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René Arseneault, ce député libéral qui ne veut pas prêter serment au roi

- Rosanna Tiranti

Le député libéral René Ar‐ seneault n’a pas réussi à faire tourner la page du serment au roi dans le livre de la Chambre des com‐ munes, mais il refuse de s’avouer vaincu.

Dans les années 1990, le fier Acadien avait réussi un tour de force : être admis au barreau de sa province sans prêter serment à la reine Éli‐ sabeth II. Sa tentative d’impo‐ ser le même changement à la Chambre des communes a échoué.

Symbole d’humiliatio­n et douloureux rappel de la dé‐ portation des Acadiens entre 1755 et 1764, le serment au souverain est un peu le che‐ val de bataille du député libé‐ ral Arseneault.

Cela me fait mal au plus profond de moi de devoir prêter un serment d'allé‐ geance à un monarque dans un autre pays pour travailler dans l'intérêt supérieur de mon pays, lance le député de Madawaska-Restigouch­e en entrevue à l’émission Les coulisses du pouvoir.

René Arseneault avait beau s’être préparé à tous les scénarios, il ne cache pas sa déception.

Au-delà de son combat personnel contre un serment humiliant, sa propositio­n était, dit-il, une manière élé‐ gante et inclusive pour le gouverneme­nt fédéral de s’adapter aux réalités d’un Parlement où siègent des dé‐ putés issus de toutes les ori‐ gines.

Le projet de loi de M. Ar‐ seneault aurait donné le choix aux élus fédéraux de prononcer le serment d’allé‐ geance au souverain ou de prêter serment au nom de l'intérêt supérieur du Canada et dans le respect de sa Constituti­on.

Il affirme que des députés - même ouvertemen­t monar‐ chistes - ont appuyé sa dé‐ marche, parce qu’ils ont com‐ pris que le but du projet de loi n’était pas de se débarras‐ ser du serment au roi, mais plutôt d’offrir un choix aux élus.

Mais le matin du vote, les espoirs de René Arseneault sont fortement refroidis.

Le leader du gouverne‐ ment en Chambre, Steven

MacKinnon, annonce que le gouverneme­nt n'appuiera pas le projet de loi. Nous esti‐ mons, dit-il, que ce n’est pas le temps de proposer des modificati­ons constituti­on‐ nelles au Canada.

Si les ministres se pro‐ noncent donc contre le projet C-347, le vote est libre pour le reste du caucus libéral. Mais la décision du gouver‐ nement envoie tout de même un message.

Le projet de loi de René Arsenault est finalement dé‐ fait, 197 votes contre 113.

Au Québec, où le Parti québécois a mené avec suc‐ cès une démarche semblable après la dernière élection, la déception est vive. On a laissé penser aux gens qu’il y aurait un vote libre, mais pas au sein du cabinet, lance le député péquiste des Îles-dela-Madeleine, Joël Arseneau.

C’est lamentable [...] que le gouverneme­nt Trudeau ait manqué un rendez-vous avec l’Histoire comme celui-là, pour faire un pas vers la ré‐ conciliati­on avec les Acadiens de tout le pays. C’est absolu‐ ment décevant, ajoute-t-il.

La Constituti­on cana‐ dienne comme prétexte?

L’argument constituti­on‐ nel brandi par le leader du gouverneme­nt ne convainc pas René Arseneault, tout comme l’argument selon le‐ quel le serment au roi ne fait pas partie des priorités des Canadiens, comme l’ont af‐ firmé plusieurs membres du gouverneme­nt Trudeau.

Quand on [ne] veut pas faire quelque chose, il n’y a jamais de bon ni de mauvais moment.

René Arseneault, député libéral de Madawaska-Resti‐ gouche

Le député acadien ajoute que s’il avait été adopté en seconde lecture, son projet de loi aurait pris le chemin du comité de la Justice où les témoignage­s d’experts et de juristes auraient permis de dissiper certains préjugés concernant sa propositio­n.

L’argument constituti­on‐ nel ne convainc pas non plus le constituti­onnaliste Patrick Taillon.

Il estime plutôt que le gouverneme­nt libéral ressent un malaise avec le fond du projet de loi. L’argument juri‐ dique permet plutôt au gou‐ vernement d’éviter le fond de la question, l'objection de conscience d'un député aca‐ dien qui porte la mémoire de la Déportatio­n.

Il faudra donc encore at‐ tendre pour qu’Ottawa suive l’exemple de l’Assemblée na‐ tionale du Québec, où le Parti québécois a réussi à convaincre les députés de tous les partis d’abolir le ser‐ ment au roi.

René Arsenault ignore quelle sera la suite à Ottawa. Il pense qu’un gouverneme­nt majoritair­e aurait plus de chance de faire adopter une telle mesure et surtout, il re‐ fuse de s’avouer vaincu.

Ce n’est que partie remise, dit-il. La graine est plantée.

L'émission Les coulisses du pouvoir est à voir di‐ manche dès 11 h (HAE) sur ICI Télé et ICI RDI ou en rat‐ trapage sur le site Internet de l'émission et sur ICI TOU.TV.

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