Un programme d’aide aux victimes d’agressions sexuelles au Manitoba rural en péril
Un organisme qui accom‐ pagne vers la guérison les survivantes d'agressions sexuelles dans les régions rurales du Manitoba af‐ firme que l'avenir de son principal programme est en péril depuis qu’Ottawa a mis fin à son financement.
Le Survivor's Hope Crisis Centre gère son programme de rétablissement et de gué‐ rison en cas d'agression sexuelle, également connu sous le nom de SARAH, de‐ puis environ cinq ans.
Ce programme offre gra‐ tuitement aux victimes d'agressions sexuelles, de violence, de harcèlement, d'exploitation et de trafic dans la région d'Entre-lesLacs et de l'Est de l’accompa‐ gnement à long terme, ainsi qu'un accès à de l’aide juri‐ dique et à des groupes de guérison.
La directrice générale de Survivor's Hope, Coral Ken‐ del, affirme que SARAH est l’un des deux programmes de ce type dans la région, ajoutant qu’il offre des mil‐ liers de séances de soutien chaque année pour aider à guérir des centaines de per‐ sonnes.
Mais cela pourrait bientôt ne plus être le cas.
Depuis les trois dernières années, Survivor's Hope a pu compter sur le soutien finan‐ cier du gouvernement fédé‐ ral pour assurer le fonction‐ nement de SARAH, mais le centre de crise se prépare maintenant à devoir s’en pas‐ ser. Dans un courriel qui lui a été envoyé la semaine der‐ nière, dont CBC/Radio-Ca‐ nada a obtenu une copie, un fonctionnaire du ministère fédéral de la Justice indique que le financement avait pris fin.
Notre première réaction a été la dévastation.
Coral Kendel, directrice générale de Survivor's Hope
Mme Kendel s’inquiète maintenant des graves conséquences que la fin du financement peut entraîner sur les survivants avec les‐ quels [le centre travaille].
La majeure partie de notre financement sert à em‐ ployer ces personnes bien‐ veillantes qui sont capables d’établir des relations de confiance avec les survivants. Sans ce financement [...], notre équipe sera réduite, ce qui se traduira par une dimi‐ nution de l'aide offerte.
Des victimes dévastées
Robyn Laurie Sugden s'est présentée pour la première fois à Survivor's Hope en tant qu'employée. Ce n'est qu’après avoir changé d’em‐ ploi qu'elle a réalisé à quel point elle pourrait profiter du soutien qui y est offert.
Souvent, dans les cas de violences sexuelles, ce n’est que plus tard que les vic‐ times se rendent compte que ces expériences n'étaient pas consensuelles, explique-telle. C'est ce qui s'est passé dans mon cas.
Mme Sugden, qui a subi des violences sexuelles dans sa jeunesse, relate que ce n'est que lorsqu'elle a com‐ mencé à recevoir du soutien dans le cadre du programme SARAH qu'elle a pu faire face au traumatisme qu'elle avait refoulé pendant des années.
Pour certaines personnes, il s'agit d'une question de vie ou de mort.
Robyn Laurie Sugden Maintenant que la péren‐ nité du programme est en péril, elle affirme préférer ne pas penser à ce qui allait se passer.
Cette semaine a été très difficile pour les survivants [...] Beaucoup de gens m'ont contactée, ils sont dévastés.
Dans son courriel à Survi‐ vor's Hope, le ministère de la Justice affirme que le finance‐ ment du volet agressions sexuelles du Fonds d'aide aux victimes était limité et que le gouvernement n'était pas en mesure d'approuver tous les requérants.
Un porte-parole du minis‐ tère a indiqué à CBC/RadioCanada dans un courriel jeudi qu'au cours des trois dernières années, le gouver‐ nement fédéral a accordé à Survivor's Hope un total de 168 849 $ pour développer un programme de soutien global pour les survivants et les victimes. Il précise toute‐ fois que le financement n'a été accordé que pour une pé‐ riode déterminée prenant fin le 31 mars, et non sur une base continue.
Le porte-parole ajoute que le centre de crise a éga‐ lement reçu deux subven‐ tions totalisant 19 000 $ pour les activités de la Semaine nationale des victimes et des survivants d'actes criminels en 2022 et 2023.
Survivor's Hope en ap‐ pelle maintenant au soutien de la communauté pour ob‐ tenir les 75 000 $ dont l’orga‐ nisation estime avoir besoin pour maintenir le pro‐ gramme une année de plus. Mme Kendel affirme toute‐ fois chercher une source de financement gouvernemen‐ tal plus stable, soulignant que la province ne contribue pas directement au finance‐ ment de SARAH.
Une perte autres services pour les
Les données de Statis‐ tique Canada pour 2021 in‐ diquent que le Manitoba a le taux le plus élevé d'agres‐ sions sexuelles déclarées à la police dans les zones rurales, avec 170 incidents pour 100 000 personnes.
Selon Mme Kendel, 40 % des répondants à un son‐ dage réalisé l'année dernière par Survivor's Hope dans les zones rurales de la province ont déclaré qu'elles-mêmes ou une personne de leur en‐ tourage avaient été victimes de violences sexuelles dans leur communauté.
Les [victimes] n'ont pas de lieux sûrs pour se manifester et partager leurs expé‐ riences. C’est avec nous qu’elles peuvent le faire.
Elle prévoit ainsi que la fin du financement fédéral du centre de crise aura un effet d'entraînement à plusieurs niveaux.
Cela mettra davantage de pression sur le système de santé et le système judiciaire, souligne Coral Kendel.
C'est une perte pour les autres services sociaux avec lesquels nous collaborons souvent, comme les organi‐ sations de réduction des risques et de santé mentale, ainsi que pour les organisa‐ tions de Winnipeg qui de‐ vront prendre le relais.
Avec les informations d'Arturo Chang