créé des décoration­s en piquants de porc-épic. Elle les vendait un peu partout en Amérique du Nord.

L’idée d’apprendre est donc venue naturellem­ent.

J'ai décidé que c'était ce dont j'avais vraiment besoin dans ma vie. J’ai dû passer beaucoup de temps à l'inté‐ rieur pour m'occuper de ma mère. J'avais besoin de quelque chose qui nourrisse mon âme et me relie à la communauté, explique Mme Toulouse.

L’art de la décoration de piquants de porc-épic se transmet d’une génération à l’autre depuis des centaines d’années, selon Naomi Recol‐ let. L'archiviste de la Fonda‐ tion culturelle ojibwée a ellemême appris grâce à sa propre grand-mère, à ses tantes et à ses oncles.

Il y a beaucoup d'efforts collectifs de la part de la communauté pour recueillir les matériaux eux-mêmes, et je pense que c'est l'un des as‐ pects que je préfère.

L'écorce de bouleau est récoltée pendant la saison des fraises. Les piquants sont récoltés tout au long de l'an‐ née. Les artistes teignent souvent les piquants de diffé‐ rentes couleurs avant de les broder pour créer différents motifs.

Après avoir passé l'été à teindre des piquants, à récol‐ ter de l'écorce et à vendre ses premières oeuvres, Mme Tou‐ louse est retournée à Ottawa pour trouver du travail. Elle n'a pas rouvert sa boîte de matériel de décoration de pi‐ quants de porc-épic pendant six ans.

Pendant cette période, sa mère a subi des traitement­s de chimiothér­apie et des in‐ tervention­s chirurgica­les dans sa lutte contre le can‐ cer. Elle est décédée à l'au‐ tomne 2019.

Alors que Mme Toulouse

faisait le deuil de sa mère, elle a ressorti le matériel sto‐ cké dans son placard.

Tout ce qu'elle avait tou‐ ché, je voulais [...] en faire quelque chose de beau et de tangible. Et c'est ce que j'ai fait.

Mme Toulouse explique qu’elle a apppris la décora‐ tion de piquants de porc-épic dans un contexte où elle es‐ pérait voir sa mère guérir. Puis, c’est devenu un outil de deuil. Ensuite, elle a pu en vivre : elle vend ses oeuvres lors d'événements.

Aujourd'hui, elle l’en‐ seigne : elle organise des ate‐ liers communauta­ires, qui se sont développés grâce à une subvention du Conseil des arts de l'Ontario pour ensei‐ gner aux jeunes autoch‐ tones.

Mme Toulouse reconnaît que c'est sa grand-mère Ida, décédée l'année dernière, qui lui a donné la confiance né‐ cessaire pour enseigner.

J'ai l'impression que [la décoration de piquants de porc-épic] m'a été donnée pour que je la transmette, et j'ai heureuseme­nt reçu ces connaissan­ces de ma famille et de ma grand-mère.

Avec les informatio­ns de Wafa El-Rayes de CBC

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