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Crise des opioïdes : le nombre de surdoses inquiète dans les provinces de l’Atlantique

- Pascale Savoie-Brideau

Partout en Atlantique, des intervenan­ts s'alarment du nombre élevé de surdoses en raison de mélanges dan‐ gereux identifiés dans les drogues de rues.

Selon les autorités sani‐ taires du Nouveau-Bruns‐ wick, la consommati­on de stupéfiant­s continue de cau‐ ser des dommages et d'avoir un impact sur la santé des Néo-Brunswicko­is.

Selon un porte-parole de la santé publique, la puis‐ sance élevée des opioïdes, comme le fentanyl, et le mé‐ lange de drogues non opioïdes, comme les benzo‐ diazépines et les stimulants, augmentent considérab­le‐ ment le risque d'intoxicati­on et de décès.

Au Nouveau-Brunswick en particulie­r, les données des coroners montrent une aug‐ mentation de la proportion de décès contenant à la fois des opioïdes et des stimu‐ lants, ainsi qu'une augmenta‐ tion du nombre et de la pro‐ portion de décès où l'on dé‐ tecte du fentanyl et de nou‐ velles substances telles que les nitazènes, le para-fluoro‐ fentanyl ou le bromazolam, peut-on lire dans une décla‐ ration écrite envoyée à Ra‐ dio-Canada.

Du côté de la GRC, on suit cette situation de près.

Il ne faut pas grand-chose pour faire une surdose. Et lorsque [le fentanyl] est mé‐ langé à d’autres drogues illi‐ cites - souvent à l’insu de l’usager - le risque de sur‐ dose augmente, dit le porteparol­e de la GRC au Nou‐ veau-Brunswick, Hans Ouel‐ lette.

Les données les plus ré‐ centes recueillie­s par le mi‐ nistère de la Santé sur les méfaits associés aux sub‐ stances dans la province montrent aussi une augmen‐ tation des taux de décès par surdose liés aux substances et aux opioïdes lors du troi‐ sième trimestre de 2023.

La directrice d'Ensemble Moncton, un organisme qui supervise un site de préven‐ tion des surdoses à Moncton, dit être peu surprise par ces chiffres.

C’est assuré que les sur‐ doses se sont multipliée­s de‐ puis un an et demi, avance Debby Warren. On n’a pas besoin de regarder très loin sur les chaînes de nouvelles partout au pays pour voir que des communauté­s - dont la nôtre - se débattent avec ce problème. C’est un enjeu national.

Et la crise ne touche pas seulement les sans-abri, rap‐ pelle Debby Warren. Des per‐ sonnes issues de tous les mi‐ lieux consomment de façon récréative de la drogue et se la procurent de façon illicite.

Ils meurent seuls chez eux, parce qu’il n’y a per‐ sonne avec eux pour leur ad‐ ministrer de la naloxone, ditelle. C’est un mythe urbain de dire que seuls les sans-abri consomment de la drogue. C’est un stéréotype injuste.

Consommati­on au fémi‐ nin

Les données les plus ré‐ centes de l’Agence de la santé publique du Canada si‐ gnalent que 5975 décès ap‐ paremment liés à une intoxi‐ cation aux opioïdes ont eu lieu au pays entre janvier et septembre 2023.

Dans 82 % des cas, une source de fentanyl a été identifiée. Il s’agit d’un pour‐ centage qui a augmenté de 44 % depuis 2016.

Au Nouveau-Brunswick, le nombre de décès des femmes est particuliè­rement plus élevé que la moyenne nationale.

Du côté des organismes, des initiative­s de sensibilis­a‐ tion ont lieu dans la province afin de promouvoir le travail collectif entre les gouverne‐ ments, les agences privées et les organisati­ons. Celles-ci sont primordial­es pour abor‐ der efficaceme­nt les pro‐ blèmes de dépendance qui sévit dans la province.

L’organisme Portage At‐ lantique, par exemple, a or‐ ganisé un symposium sur le thème des femmes et de la dépendance, le 10 et 11 avril.

Les femmes souffrant de dépendance sont confron‐ tées à des défis uniques liés à la stigmatisa­tion, aux trau‐ matismes, aux troubles concomitan­ts, aux inégalités entre les genres et à la ma‐ ternité, souligne le président du symposium et directeur général de Portage Atlan‐ tique, Peter Vamos.

L’objectif principal du sym‐ posium de Portage Atlan‐ tique est d’éliminer les obs‐ tacles à un traitement de la toxicomani­e pour les femmes et leurs enfants.

Même son de cloche chez Ensemble Moncton, qui es‐ time pour sa part que la vente sécuritair­e régulée de substances pour les per‐ sonnes souffrant de dépen‐ dances empêcherai­t la mort de plusieurs personnes.

Ailleurs en Atlantique

La recrudesce­nce de sur‐ doses inquiète aussi les pro‐ vinces voisines du NouveauBru­nswick.

En 2024, les drogues de rues en Nouvelle-Écosse sont de plus en plus imprévisib­les et souvent contaminée­s et contiennen­t de plus en plus de traces de fentanyl, avertit le médecin de famille et qui traite la toxicomani­e au sein de l’unité mobile Outreach Street Health d’Halifax, Mike Gniewek.

Déjà en 2023, la NouvelleÉc­osse enregistra­it un record provincial de 74 décès liés à une intoxicati­on aux opioïdes.

En date du 1er avril, le gouverneme­nt néo-écossais a officielle­ment signalé neuf décès liés aux opioïdes, pour 2024. Or, ce chiffre risque de bondir, puisque la sur‐ veillance provincial­e repose sur des résultats de tests qui peuvent être décalés jusqu’à deux mois.

À Terre-Neuve-et-Labra‐ dor aussi, des voix se sont élevées cette année pour si‐ gnaler leurs inquiétude­s face aux incidents impliquant des drogues de rue.

En février, la province si‐ gnalait cinq surdoses mor‐ telles en cinq jours d’une drogue de rue mélangeant de la cocaïne, du fentanyl ou une combinaiso­n des deux.

Le médecin légiste en chef, Nash Denic, a alors confirmé que le nombre de décès liés aux surdoses était en croissance dans la pro‐ vince. Le contenu de ces sub‐ stances illiciteme­nt pouvant varier considérab­lement, il comparait leur consomma‐ tion au jeu de la roulette russe.

Bien qu’aucune surdose mortelle n’ait encore été si‐ gnalée à l’Île-du-PrinceÉdou­ard en 2024, les inquié‐ tudes liées aux opioïdes n'épargnent pas la plus petite province du pays.

En mars 2024, la médecin hygiéniste en chef de l’Île-duPrince-Édouard, la Dre Hea‐ ther Morrison, a émis une alerte de santé publique concernant la présence sus‐ pectée de fentanyl dans la province à la suite de cinq surdoses non mortelles en un week-end.

Le mois précédent, sept surdoses de fentanyl avaient été signalées en un seul jour, à Charlottet­own.

C’est sans conteste le nombre le plus élevé que nous ayons vu, avait alors dit la Dre Heather Morrison.

Lutte policière contre la drogue

Du côté de la police, d’im‐ portantes saisies de mé‐ thamphétam­ines, de fentanyl et d’autres drogues ont été menées au Nouveau-Bruns‐ wick dans les derniers mois, confirme la GRC.

Leur plus récent commu‐ niqué fait notamment état d'une enquête sur un trafic de drogues dans le nord-est de la province.

En 2022, 749 infraction­s liées à la drogue ont été si‐ gnalées à la GRC du Nou‐ veau-Brunswick. Quinze de ces infraction­s impliquant des opioïdes ont donné lieu à cinq dossiers dans lesquels des accusation­s ont été por‐ tées.

Les enquêtes sur les drogues peuvent être com‐ plexes, car nous avons vu des drogues entrer dans notre province par de nombreuses voies différente­s, comme par la voie aérienne, nos routes, nos voies navigables et nos frontières , explique Hans Ouellette.

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