Garde de la N.-É. : nettoyer les dégâts plutôt que de les prévenir ?
À l’avenir, lorsque la Nou‐ velle-Écosse sera frappée par une tempête majeure, des inondations ou des feux de forêt, la province compte faire appel à un corps bénévole d’interven‐ tion pour l’aider à se rele‐ ver.
Le premier ministre Tim Houston sollicite ses conci‐ toyens qui ont des compé‐ tences utiles ou de l’équipe‐ ment à mettre à la disposi‐ tion des autorités en cas de catastrophe naturelle.
Il les invite à rejoindre sa nouvelle Garde de la Nou‐ velle-Écosse.
Les Néo-Écossais veulent s’entraider. Nous le savons. Nous le voyons à chaque oc‐ casion [...] et c’est cet esprit que nous tentons de mobili‐ ser, explique Tim Houston. Nous savons que le climat change et qu’il y aura d’autres [situations d’ur‐ gence].
L’organisation relèvera d’un nouveau ministère de la Gestion des urgences. d’appuyer le travail des pre‐ miers intervenants pendant ou après des situations d'ur‐ gence. Un bassin de béné‐ voles sur lequel la province pourrait compter en tout temps pour préparer des re‐ pas pour des sinistrés, déga‐ ger des trottoirs ou émonder des arbres endommagés par des tempêtes.
Plus d’un millier de NéoÉcossais auraient déjà levé la main pour joindre les rangs de la nouvelle organisation, selon le premier ministre.
Une annonce qui sou‐ lève des questions
L’annonce du gouverne‐ ment conservateur à Halifax semble toutefois précipitée aux yeux de ses détracteurs. L’opposition néo-démocrate l’accuse même d’avoir sorti un lapin de son chapeau dans l’espoir de détourner l’attention de certains débats à l’Assemblée législative.
Des organisations clés, comme la Croix-Rouge et les 23 équipes de recherche et de sauvetage de la NouvelleÉcosse, n’ont jamais été son‐ dées en amont. D’ailleurs, l’effet d’une « claque au vi‐ sage ». Elles auraient préféré que la province bonifie leur financement au lieu de créer de toutes pièces une organi‐ sation parallèle dont ils ne voient aucunement l’utilité.
Il y a aussi beaucoup de questions pratiques qui de‐ meurent sans réponse.
Comment les bénévoles de la Garde de la NouvelleÉcosse seront-ils encadrés? Quelle sera leur chaîne de commandement? Comment les compétences qu’ils veulent mettre de l’avant se‐ ront-elles évaluées? On n’en sait rien. Qu’arrivera-t-il si un bénévole se blesse ou blesse accidentellement quelqu’un d'autre pendant une inter‐ vention? Qui en sera tenu responsable? Là encore, on nage en plein flou.
Message contradictoire
Mais ce qui détonne le plus dans l’annonce de cette nouvelle Garde de la Nou‐ velle-Écosse, c’est le message apparemment contradictoire qu'envoie le gouvernement provincial sur les questions environnementales. augmentent la fréquence et la violence des catastrophes naturelles. Dans son esprit, il ne fait aucun doute qu’il y aura, plus tôt que tard, d’autres tempêtes d’une force égale ou supérieure à Fiona. D’autres inondations potentiellement mortelles. D’autres incendies qui dé‐ truisent des centaines de bâ‐ timents.
C’est pour réagir à des événements comme ceux-là que le premier ministre sent le besoin de faire appel à l’es‐ prit d’entraide des Néo-Écos‐ sais.
Mais d’autre part, le gou‐ vernement conservateur vient de passer à la déchi‐ queteuse une loi adoptée à l’unanimité par l’Assemblée législative en 2019 pour pro‐ téger le littoral. Il a refilé cette responsabilité aux mu‐ nicipalités et aux proprié‐ taires côtiers.
Pourquoi? Parce que le ministre de l'Environnement, Tim Halman, a interprété la faible participation à un ré‐ cent sondage sur la question comme un manque d’intérêt coins de la province, et même de son homologue fé‐ déral.
Tim Houston a aussi passé les dernières semaines à s’opposer vigoureusement à la taxe fédérale sur le car‐ bone. Il soutient que le plan de la Nouvelle-Écosse pour combattre les changements climatiques est encore meilleur que celui d’Ottawa. Ce plan rassemble quatre do‐ cuments déjà publiés, dont le petit fascicule d’information de 12 pages qui a remplacé la défunte Loi sur la protec‐ tion du littoral.
L’initiative n’a cependant pas remué l’opinion pu‐ blique. Les partis d'opposi‐ tion à Halifax n’y accordent aucune crédibilité et s’at‐ tendent à ce que Justin Tru‐ deau en fasse autant.
La Nouvelle-Écosse a éga‐ lement du mal à atteindre ses objectifs en matière d'énergies renouvelables. La province se donne jusqu’en 2030 pour verdir 80 % de sa production d’électricité.
Son plan repose en partie sur l’aménagement de parcs éoliens extracôtiers. Or, se‐ lon une récente étude com‐ mandée par Ottawa, il fau‐ drait encore 7 à 10 ans de re‐ cherches sur la pêche et les écosystèmes marins avant d’autoriser de tels développe‐ ments.
En attendant, ce sont les centrales au mazout et au charbon qui continuent d’ali‐ menter plus de la moitié du réseau électrique.
Avec ses 13 000 kilo‐ mètres de côtes, sculptées par les plus hautes marées au monde, en plein dans la trajectoire des ouragans, la Nouvelle-Écosse se trouve en première ligne des change‐ ments climatiques.
Elle en ressent déjà les ef‐ fets.
Avec sa nouvelle Garde de la Nouvelle-Écosse, le gou‐ vernement de Tim Houston veut montrer qu’il est prêt à faire face aux catastrophes naturelles. Mais ce qu’in‐ dique son bilan législatif des derniers mois, c’est qu’il s’at‐ tarde davantage à nettoyer les dégâts qu’à essayer de les prévenir ou de les atténuer.