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Une patiente qui refuse d’être transférée dans un foyer de soins doit payer 400 $ par jour

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Une patiente d’un hôpital a refusé d’être transférée à un foyer de soins de longue durée, ce qui signifie qu’elle doit payer une amende de 400 $ par jour en vertu d’une loi provin‐ ciale controvers­ée.

Il y a quelques semaines, Michele Campeau a dû prendre une décision : dépla‐ cer sa mère de 83 ans d'un lit d'hôpital à un foyer de soins de longue durée ou payer 400 $ par jour pour rester à l’hôpital.

Mme Campeau a donc été visiter le foyer de soins de longue durée qui a été assi‐ gné à sa mère, qui se trouve au centre-ville de Windsor. Ce qu’elle a vu l’a dégoûtée.

Je suis désolée, je ne lais‐ serais pas mon chien là

Michele Campeau, en ré‐ action aux conditions du foyer de soins de longue du‐ rée

Depuis, la mère de Mme Campeau est toujours à l’hô‐ pital de Windsor. La facture continue de gonfler et reste impayée.

Le ministère des Soins de longue durée n'a pas ré‐ pondu aux questions de La Presse canadienne. De leur côté, les partis d'opposition ont tous demandé l'abroga‐ tion de la loi.

Une loi controvers­ée

La

loi, connue sous

le nom de projet de loi 7, a été adoptée par le gouverne‐ ment Ford à l'automne 2022 dans le but de libérer de l'es‐ pace dans les hôpitaux. Elle s'adresse aux patients béné‐ ficiant d'un niveau de soins qui pourraient être dispensés dans un foyer de soins de longue durée. Si les foyers de soins de longue durée choisis par le patient sont tous occu‐ pés, le gouverneme­nt peut forcer le transfert du patient vers un foyer de soins de longue durée qui a des places libres si celui-ci se trouve à moins de 70 kilo‐ mètres de distance, ou jus‐ qu'à 150 kilomètres dans le Nord de l'Ontario. Si le pa‐ tient refuse le transfert, on lui impose une amende de 400 $ par jour afin de rester à l’hôpital.

Le gouverneme­nt a confirmé cette semaine que sept personnes avaient écopé de telles amendes de‐ puis l’entrée en vigueur de la loi. De plus, depuis, près de 300 Ontariens ont été trans‐ férés de l’hôpital à un foyer pour aînés contre leur gré.

Avant l’entrée en vigueur de la loi, celle-ci a été contes‐ tée en cour, en vain.

Dégoûtant

La mère de Mme Cam‐ peau, Ruth Poupard, souffre de démence. Elle s’est fractu‐ rée une hanche le 27 dé‐ cembre. Elle a été transpor‐ tée d’urgence à l’hôpital Hô‐ tel-Dieu Grace Healthcare, où elle a subi une opération chi‐ rurgicale.

Le 21 février, le médecin traitant de Mme Poupard lui a donné son congé.

Nous avons décidé qu'il était temps de la placer en foyer de soins de longue du‐ rée, explique Mme Campeau.

L'hôpital a aidé à remplir les formalités administra­tives et Mme Poupard a choisi cinq foyers de soins de longue durée où elle accepte‐ rait de vivre. Malheureus­e‐ ment tous ces établisse‐ ments étaient complets.

La coordinatr­ice m'a alors appelée et m'a dit : "D'accord, selon le projet de loi 7, je dois ajouter un autre foyer à la liste", raconte Mme Cam‐ peau.

La coordinatr­ice a conti‐ nué à ajouter des foyers jus‐ qu'à ce qu'il y en ait un avec un lit disponible.

Ils m'ont appelée pour me dire qu'ils avaient un foyer pour [ma mère] et m'ont donné 24 heures pour le visi‐ ter et leur donner une ré‐ ponse, explique Mme Cam‐ peau.

Comme il n'y avait pas de réponse lorsqu'elle a appelé, Mme Campeau s'est présen‐ tée au foyer de soins de longue durée du centre-ville.

Le code du clavier de la porte d'entrée était scotché près du clavier, donc elle est entrée. C'était dégoûtant, dit-elle. Selon Mme Campeau, les couloirs étaient encombrés, les chambres étaient sales et il lui a fallu 15 minutes pour trouver un membre du per‐ sonnel.

Je suis donc retournée voir la coordinatr­ice et je lui ai dit : "Je suis désolée, je ne laisserais pas mon chien là", ajoute Mme Campeau.

Effrayée et confuse

C'est alors que l'hôpital lui a dit qu'il lui ferait payer 400 $ par jour si sa mère refusait de partir. On a ensuite remis à sa mère une lettre expli‐ quant la loi.

Étant donné que vous n'avez plus besoin des soins spécialisé­s de cet hôpital et que l'on vous a proposé un plan de sortie et une destina‐ tion sûrs et soutenus, votre fournisseu­r de soins de santé traitant vous donnera votre congé de l'hôpital le 9 mars 2024, y lit-on. À partir du 11 mars 2024, on vous facturera 400 $ pour chaque jour où vous resterez à l'hôpital.

Elle l'a lue et était vrai‐ ment effrayée et confuse, dit Mme Campeau.

Elle ajoute qu'elle n’a pas l’intention de payer la fac‐ ture. J'ai simplement dit : "Es‐ sayez" [de me facturer].

Depuis, selon Mme Cam‐ peau, il n’y a pas eu de com‐ munication­s entre elle et l’hô‐ pital.

Elle se dit frustrée par le fait qu'elle n'a aucun recours puisqu'aucune procédure d'appel n'est prévue par la loi.

De plus, Mme Campeau n'a toujours pas reçu de fac‐ ture. Elle s’attend à en rece‐ voir une gigantesqu­e, dit-elle.

La direction de l’hôpital Hôtel-Dieu Grace Healthcare a déclaré qu'elle ne pouvait pas faire de commentair­es sur des cas particulie­rs afin de protéger la confidenti­alité de ses patients.

Daniel Strauss, un porteparol­e du ministre des Soins de longue durée, Stan Cho, a déclaré que l'objectif ultime était de fournir à chacun les soins dont il a besoin au mo‐ ment où il en a besoin.

Le placement dans un foyer non sélectionn­é est une mesure temporaire jus‐ qu'à ce qu'une place dans un foyer privilégié se libère, a déclaré M. Strauss.

Mme Campeau et sa mère, elles, vivent au jour le jour. Je ne suis pas trop in‐ quiète parce que je ne paie‐ rai pas [l’amende].

L'opposition unanime

En réaction à cette nou‐ velle, les trois partis d'opposi‐ tion ont affirmé que la loi de‐ vrait être abrogée, mais qu'au minimum, le gouverne‐ ment devrait faire preuve de transparen­ce quant à l'im‐ pact de sa loi sur les patients et leurs familles.

Ils devraient être transpa‐ rents quant à l'effet de la loi sur les patients, a déclaré le porte-parole libéral en ma‐ tière de soins de longue du‐ rée, John Fraser. Il devrait y avoir une procédure d'appel. Les gens sont impuissant­s. Ce que fait le gouverneme­nt est mal et il le sait. C'est pourquoi il se cache.

Wayne Gates, porte-pa‐ role du Nouveau Parti démo‐ cratique ontarien au sujet des soins de de longue du‐ rée, a déclaré que si le gou‐ vernement était fier de sa loi, il devrait parler publique‐ ment de son fonctionne‐ ment.

Il devrait dire à tout le monde combien de per‐ sonnes sont mis à l'amende, pourquoi elles le sont, où elles sont, combien sont dé‐ placées à [...] 150 kilomètres,

a-t-il déclaré.

De son côté, le chef du Parti vert, Mike Schreiner, a déclaré qu'il était scandaleux et erroné d'imposer des amendes à des personnes hospitalis­ées.

Allons, l'Ontario, nous va‐ lons mieux que cela, a-t-il dé‐ claré. Le gouverneme­nt, à tout le moins, s'il veut contraindr­e les gens à quitter l'hôpital et/ou leur imposer une amende, doit être hon‐ nête avec la population de l'Ontario en ce qui concerne le nombre de patients tou‐ chés et le montant des

amendes.

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