L’Alberta, championne des inégalités salariales entre hommes et femmes
Les inégalités salariales entre les hommes et les femmes persistent au Ca‐ nada, et c’est en Alberta que celles-ci sont les plus élevées, selon les données de 2023 de Statistique Ca‐ nada.
En moyenne, les hommes gagnent 7,31 $ de plus par heure que les femmes, alors que la moyenne nationale se situe à 4,64 $.
Pourquoi l’Alberta?
La prédominance de cer‐ tains secteurs d’activité en Al‐ berta, tels que l’extraction mi‐ nière, la foresterie ou encore l’industrie agricole, peut ex‐ pliquer ces inégalités, estime Clémentine Van Effenterre, professeure adjointe au dé‐ partement d’économie à l’Université de Toronto.
Historiquement, l’écono‐ mie de l’Alberta s'est dévelop‐ pée autour des emplois dans l’industrie du pétrole et du gaz, comme l'explique Re‐ becca Graff-McRae, directrice de recherche à l’institut Park‐ land de l’Université de l’Al‐ berta. Ces emplois payants étaient occupés majoritaire‐ ment par des hommes, tan‐ dis que les femmes soute‐ naient le système de santé et d'éducation, soit des emplois moins rémunérateurs.
Cette tendance perdure encore aujourd’hui. Bien que les femmes aient rattrapé et même dépassé les hommes en ce qui concerne le taux de diplomation d'études supé‐ rieures ou encore en expé‐ rience, elles continuent d’être employées dans des profes‐ sions différentes, ce qu’on appelle la ségrégation du marché du travail, note Clé‐ mentine Van Effenterre.
Ce sont des industries qui sont particulièrement ren‐ tables, et on sait qu’en moyenne les femmes y sont sous-représentées.
Clémentine Van Effen‐ terre, professeure adjointe au département d’économie à l’Université de Toronto
La maternité, un poids dans la balance
Au sein d'un même do‐ maine professionnel, des in‐ égalités salariales sont égale‐ ment présentes entre les hommes et les femmes.
Clémentine Van Effenterre explique que, dans la plupart des économies développées, environ la moitié des inégali‐ tés salariales entre hommes et femmes sont liées à l’arri‐ vée du premier enfant, c'est ce qu'on appelle la Child pe‐ nalty.
Les femmes ont tendance à se tourner davantage vers des emplois plus flexibles pour pouvoir concilier vie de famille et vie professionnelle, car, quel que soit leur milieu de travail, elles sont respon‐ sables de la majorité des tâches domestiques ainsi que de la garde des enfants, souligne la professeure.
Des préjugés qui per‐ sistent
Au Canada, c’est dans le domaine des services profes‐ sionnels, scientifiques et techniques que cette dispa‐ rité salariale est la plus mar‐ quée, ce qui comprend no‐ tamment les métiers du sec‐ teur des services juridiques, de comptabilité et de l'archi‐ tecture.
En moyenne, les Cana‐ diennes y gagnent 76,32 % du salaire de leurs homo‐ logues masculins, selon les données de 2023 de Statis‐ tique Canada. En Alberta, ce pourcentage descend à 71,37 %.
Ces chiffres sont peu sur‐ prenants pour Lisa Willis, professeure assistante au dé‐ partement de biologie de la Faculté des sciences de l'Uni‐ versité de l'Alberta. Elle sou‐ ligne que des préjugés per‐ sistent dans le domaine uni‐ versitaire, et particulièrement dans les sciences, la méde‐ cine, la technologie et l'ingé‐ nierie, selon lesquelles les femmes seraient moins com‐ pétentes et ne mériteraient pas des salaires plus élevés. Je le vis tous les jours, af‐ firme-t-elle.
Le fait que les femmes sont moins bien payées que les hommes n’est que le symptôme d’un problème beaucoup plus vaste.
Lisa Willis, professeure as‐ sistante au département de biologie à la Faculté des sciences de l’Université de l’Alberta
Des leviers politiques?
Rebecca Graff-McRae es‐ time que l'égalité doit com‐ mencer par une législation complète en matière d'équité salariale. Le Canada possède une loi sur l'équité salariale, mais celle-ci ne couvre que les emplois réglementés comme ceux de la fonction publique fédérale, explique la chercheuse.
Six provinces canadiennes ont adopté une loi en ma‐ tière d'équité salariale et, de leur côté, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique et Terre-Neuve-et-Labrador ont élaboré des cadres politiques complets.
L'Alberta est la seule pro‐ vince qui n'a ni loi ni cadre politique [sur l'équité sala‐ riale].
Rebecca Graff-McRae, di‐ rectrice de recherche à l’Insti‐ tut Parkland de l’Université de l’Alberta
Par courriel, l'attachée de presse du ministre de la Jus‐ tice, Chinenye Anokwuru, af‐ firme ceci : L'Article 6 de la Loi sur les droits de la per‐ sonne de l'Alberta traite de l'équité salariale en exigeant que les employés des deux sexes effectuant le même travail ou un travail substan‐ tiellement similaire pour un employeur soient payés au même taux de rémunération.
Véronique Robitaille, di‐ rectrice intérimaire des com‐ munications à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP), affirme dans un courriel : Il s'agit d'un salaire égal pour un tra‐ vail égal, ce qui n'est pas la même chose que l'équité sa‐ lariale, qui est un salaire égal pour un travail de valeur égale.
La CCDP précise sur son site web que l'équité salariale permet de corriger la sousévaluation du travail des femmes, qui contribue à l'écart salarial entre les sexes.