Relations France-Québec : une « révolution verte »... et francophone?
Le renforcement de la fran‐ cophonie économique est un sujet cher à Roland Les‐ cure, ministre délégué chargé de l’Industrie et de l’Énergie en France, qui a accompagné le premier mi‐ nistre français Gabriel At‐ tal tout au long de son ré‐ cent séjour au Canada. Se‐ lon lui, il y a des moyens ef‐ ficaces et des occasions à saisir pour permettre aux gens d’affaires franco‐ phones de continuer de travailler dans leur langue.
Dans la déclaration com‐ mune signée par M. Attal et François Legault vendredi, les deux premiers ministres se sont notamment engagés à consolider la langue fran‐ çaise comme langue des af‐ faires.
Mais concrètement, com‐ ment est-ce possible d’y arri‐ ver ? Le ministre Lescure, qui a été vice-président de la Caisse de dépôt et placement du Québec de 2009 à 2017, s’est prononcé sans hésiter sur cette question en entre‐ vue à l’émission Les faits d’abord, sur ICI Première.
D’abord, en créant du ré‐ seau, a-t-il lancé. Il y a de grandes entreprises fran‐ çaises présentes ici, comme Airbus et Alstom, et de grandes entreprises québé‐ coises en France, comme Bo‐ ralex, Sinergex et CGI. [...] CGI est une entreprise mondiale dont 25 % des collaborateurs parlent français. Airbus, pa‐ reil. Donc il faut créer du ré‐ seautage, un réseau entre ces entreprises qui ont voca‐ tion à travailler ensemble.
En tant que ministre de l’Industrie et de l’Énergie, M. Lescure voit dans la transi‐ tion énergétique une occa‐ sion en or de renforcer le français dans la langue des affaires et d'accroître les échanges commerciaux entre le Québec et la France comme le prévoit aussi la dé‐ claration commune.
On en a beaucoup parlé avec Pierre Fitzgibbon, qui est un peu mon alter ego. On a une révolution verte, une révolution industrielle, qui est une grande révolution à laquelle on doit travailler en‐ semble.
Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie et de l’Énergie en France
On a l’occasion de décar‐ boner l’industrie tradition‐ nelle, les aciéries, les alumi‐ neries et de développer la nouvelle industrie : les éo‐ liennes, l’hydrogène, le so‐ laire et le nucléaire, auquel la France est très attachée. Dans tous ces secteurs, il y a moyen de collaborer, de co‐ opérer avec le Québec et le Canada. On a les moyens d'accélérer, a renchéri M. Lescure.
Un accord qui rapporte
À l’instar du premier mi‐ nistre Attal, Roland Lescure s’est voulu rassurant concer‐ nant le CETA, traité de libreéchange entre l'Union euro‐ péenne et le Canada, dont Paris menace d'enrayer le processus de ratification. De
l'avis du ministre, l’accord a trop à offrir pour que le Sé‐ nat français, qui a voté contre en mars dernier, ne change pas de position.
Depuis son entrée en vi‐ gueur provisoire en 2017, l'accord a permis une hausse de 50 % des exportations françaises au Québec et de 28 % des importations qué‐ bécoises en France.
Le Québec est une porte d’entrée magnifique pour les entreprises françaises en Amérique du Nord, et la France est une porte d'entrée magnifique pour les entre‐ prises québécoises en Eu‐ rope, a-t-il dit. Il faut élargir l’horizon, pour que ce ne soit pas juste des affaires entre le Québec et la France, mais entre l’Amérique et l’Europe qui passent par le Québec et la France.
M. Lescure estime qu’il est aussi très important d’être conscient des risques de la capacité des nouvelles tech‐ nologies à effacer des langues.
L’intelligence artificielle, si on n’y fait pas attention, elle va vite ne parler qu’anglais, estime-t-il. La langue, ça se défend et c’est une belle le‐ çon que les Québécois nous ont donnée [...] On est en train de retrouver ça en France face à la vague impo‐ sante de l’intelligence artifi‐ cielle qui risque de s’imposer à nous. On va se défendre ensemble.
nement (PNUE), la tendance peut encore être renversée, à condition que les pays et les entreprises entreprennent sans plus tarder un virage majeur. Dans un rapport de 2023, le PNUE avance que 80 % de cette pollution pourrait ainsi être réduite d'ici 2040.
C'est sur la forme que doit prendre ce virage majeur que les pays n'ont pas encore su trouver de consensus. Deux camps se livrent un bras de fer qui a compromis l'avan‐ cée des pourparlers depuis Nairobi.
D'un côté, une coalition de 65 pays, menée par la Norvège et le Rwanda, plaide pour l'instauration d'un traité contraignant permettant de réduire la pollution plastique d'ici 2040 en limitant de fa‐ çon durable la consomma‐ tion et la production de ces produits.
Ils misent notamment sur l'élimination des plastiques problématiques à l'aide d'in‐ terdictions et de restrictions ainsi que le suivi serré et transparent des étapes du cycle de vie des matières plastiques.
D'un autre côté, leur vo‐ lonté de réduire la produc‐ tion se heurte aux intérêts de pays qui dépendent de la production pétrolière et pé‐ trochimique, comme l'Iran, l'Arabie saoudite, la Russie et la Chine. À leurs yeux, l'ac‐ cord mondial devrait surtout promouvoir de meilleures pratiques de recyclage et la réutilisation des plastiques.
Au lieu d'un instrument contraignant, ces pays veulent un traité qui s'ap‐ puierait sur des actions au ni‐ veau national; des gestes plu‐ tôt volontaires, analyse Karen Wirsig, responsable de cam‐ pagne pour le plastique chez Environmental Defence, qui a assisté à la ronde de négocia‐ tions au Kenya.
Arrivés à Nairobi avec une proposition d'ébauche claire, les pays ont quitté l'Afrique avec un texte affaibli par une série de propositions qui di‐ lueraient la portée du traité, selon Mme Wirsig. Ces mêmes pays ont aussi blo‐ qué le travail qui devait d'or‐ dinaire se poursuivre entre Nairobi et Ottawa.
Sans avoir pris formelle‐ ment parti, les États-Unis, plus grand producteur de pé‐ trole du monde, n'ont quant à eux pas joué un rôle très proactif dans les pourparlers jusqu'à présent, note-t-elle.
À quoi s'attendre de ce traité international?
Les pays seront-ils obligés de réduire la production de plastique à la source? C'est la grande question qui risque de diviser les États à Ottawa.
Le grand défi, le plus im‐ portant, sera de garder cette question de réduction de la production sur la table.
Karen Wirsig, responsable de campagne pour le plas‐ tique chez Environmental De‐ fence
Sarah-Jeanne Royer, qui travaille au sein de l'organisa‐ tion The Ocean Cleanup à ra‐ masser les déchets plas‐ tiques sur les plages d'Hawaï, ne voit pas d'autre solution. Faire autrement reviendrait à vider inlassablement l'eau du bain alors que le robinet continue de se déverser en un flot ininterrompu, illustret-elle.
C'est la voie préconisée par les groupes de défense de l'environnement, qui sou‐ haitent que le traité com‐ prenne des engagements, noir sur blanc, pour contraindre les États et les in‐ dustries à réduire la produc‐ tion. Karen Wirsig insiste : ces mesures doivent s'accompa‐ gner de cibles chiffrées et d'échéanciers clairs.
Des organisations, dont Greenpeace, ont appelé à ré‐ duire au moins 75 % de la production de plastiques d'ici 2040 afin de s'assurer de maintenir la hausse du ré‐ chauffement sous 1,5 °C par rapport à l'ère préindus‐ trielle, comme le veut l'Ac‐ cord de Paris.
Bien que les pays soient nombreux à vouloir amélio‐ rer le taux de recyclage des matières, cette solution ne saurait, à elle seule, endiguer la pollution plastique, selon Karen Wirsig, qui y voit une fausse piste.
Défendue par l'industrie lors de grandes rencontres internationales, cette idée s'avère plutôt une porte de sortie pour lui permettre de continuer de produire tout en rejetant la responsabilité sur les consommateurs et les municipalités, d'après Mme Wirsig.
Il est en outre attendu que le traité soit assorti d'une liste de produits chi‐ miques et de polymères dont l'usage sera restreint, voire banni.
Bien que des interdictions ou des taxes soient imposées sur des plastiques à usage unique dans plus de 120 pays, elles n'ont pas permis, jusqu'à présent, de réduire la pollution puisqu'elles ne re‐ présentent qu'une petite par‐ tie des déchets, selon l'OCDE.
Quelle position est dé‐ fendue par le Canada?
À l'instar de la Norvège, le Canada, quatrième plus grand producteur de pétrole au monde, a été l'un des champions de la coalition des pays réclamant un haut niveau d'ambition, a pu ob‐ server Karen Wirsig lors du dernier tour de négociations.
Le ministre fédéral de l'Environnement et du Chan‐ gement climatique, Steven Guilbeault, ne s'est pas op‐ posé à l'instauration de me‐ sures pour limiter la produc‐ tion de plastique. Il ne s'est toutefois pas prononcé offi‐ ciellement en faveur de dis‐ positions juridiquement contraignantes pour y arri‐ ver.
Selon un rapport d'Envi‐ ronmental Defence, le Ca‐ nada n'est pas en voie d'at‐ teindre son objectif zéro dé‐ chet de plastique à l'horizon 2030.
Le pays produit 2,9 mil‐ lions de tonnes de déchets plastiques par an. Mais plu‐ tôt que d'acheminer les plas‐ tiques dans ses propres dé‐ charges, le Canada exporte ses déchets plastiques à l'ex‐ térieur du pays et prétend ainsi qu'ils sont bien traités et recyclés, fait remarquer Karen Wirsig.
Pris dans une querelle avec les Philippines en 2019, le pays avait dû rapatrier des dizaines de conteneurs de déchets plastiques. Il avait par la suite modifié sa régle‐ mentation pour mieux contrôler l'exportation de dé‐ chets.
Il s'est toutefois fait prendre, quelques années plus tard, à contrevenir à la Convention de Bâle, en vertu de laquelle il est tenu d'en‐ voyer ses déchets seulement aux États membres. Or, sur les 183 000 tonnes de dé‐ chets plastiques exportés en 2022, 90 % avaient pris le chemin des États-Unis, l'un des rares pays à ne pas faire partie de la Convention.
Le Canada mise pour l'ins‐ tant sur des mesures qui éli‐ minent certains produits dangereux et sur des incita‐ tifs au réemploi pour dimi‐ nuer la demande pour les plastiques à usage unique, souligne Mme Wirsig.
Il continue néanmoins d'accorder des subventions à l'industrie. Le géant de l'agro‐ chimique Dow Chemicals, qui investit des milliards de dol‐ lars pour tripler la capacité de production de son usine d’éthylène et de polyéthylène en Alberta, bénéficie de l'aide du fédéral. Ottawa a an‐ noncé en novembre 2023 qu'elle lui accordait 400 mil‐ lions de dollars en crédits d’impôt pour développer des technologies de captage et de stockage de carbone.
Le même mois, la Cour fé‐ dérale a invalidé la réglemen‐ tation fédérale qui interdisait les articles en plastique à usage unique - une décision qu'Ottawa porte en appel.