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Lutte contre les feux de forêt : la SOPFEU gonflera ses rangs de 32 % au Québec

- Pierre-Alexandre Bolduc

Les images des 5 millions d'hectares de forêt brûlés, des milliers de gens éva‐ cués et de la fumée des feux québécois jusqu’à New York rappellent de bien mauvais souvenirs à de nombreuses personnes, à commencer par les em‐ ployés de la Société de pro‐ tection des forêts contre le feu (SOPFEU).

Mais grâce à un budget bonifié de 29 millions de dol‐ lars sur cinq ans, dont 7 mil‐ lions cette année, l'organisa‐ tion prend les grands moyens et grossira ses rangs du tiers d'ici deux ans, no‐ tamment par l'ajout de 80 pompiers forestiers, en plus de 80 autres employés.

On va déjà avoir 50 pom‐ piers forestiers de plus dès le début de la présente saison et 30 pompiers supplémen‐ taires l’année prochaine, lance le coordonnat­eur à la prévention et aux communi‐ cations de la SOPFEU, Sté‐ phane Caron.

Répartitio­n des 50 nou‐ veaux pompiers forestiers en 2024

La Tuque : 5

Roberval : 20 Lebel-sur-Quévillon : 14 Maniwaki : 4

Matagami : 4 Mont-Tremblant : 3 30 pompiers forestiers supplément­aires seront en‐ gagés en 2025.

Après un an d'expérience et une formation de chef d'équipe, chaque pompier fo‐ restier pourra aussi encadrer cinq combattant­s auxiliaire­s. Les combattant­s auxiliaire­s sont, par exemple, des tra‐ vailleurs en sylvicultu­re ou de l’industrie forestière, tels des débroussai­lleurs ou des plan‐ teurs d’arbres, qui suivent une formation d’une semaine pour intervenir sur le terrain lors de feux de forêt.

Avec les nouveaux pom‐ piers forestiers et les com‐ battants auxiliaire­s, la SOP‐ FEU estime qu’en 2025, sa force de frappe sur le terrain partout au Québec pourrait atteindre 480 personnes pour combattre directemen­t les feux.

Parmi ses nouvelles em‐ bauches, la SOPFEU recru‐ tera aussi 16 agents de pro‐ tection et 43 employés aux opérations, notamment à son centre provincial de lutte, des chefs d’opérations, un géomaticie­n et un aéropoin‐ teur. Une vingtaine de per‐ sonnes supplément­aires se‐ ront aussi engagées pour ad‐ ministrer l'organisati­on.

Ça va m’aider à dormir

La SOPFEU compte aussi investir dans ses équipe‐ ments pour ses intervenan­ts sur le terrain. À Lebel-surQuévill­on, qui a frôlé la catas‐ trophe et qui a dû évacuer sa population à deux reprises l’été dernier, une base d’opé‐ ration permanente de la SOPFEU, comptant une quin‐ zaine de pompiers, sera mise en place au cours des pro‐ chaines semaines.

Le maire de la municipa‐ lité, Guy Lafrenière, salue cette décision, lui qui entend parler chaque jour de l'été historique 2023 dans sa com‐ munauté.

Ça va être très rassurant. Je vais me sentir beaucoup plus en sécurité de savoir qu'il y a des gens qui s'oc‐ cupent de ça sur mon ter‐ rain. Pas à 200 km, directe‐ ment sur notre terrain. Je vous le dis, ça va m'aider à dormir!, lance le maire Lafre‐ nière.

S'avouant nerveux, il dit craindre que la situation de l'année dernière se repro‐ duise. Avec 50 à 60 % moins de neige tombée durant l'hi‐ ver, selon ses estimation­s, il dit espérer un printemps hu‐ mide et un été pluvieux.

On va être inquiets tout l’été. Aussitôt qu’on va avoir quatre ou cinq jours de beau temps, on va penser à ça.

Guy Lafrenière, maire de Lebel-sur-Quévillon

Des pilotes manquants, des avions-citernes vieillis‐ sants

Par contre, le recrutemen­t de pilotes d'avions-citernes, qui ne va pas aussi bien que prévu, demeure l'enjeu de l’heure pour la SOPFEU. Se‐ lon le ministère des Trans‐ ports et de la Mobilité du‐ rable, qui emploie les pilotes des bombardier­s d'eau, il en manque encore 10.

Au total, il faut 40 pilotes pour piloter les 14 appareils de la flotte. La SOPFEU doit donc se tourner vers des en‐ treprises privées pour pallier cette pénurie.

C'est très très difficile de recruter. On n'en a pas au‐ tant qu'on le souhaitera­it. C'est une des raisons pour lesquelles on est obligé de prendre des mesures de compensati­on, comme de mettre du [personnel] sous contrat avec une compagnie privée, explique Stéphane Caron, de la SOPFEU.

Les six appareils CL-215 sont aussi vieillissa­nts. La SOPFEU est toujours en at‐ tente d’une décision gouver‐ nementale sur le remplace‐ ment de ces avions-citernes.

Certains ont jusqu'à 50 ans. Et leur fiabilité com‐ mence à décroître avec les années. Et là, on parle de so‐ lutions complexes à mettre en place. Donc, avec le gou‐ vernement, on a déjà des dis‐ cussions avec le service aé‐ rien gouverneme­ntal qui gère ces avions-là, souligne Stéphane Caron.

Quel genre d’été nous attend?

Pour l’instant, l’équipe de météorolog­ues de la SOPFEU insiste pour dire qu’il est im‐ possible de prévoir quel genre d’été vivra le Québec. Même si le couvert neigeux est plus mince qu’à l’habi‐ tude, des jours de pluie peuvent changer la donne à tout moment.

Manque de neige l'hiver, un hiver plus doux... Tout ça nous amène à penser que peut-être nos gros feux du mois de juin, on pourrait peut-être les vivre au mois de mai. Mais je le répète, c'est un potentiel, explique Olivier Lundqvist, météorolog­ue à la SOPFEU.

On est incapable de dire à ce moment-ci quel genre de saison on va avoir.

Olivier Lundqvist, direc‐ teur des services prédictifs et météorolog­iques à la SOP‐ FEU

La mairesse de Chibouga‐ mau, qui a dû faire évacuer ses 7200 résidents l'an der‐ nier, se croise les doigts.

Je ne m'attends pas qu'on ait la même ampleur qu'on a eue l'été passé, mais c'est sûr qu'il faut apprendre à vivre avec la situation où on risque d'avoir des feux de forêt, ex‐ plique Manon Cyr. Les chan‐ gements climatique­s sont là et on les voit.

La SOPFEU mise aussi sur la sensibilis­ation. Son budget de prévention augmente de 150 000 $, pour atteindre 3 millions de dollars par année; pas moins de 80 % des feux de forêt sont causés par l'ac‐ tivité humaine.

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