Référendum sur l’immigration : un jeu risqué pour François Legault
Paul St-Pierre Plamondon n’a pas mis de temps à flai‐ rer le bon filon. À peine François Legault avait-il évoqué la tenue d’un réfé‐ rendum sectoriel que le chef péquiste le pressait de passer à l’action.
Advenant un refus, le 30 juin, sur les pleins pouvoirs en immigration, peut-il s’en‐ gager à déclencher un réfé‐ rendum sur l’immigration dès cet automne? a-t-il demandé lors de la période des ques‐ tions.
Le Parti québécois a tout intérêt à faire monter les en‐ chères, d’autant qu’on sait déjà qu’Ottawa ne cédera pas l’ensemble de ses pouvoirs en la matière. Justin Trudeau a été on ne peut plus clair sur ce point. Dans le meilleur des cas, Québec et Ottawa s’entendront pour resserrer l’admission d’immigrants temporaires, mais cela de‐ meurera toujours trop peu aux yeux du chef péquiste.
François Legault cherche certes à reconquérir les élec‐ teurs plus nationalistes, re‐ tournés au PQ après avoir momentanément appuyé la CAQ, mais nourrir leurs at‐ tentes risque de servir les in‐ térêts de son adversaire.
À quel jeu joue François Legault?
À l’issue de la rencontre qu’il a eue avec Justin Tru‐ deau le mois dernier, Fran‐ çois Legault avait laissé pla‐ ner le mystère sur ses inten‐ tions, évoquant des options qu’il s’était refusé à définir. On comprend maintenant que celles-ci sont plutôt limi‐ tées puisque le chef du gou‐ vernement se résout à évo‐ quer publiquement l’idée d’un référendum.
Si l’hypothèse avait effec‐ tivement été évoquée lors des dernières élections, le premier ministre lui-même semble bien peu convaincu de l’opportunité d’une telle démarche. Il y a quelques se‐ maines à peine, il jugeait que l’exercice n’était pas néces‐ saire, la question de l’immi‐ gration étant consensuelle au sein de la population. Qu’il ait changé d’idée en si peu de temps a de quoi étonner, d'autant plus qu’il est loin d’être acquis que cela soit la stratégie la plus porteuse pour la CAQ.
Déclencher un référen‐ dum est toujours hasardeux, a fortiori pour un gouverne‐ ment en perte de popularité. Peu importe la question et l’appui réel des Québécois aux revendications en jeu, les résultats risquent d’être tein‐ tés par l’humeur des élec‐ teurs et les frustrations qu’ils ont accumulées à l’égard du gouvernement.
Sans compter qu’un réfé‐ rendum, même gagnant, ne forcerait pas Ottawa à don‐ ner au Québec tout ce qu’il demande. Le premier mi‐ nistre québécois devrait éla‐ borer un plan B à l’avance, à défaut de quoi son rapport de force s’en trouverait d’au‐ tant diminué. Dans tous les cas, ce sont les partis d’oppo‐ sition à l’Assemblée nationale qui risqueraient de sortir ga‐ gnants de l’exercice.
Des geants signaux encoura‐
Il ne sera probablement pas nécessaire d’en venir là de toute manière. Après avoir échangé des propos acrimonieux par médias in‐ terposés ces dernières se‐ maines, Christine Fréchette et Marc Miller laissent main‐ tenant entendre que les dis‐ cussions entre leurs minis‐ tères sont sur la bonne voie.
Il faut dire que, pour une fois, les intérêts de leurs gou‐ vernements respectifs convergent. Contre toute at‐ tente, la question de l’immi‐ gration est en train de se transformer en boulet pour Justin Trudeau. Aux quatre coins du pays, analystes et économistes montrent du doigt la hausse rapide de la population pour expliquer la crise du logement, dont Pierre Poilievre n’a de cesse de rappeler l’existence.
Le premier ministre cana‐ dien lui-même se rend main‐ tenant aux arguments de son vis-à-vis québécois, en concé‐ dant que les immigrants tem‐ poraires sont trop nombreux sur le territoire. En leur impo‐ sant de nouveaux critères de sélection, Québec en rédui‐ rait le nombre, ce qui aiderait Ottawa à atteindre son objec‐ tif.
Impression d’improvisa‐ tion
Le gouvernement Legault doit en bonne partie ses ré‐ cents reculs dans les son‐ dages à ses tergiversations des derniers mois, dont les changements de cap succes‐ sifs à propos du troisième lien sont la meilleure illustra‐ tion. On voit mal ce que le premier ministre gagne à mettre au jeu une proposi‐ tion qu’il avait écartée il y a quelques semaines à peine et à laquelle il risque fort de ne pas donner suite. Tout cela pourrait renforcer l’im‐ pression d’improvisation dont le chef de la CAQ cherche précisément à se dé‐