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La technologi­e canadienne qui a protégé le gratte-ciel Taipei 101 du séisme

- Philippe Leblanc

Une gigantesqu­e boule d’acier peinte en or, de conception canadienne, a permis à la tour Taipei 101, ce gratte-ciel haut de 509 mètres, symbole de Taïwan à l’ère moderne, de résister au séisme de magnitude 7,4 du 3 avril dernier.

Des vidéos de surveillan­ce de Taipei ont montré des édi‐ fices secoués violemment par le tremblemen­t de terre. Pourtant, la tour de 101 étages, qui était la plus haute du monde jusqu’en 2010, a à peine bougé.

Il s’agissait du plus fort séisme à secouer le gratteciel qui surplombe la capitale taïwanaise.

C’est un amortisseu­r har‐ monique (Tuned Mass Dam‐ per ou TMD, en anglais), une boule d’acier de 5,5 mètres de diamètre et pesant 660 tonnes métriques, qui a pré‐ servé la tour de tout dom‐ mage.

La boule agit essentiell­e‐ ment comme un pendule. Il s’agit du plus gros et du plus lourd amortisseu­r harmo‐ nique de la planète.

Cette boule géante a été conçue par l’entreprise cana‐ dienne Motioneeri­ng. Les vi‐ siteurs passant par les 88e et 92e étages de la tour Taipei 101 peuvent la voir.

Dans le cas de Taipei 101, des amortisseu­rs visqueux fluides [semblables aux amortisseu­rs des voitures] relient la structure à la masse qui oscille au bout du pen‐ dule pour amortir davantage les vibrations de la tour, ex‐ plique Michel Bruneau, pro‐ fesseur en génie des struc‐ tures à l’Université de Buf‐ falo.

Lorsque la tour se dé‐ place, par exemple, vers la gauche, le pendule, lui, réagit en voulant se déplacer vers la droite. Donc, comme il os‐ cille naturellem­ent en oppo‐ sition de phase, il agit contre le mouvement de la tour.

Michel Bruneau, profes‐ seur en génie des structures à l'Université de Buffalo

[Le pendule] ne peut pas empêcher le mouvement de la tour, mais il en atténue l’amplitude. Dans le cas de Taipei 101, avec la masse du pendule de 660 tonnes, les oscillatio­ns de la tour peuvent être atténuées de 30 à 40 %, précise M. Bruneau, auteur du livre The Blessings of Disaster.

La plupart des gratte-ciel de la planète, dont la Tour CN à Toronto et le One Wall Centre à Vancouver, dis‐ posent de ces amortisseu­rs harmonique­s, mais il est rare que les visiteurs et les tou‐ ristes puissent les voir, comme c’est le cas de la tour Taipei 101.

Le gratte-ciel embléma‐ tique de Taipei a été construit entre 1999 et 2004. Comme l’île de Taïwan est située dans une zone sismique et propice aux typhons, la conception d’un amortisseu­r harmo‐ nique était essentiell­e.

L’entreprise taïwanaise Evergreen Consulting Engi‐ neering, qui a confié la conception de la boule d’acier à une entreprise cana‐ dienne, a piloté l’élaboratio­n des plans et la constructi­on de l’édifice, en tenant compte de la période de retour, c’està-dire la fréquence à laquelle un événement d’une même intensité se reproduit. Ce terme est utilisé en ingénie‐ rie pour caractéris­er les risques de désastre naturel.

Le président d’Evergreen Consulting Engineerin­g,

Chang Ching-Chang, affirme que la résistance aux ty‐ phons était la priorité dans la conception, puisque les charges imposées par la force des vents sont nette‐ ment supérieure­s à celles d’un séisme.

Notre objectif initial pour l'amortisseu­r était de réduire les accélérati­ons induites par le vent. Pour les typhons, nous utilisons essentiell­e‐ ment la vitesse du vent sur une période de retour de 100 ans pour la conception élas‐ tique de base. Ainsi, pour la ville de Taipei, la vitesse no‐ minale du vent pour un tel intervalle est d'environ 150 km/h pendant 10 minutes consécutiv­es, explique M. Chang.

Ce dernier se trouvait dans sa voiture, en route vers le travail, lorsque le séisme a secoué Taïwan le 3 avril der‐ nier. Froidement, il précise qu’il a immédiatem­ent pensé à confirmer que son édifice, la tour Taipei 101, avait ré‐ sisté.

Le résultat final de l’édifice doit être capable de résister aux typhons et aux tremble‐ ments de terre prévus dans les plans. Après le tremble‐ ment de terre, nous avons fait une évaluation, dit Chang Ching-Chang. L'intensité de ce séisme était en fait encore assez éloignée de la norme élastique que nous avions initialeme­nt conçue. Nous pensions donc qu'il n'y aurait pas beaucoup de problèmes avec la sécurité structurel­le du bâtiment. En contactant le gestionnai­re du bâtiment, nous avons su qu’il n’avait pas été grandement affecté.

Le gratte-ciel Taipei 101 avait également résisté au supertypho­n Dujuan, en sep‐ tembre 2015.

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