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Première clinique de santé familiale pour les Autochtone­s à Montréal

- Myriam Boulianne

Montréal Autochtone a inauguré vendredi matin la première clinique de santé familiale culturelle­ment sécurisant­e de la région métropolit­aine. La clinique, qui suit une approche ho‐ listique, a pour but d'amé‐ liorer l'accès à des services de première ligne pour la population autochtone ur‐ baine de Montréal. « Un pas dans la bonne direction » en matière de sécurisa‐ tion culturelle, s'est enor‐ gueilli le ministre de la Santé, Christian Dubé, pré‐ sent à l'événement.

Dans cette clinique, vous pouvez voir tous les mar‐ queurs de notre identité, lance Philippe Tsaronsere Meilleur, le directeur général de Montréal Autochtone, alors qu'il nous fait visiter les lieux.

De nombreuses toiles d’artistes autochtone­s ta‐ pissent les murs, une pagaie est accrochée dans le couloir, un petit tipi est installé à côté du secrétaria­t, une affiche prônant le principe de Jordan est également mise en évi‐ dence. Le magazine Atikuss et les livres jeunesse Nitshi‐ mut et Notable Native People sont quant à eux disposés dans la salle d'attente.

Mais la pièce de résis‐ tance, c'est la salle culturelle, ou la salle des gardiens du savoir, dont les quatre murs sont recouverts de bois de cèdre. L’installati­on d’un sys‐ tème de ventilatio­n adapté permettra d'ailleurs la pra‐ tique de techniques de guéri‐ son, de cérémonies et de danses traditionn­elles qui im‐ plique le brûlage de certaines plantes.

L'adaptation de la clinique aux réalités culturelle­s des Autochtone­s pourrait ainsi vaincre la réticence de cer‐ tains d'entre eux à se présen‐ ter à un centre de santé, croit M. Meilleur, qui donne l'exemple d'une aînée qui ne recevait pas de soins depuis des décennies.

Elle hésitait même à en‐ trer dans la salle d'examen, donc on a plutôt fait les pre‐ mières consultati­ons dans cette salle [culturelle] avec l'omnipratic­ienne présente. Par la suite, la patiente s'est sentie de plus en plus à l'aise pour faire une démarche mé‐ dicale complète, raconte-t-il.

Pendant trop longtemps, les besoins de notre commu‐ nauté ont été ignorés. Il y a eu des enjeux d'accès au sys‐ tème de santé et des expé‐ riences de discrimina­tion et de racisme. [...] Ces trauma‐ tismes intergénér­ationnels ont créé de la méfiance, et cela a fait que les Autoch‐ tones évitent les structures de soins [de l'État], explique le responsabl­e né d'une mère mohawk et d'un père québécois.

100 personnes déjà ins‐ crites

En octobre dernier, la cli‐ nique avait discrèteme­nt ou‐ vert ses portes dans les lo‐ caux de Montréal autochtone situé dans l'arrondisse­ment Côte-des-Neiges-NotreDame-de-Grâce. Mais le bouche-à-oreille a rapide‐ ment fait effet.

Depuis, 100 personnes se sont inscrites à la clinique. Présenteme­nt, un omniprati‐ cien y travaille à temps par‐ tiel, ainsi que deux infir‐ mières et plusieurs interve‐ nants psychosoci­aux afin d'assurer des suivis réguliers. D'autres omnipratic­iens ont démontré un intérêt à venir travailler à la clinique, sou‐ tient M. Meilleur.

Les profession­nels de la santé qui y travaillen­t ne sont pas autochtone­s, mais ils sont formés aux réalités et besoins des communauté­s. C'est difficile de recruter des médecins ou des infirmière­s autochtone­s, reconnaît M. Meilleur. Mais le partenaria­t avec la Clinique universita­ire de médecine familiale de Verdun devrait faciliter le re‐ crutement de futurs méde‐ cins issus des communauté­s, assure-t-il.

Il s’agit de la première cli‐ nique du genre à ouvrir ses portes dans la région de Montréal, mais de la hui‐ tième dans la province. La première a été inaugurée à Val-d’Or en 2008.

Réalités urbaines

La population autochtone urbaine de Montréal est en croissance. Plus de 35 000 Autochtone­s sont établis dans la région métropoli‐ taine, dont 13 000 sur l'île.

La clinique prend tout son sens, a déclaré le ministre responsabl­e des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière, en conférence de presse. J'avais déjà dit qu’il y avait un déficit de connaissan­ces [entre Al‐ lochtones et Autochtone­s], c'est encore vrai, mais avec l'ouverture de cette nouvelle clinique, on le rétrécit tran‐ quillement, ajoute-t-il.

Ça prend des services culturelle­ment adaptés. [...] Il faut faire en sorte que le sys‐ tème réponde aux besoins des Autochtone­s et non pas que ces derniers répondent aux besoins du système.

Ian Lafrenière, ministre responsabl­e des Relations avec les Premières Nations et les Inuit

Trois autres projets de cli‐ niques de santé destinées aux Autochtone­s sont d'ailleurs en développem­ent dans les centres d'amitié de Sept-Îles, de Senneterre et de Chibougama­u.

Pour Tanya Sirois, la direc‐ trice générale du Regroupe‐ ment des centres d’amitié au‐ tochtones du Québec, l'objec‐ tif serait d'avoir une clinique dans chacun des centres d'amitié présents dans 14 villes de la province.

Une des particular­ités de Montréal, c'est une ville mul‐ tinations contrairem­ent à d'autres villes, reconnaît-elle. Cependant, les centres d'ami‐ tié sont multinatio­ns. Ça n'a jamais été une probléma‐ tique pour nous.

Les personnes autoch‐ tones de la région de Mon‐ tréal sont principale­ment is‐ sues des nations cries, in‐ nues, mohawk, mik’maw, in‐ uit, atikamekw, w8banaki et anishnabeg.

Au moment de prodiguer des soins, la langue par exemple peut être différente d'une nation à une autre, mais le fait de mettre en place les valeurs communes des Premières Nations, c'est un énorme pas, poursuit Mme Sirois.

La finalité, c'est d'accueillir le plus de population­s au‐ tochtones dans nos locaux et dans des espaces culturelle‐ ment sécurisant­s, tout en of‐ frant des soins qui soient ho‐ listiques, conclut-elle.

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