Radio-Canada Info

English-Montréal demandera à la Cour suprême de se pencher sur la « loi 21 »

-

Le plus haut tribunal du pays sera appelé à évaluer la pertinence de réviser le jugement de la Cour d'ap‐ pel du Québec portant sur la Loi sur la laïcité de l'État, aussi connue comme la « loi 21 ».

La Commission scolaire English-Montréal (CSEM) a pris la décision de porter la décision devant la Cour su‐ prême du Canada lors d'une réunion extraordin­aire mer‐ credi.

Nous avons toujours sou‐ tenu que le projet de loi 21 violait les droits des citoyens québécois, a déclaré son pré‐ sident, Joe Ortona.

Cette loi discrimine les personnes appartenan­t à des minorités religieuse­s. Elle nuit à leurs chances d'ensei‐ gner au sein de notre sys‐ tème. Et elle cible de manière disproport­ionnée les femmes musulmanes.

Deux commissair­es de la CSEM ont exprimé leurs in‐ quiétudes quant au montant dépensé jusqu'ici pour lutter contre la « loi 21 », soit 1,3 million de dollars. La grande majorité de leurs collègues se sont toutefois montrés fa‐ vorables à ce que le combat se poursuivre devant le plus haut tribunal du pays.

Un premier appel infruc‐ tueux

En février dernier, la Cour d'appel du Québec a confirmé, à la demande de nombreuses parties oppo‐ sées à la Loi sur la laïcité de l'État, que celle-ci était consti‐ tutionnell­e sur pratiqueme­nt tous les points, notamment en raison de l'invocation de la dispositio­n de dérogation, aussi connue sous le nom de clause nonobstant.

Le jugement a notam‐ ment mis fin à une exception antérieure, dictée par le juge de la Cour supérieure MarcAndré Blanchard, qui per‐ mettait aux écoles anglo‐ phones d'employer des en‐ seignants portant des sym‐ boles religieux comme le voile pendant leur travail.

Un panel de juges de la Cour d’appel avait entendu les arguments des groupes de défense des libertés ci‐ viles contestant la loi, ainsi que ceux du Procureur géné‐ ral du Québec, en novembre 2022.

Le gouverneme­nt Legault avait fait appel de la décision de la Cour supérieure, ren‐ due en avril 2021, qui avait maintenu l'essentiel de la loi, tout en prévoyant une excep‐ tion pour les écoles anglo‐ phones. Québec avait argu‐ menté que cette dérogation créait une distinctio­n injuste entre les deux réseaux.

Dans un résumé de leur décision, les juges de la Cour d'appel - Manon Savard, Yves-Marie Morrissett­e et Marie-France Bich - ont expli‐ qué que la loi ne contreve‐ nait ni aux principes non écrits de la Constituti­on, ni à l'architectu­re constituti­on‐ nelle, ni à quelques loi ou principe préconfédé­ratif ayant valeur constituti­on‐ nelle.

Une décision question‐ nable, selon Québec

En mêlée de presse, jeudi matin, le ministre de la Jus‐ tice, Simon Jolin-Barrette, a fait savoir que son gouverne‐ ment défendrait la « loi 21 » jusque devant la Cour su‐ prême si celle-ci devait être appelée à s'y pencher.

On va toujours défendre la laïcité de l'État, parce qu'au Québec, l'État et les religions, c'est distinct, a-t-il déclaré. Et on va être très clair : on ne fera jamais de compromis sur le sujet.

M. Jolin-Barrette a aussi laissé entendre qu'il était questionna­ble qu'une institu‐ tion financée par le gouver‐ nement comme la CSEM conteste en cour une loi adoptée par l'Assemblée na‐ tionale, indiquant qu'il y [avait] toujours un question‐ nement par rapport à l'utili‐ sation des fonds publics, comme dans le cas de la loi 96.

Le ministre a par invité le fédéral à ne pas s'impliquer dans la contestati­on de la Loi sur la laïcité de l'État devant la Cour suprême, estimant qu'Ottawa devrait plutôt se mêler de ses affaires. Or, Jus‐ tin Trudeau a toujours dit que son gouverneme­nt n'hé‐ siterait pas à se prononcer si l'affaire devait être étudiée par le plus haut tribunal du pays.

Les partis d'opposition, quant à eux, sont demeurés relativeme­nt prudents, jeudi matin, en lien avec la volonté de la CSEM de contester la « loi 21 » devant la Cour su‐ prême. Le PLQ, par exemple, s'est contenté de dire que la commission scolaire avait tout à fait le droit d'agir ainsi, se refusant à émettre davan‐ tage de commentair­es.

La CSEM est dans son droit, et je crois fermement, en tant qu'avocat, que cha‐ cun devrait avoir le droit et le pouvoir d'exercer ses droits, a ajouté le député solidaire, Guillaume Cliche-Rivard, se‐ lon qui il revient à la commis‐ sion scolaire d'établir ses priorités et de dépenser comme il le veut les fonds qui lui sont alloués.

La vraie question, c'est : que fera le gouverneme­nt fé‐ déral ? Vont-ils encore utiliser nos impôts pour lutter contre une loi votée par l'Assemblée nationale? Vont-ils combattre encore une fois le Québec? C'est ça, la vraie question, a déclaré de son côté le pé‐ quiste Pascal Paradis.

Adoptée en juin 2019, la « loi 21 », qui interdit à plu‐ sieurs catégories d'employés de l'État québécois de porter des signes religieux dans l'exercice de leurs fonctions, cause la polémique depuis bientôt cinq ans, tant au Québec que dans les autres provinces canadienne­s.

Ses opposants font no‐ tamment valoir qu'elle contrevien­t aux chartes cana‐ dienne et québécoise des droits et libertés.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada