Cinq questions pour comprendre les négociations sur la pollution plastique
Après s'être quittés sans avoir trouvé de terrain d'entente à Nairobi, au Ke‐ nya, les délégués de 175 pays se rassembleront à Ottawa, du 23 au 29 avril, pour l'avant-dernière ronde de négociations d'un traité international sur la pollution par le plastique. Faut-il bonifier les mé‐ thodes de recyclage ou ré‐ duire la production à la source? Les États ne sont pas du même avis. Pourquoi s'attaquer à la pollution plastique?
Au même titre que les changements climatiques et l'effondrement de la biodi‐ versité, la pollution générali‐ sée arrive en tête de liste des crises mondiales qui préoc‐ cupent les pays membres des Nations unies.
La production de plas‐ tiques ne fait qu'augmenter et la majeure partie de ceuxci sont mal gérés ou finissent aux ordures. Sur les 9,2 mil‐ liards de tonnes de plas‐ tiques qui ont été produits entre 1950 et 2017, 7 mil‐ liards sont devenus des dé‐ chets dispersés d'un bout à l'autre de la planète.
Comme ils ne se dé‐ gradent pas naturellement dans l'environnement sans poser de risque, leur frag‐ mentation s'échelonne sur des dizaines d'années et laisse dans la nature d'in‐ fimes particules, surnom‐ mées microplastiques et na‐ noplastiques, qui menacent notre santé.
Ces particules sont par‐ tout : dans l'air que nous res‐ pirons comme dans les ali‐ ments que nous consom‐ mons. Des études ont permis de constater la présence de ces microplastiques dans les poumons, le foie, les reins et la rate d'humains, et même dans le placenta.
Pollution plastique en chiffres 400 millions
de tonnes de déchets plastiques sont pro‐ duits chaque année sur la planète. 98 % des articles de plastique à usage unique sont fabriqués à partir de combustibles fossiles ou de matières premières vierges. À l'échelle du globe, le taux de recyclage du plastique est en deçà de 10 %. Environ 36
de tout le plastique pro‐ duit est destiné à l’emballage. De 23 à 37 millions de tonnes de plastique pour‐ raient se déverser dans l’océan chaque année d’ici 2040.
Extrait, transformé, distri‐ bué, incinéré, jeté : tout au long de son cycle de vie, le plastique, fabriqué à partir de ressources fossiles, pollue et contribue ainsi à la crise de la biodiversité et au ré‐ chauffement de la planète.
Pratiquement tous les plastiques qu'on utilise à grande échelle produisent des gaz à effet de serre (GES) lorsqu'ils sont exposés aux rayons UV, explique SarahJeanne Royer, océanographe affiliée au Center for Marine Debris Research de la Hawaii Pacific University.
La bouteille en plastique abandonnée à l'extérieur peut ainsi rejeter dans l'air ou dans l'eau du méthane, un GES au potentiel de ré‐ chauffement très puissant, de l'éthylène, de l'éthane, du propylène et du CO2.
Avec son équipe, cette scientifique spécialiste de la dégradation des plastiques a découvert que les plastiques qui émettent le plus de GES sont les polyéthylènes, soit ceux qui sont les plus pro‐ duits, utilisés et rejetés dans l'environnement et qui entrent dans la composition d'articles à usage unique, précise-t-elle.
D'ici 2060, la quantité de déchets plastiques devrait tri‐ pler sur le globe, dont la moi‐ tié risque de prendre le che‐ min de la décharge, tandis que moins du cinquième se‐ rait recyclé, selon l'OCDE.
Pour y remédier, les re‐ présentants de 175 pays ont
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convenu, en mars 2022, d'en‐ treprendre des négociations afin de se doter d'un traité in‐ ternational juridiquement contraignant d'ici la fin de 2024. La dernière session se tiendra à Busan, en Corée du Sud, en novembre prochain.
Quels sont les facteurs qui y contribuent le plus?
Pour contrer la pollution par le plastique, les experts s'entendent pour dire qu'il faut agir sur deux fronts : la production massive de plas‐ tiques et la mauvaise gestion des déchets.
Surtout les produits je‐ tables, les emballages, les textiles qu'on retrouve beau‐ coup dans la fast fashion; c'est cette utilisation exorbi‐ tante de plastiques dans de multiples facettes de nos vies, indique Sarah-Jeanne Royer.
Leur utilisation générali‐ sée et leur élimination sou‐ vent irresponsable par les utilisateurs contribuent considérablement à la pollu‐ tion.
Sarah-Jeanne Royer, océa‐ nographe et spécialiste de la dégradation des plastiques
Rapidement consommés, la plupart des produits plas‐ tiques ne sont pas recyclés. Il y a énormément de pays où le recyclage n'est pas promu comme une solution pour ré‐ duire la pollution ou qui ont des systèmes de récupéra‐ tion inefficaces ou insuffi‐ sants, résume Mme Royer.
Si une attention particu‐ lière a été accordée aux plas‐ tiques dans l'océan au cours des trois premières sessions de pourparlers - à Punta del Este, en Uruguay; à Paris, en France; à Nairobi, au Kenya -, c'est parce qu'ils repré‐ sentent 85 % des déchets en milieux marins et côtiers.
Faute d'infrastructures adéquates, ces déchets so‐ lides sont directement reje‐ tés dans les cours d'eau ou fi‐ nissent par trouver le chemin de l'océan, emportés par les marées ou les inondations.
Non seulement des mor‐ ceaux de plastique se re‐ trouvent dans le système di‐ gestif de poissons, de mam‐ mifères et d'oiseaux, mais ces produits peuvent aussi li‐ bérer des toxines, surtout s'ils sont rejetés pas des in‐ dustries polluantes et des compagnies pharmaceu‐ tiques.
Les pratiques de pêche peuvent en outre être fort néfastes pour l'environne‐ ment. Filets, bouées, lignes de pêche et paniers à pois‐ sons sont abandonnés par les navires, qui sont nom‐ breux à faire peu de cas de la gestion des déchets, selon Mme Royer.
Dans l'immense décharge flottante de plastique qui dé‐ rive dans le nord-est du Paci‐ fique, l'équipe de l'océano‐ graphe a découvert en 2022 que 76 % à 85 % des déchets plus grands que 5 cm pro‐ viennent de l'industrie de la pêche.
L'agriculture génère quant à elle 12,5 millions de tonnes de plastique annuellement. Ces produits sont omnipré‐ sents, de la dispersion des pesticides à l'enrobage des semences. Les films de paillage, qui servent à couvrir le sol d'une culture, en parti‐ culier les productions maraî‐ chères, représentent à eux seuls 50 % des plastiques employés en milieu agricole.
Où en sont les négocia‐ tions?
D'après le Programme des Nations unies pour l'environ‐