UNI Coopération financière : dans les coulisses d’une transition chaotique
Comment la transition technologique de l’été 2023 chez UNI Coopération fi‐ nancière a-t-elle pu être si chaotique? Des documents déposés en cour récem‐ ment apportent des pistes de réponse.
UNI a pris ses distances du Mouvement Desjardins au début juillet. Nouvelles cartes de guichet, nouvelle plate‐ forme en ligne; les change‐ ments étaient majeurs.
Très rapidement, des pro‐ blèmes sont survenus et la grogne est montée. L’institu‐ tion a été profondément ébranlée et a fini par virer son PDG, Robert Moreau.
La tempête s’est calmée depuis, mais de nombreuses questions demeurent. Des documents déposés dans le cadre de la poursuite civile intentée par Robert Moreau contre son ancien employeur nous aident à comprendre ce qui s’est vraiment passé en coulisses.
Deux ternes l’alarme partenaires ex‐ auraient sonné
L’une des révélations que l’on retrouve dans ces docu‐ ments, c’est que des dra‐ peaux rouges ont été levés au cours des semaines qui ont précédé la transition. C’est du moins ce qu’allègue UNI Coopération financière.
Selon elle, la firme Ernst & Young - qui collaborait à la planification de la transition à titre de collaboratrice ex‐ terne - a sonné l’alarme le 8 juin 2023, un mois avant le lancement de la plateforme.
UNI allègue que Robert Moreau a reçu un courriel soulignant l’existence de nombreuses défectuosités et problématiques avec la plate‐ forme. La firme l'aurait mis en garde que des interrup‐ tions et des pannes étaient à prévoir si le lancement n’était pas retardé.
Selon UNI, Robert Moreau a dit au conseil d’administra‐ tion et à ses collègues que les avertissements d’Ernst & Young devaient être ignorés et qu’UNI devait couper ses liens avec la firme.
Des employés d’UNI au‐ raient par la suite émis des réserves quant à la nouvelle plateforme et accordé du mérite aux mises en garde d’Ernst & Young. UNI allègue que Robert Moreau n’a pas transmis ces commentaires à son conseil d’administration.
Le 6 juillet 2023 - quatre jours avant le lancement de la nouvelle plateforme, alors que l'activation des nouvelles cartes de guichet était en cours - la firme Deloitte au‐ rait elle aussi sonné l'alarme. Elle aurait mis en lumière de nombreuses lacunes, défec‐ tuosités et risques et dressé un portrait sombre de l'état du lancement.
Selon UNI, ce rapport et son contenu ont été minimi‐ sés et écartés par Robert Mo‐ reau.
À qui la faute?
Robert Moreau et UNI Co‐ opération sont engagés dans une lutte juridique à finir. Sans surprise, ils ne s’en‐ tendent pas du tout sur les causes de la crise.
D’après ce qu’allègue Ro‐ bert Moreau, plusieurs per‐ sonnes - à l’interne et à l’ex‐ terne - ont été impliquées dans la planification et la mise en oeuvre de la transi‐ tion.
L’ex-PDG accuse UNI d’avoir tenté de lui faire por‐ ter le blâme pour les pro‐ blèmes.
Il dit avoir fait preuve de franchise, d’honnêteté et de bonne foi dans ses interac‐ tions avec le conseil d’admi‐ nistration. Il note que le conseil avait donné le feu vert au lancement de la pla‐ teforme.
UNI Coopération finan‐ cière a une tout autre version des faits. L’institution l’accuse d’avoir sciemment privé le conseil d'administration d’in‐ formations clés sur les la‐ cunes de la nouvelle plate‐ forme.
Elle allègue que c’est Ro‐ bert Moreau qui était respon‐ sable de présenter au conseil d’administration les rapports du comité de pilotage de la transition.
Elle affirme aussi qu’après son arrivée au poste de PDG, en 2015, il a cessé d’inviter les vice-présidents d’UNI aux réunions du conseil d'admi‐ nistration. Il aurait aussi cen‐ tralisé la transmission de l’in‐ formation dans ses propres rapports au conseil.
Ainsi, le demandeur (Ro‐ bert Moreau) s’est instauré essentiellement comme l’unique canal de communi‐ cation entre l’équipe de direc‐ tion et le conseil d'adminis‐ tration.
Extrait de l'exposé de la défense d'UNI Coopération financière
Des problèmes techno‐ logiques montrés du doigt
Le 6 juillet, les membres d’UNI Coopération financière ont dû cesser d’utiliser leur ancienne carte de guichet et ont dû activer leur nouvelle carte. Le 10 juillet, la nouvelle plateforme en ligne d’UNI a été lancée.
La transition a été particu‐ lièrement difficile. Des membres n’ont pas pu se connecter à leur compte. D’autres ne pouvaient pas faire de transferts bancaires. Certains ont reçu leur paie en retard.
Dans les documents dé‐ posés en cour, on apprend entre autres qu’UNI n’avait pas avisé les autres institu‐ tions financières que certains chiffres dans les numéros de comptes bancaires allaient changer. C’est ce qui a en‐ traîné l'arrivée tardive des paies dans les comptes des membres.
De plus, les systèmes in‐ formatiques utilisés par UNI n’étaient pas à la hauteur. L’infrastructure informatique n’était tout simplement pas assez puissante pour traiter les transactions effectuées par les membres.
Robert Moreau affirme qu’il a été avisé de ce pro‐ blème après le lancement de la plateforme. UNI l’accuse de ne pas s’être assuré que les vérifications requises soient faites avant la transition.
Un voyage à Vancouver en pleine crise
Dans son avis de pour‐ suite, Robert Moreau affirme qu’il a mis les bouchées doubles avant et pendant la transition.
Il allègue qu’il travaillait sept jours sur sept dans le but de pallier aux difficultés éprouvées par les membres et par le personnel d’UNI.
Robert Moreau lance en‐ suite une pointe au président du conseil d’administration de l’institution, Pierre-Marcel Desjardins.