Ottawa investit 32 M$ de plus dans la musique. Des artistes pensent que c’est insuffisant.
Des organismes culturels au pays déplorent le sousfinancement du milieu mu‐ sical alors qu'Ottawa vient d'annoncer, à l'approche du dépôt du budget, un in‐ vestissement supplémen‐ taire de 32 millions de dol‐ lars dans le Fonds de la mu‐ sique du Canada.
Lorsque la ministre du Pa‐ trimoine canadien, Pascale St-Onge, a annoncé le finan‐ cement à la fin mars, Erin Benjamin, la PDG de l’Asso‐ ciation canadienne de la mu‐ sique sur scène (ACMS), a été soulagée. Il était très, très im‐ portant que cela se produise, dit-elle.
Mme Benjamin avoue ce‐ pendant qu’elle aurait aimé voir une allocation spécifique
vivre.
Qu'est-ce que le Fonds pour la musique du Canada ?
Il s'agit d'un fonds géré par deux organismes - l'un pour le marché francophone, l'autre pour le marché anglo‐ phone - qui offre une aide fi‐ nancière aux musiciens cana‐ diens.
Dernièrement, les groupes musicaux et artistes à Toronto craignent pour la survie de l'industrie musicale locale, tandis qu'au Québec, l'écosystème des salles de spectacle émergentes de‐ meure précaire.
En mars, dans une lettre envoyée à la vice-première ministre, Chrystia Freeland, et à la ministre St-Onge, un groupe de 24 organisations de l'industrie musicale, dont sique en 2024-2025.
Le Fonds de la musique du Canada, ont-ils écrit, re‐ présente l'une des meilleures façons de continuer de faire grandir l'industrie musicale.
Nous espérions qu'une partie de ces nouveaux fonds soit réservée aux festivals et aux salles de concert indé‐ pendantes afin de les aider à continuer d'offrir des oppor‐ tunités aux artistes émer‐ gents.
Erin Benjamin, PDG de l’Association canadienne de la musique sur scène
Difficile de joindre les deux bouts
Andrew Cash, président de l’Association canadienne de la musique indépendante, estime que l'octroi de 32 mil‐ lions $ est généreux étant donné que le directeur parle‐ mentaire du budget s'attend a à un déficit d'environ 40 milliards $ cette année. Il au‐ rait néanmoins voulu voir da‐ vantage être investi.
Il est difficile maintenant pour les salles de concert de joindre les deux bouts parce que les coûts d’opérations, surtout dans les grandes villes, sont tellement élevés, explique-t-il.
C’est un vrai enjeu parce que si on perd l'infrastruc‐ ture du secteur de musique sur scène, les artistes n’au‐ ront aucun endroit pour jouer des spectacles en tour‐ née.
Andrew Cash, président de l’Association canadienne de la musique indépendante
Ce qui est promis n’est pas beaucoup
L’artiste Florence K était elle aussi en partie déçue de l'annonce d'Ottawa concer‐ nant les 32 millions $.
Ce qui est promis n’est pas beaucoup, surtout si on considère que les plate‐ formes d'écoute en continu font des sommes phénomé‐ nales sur le dos de ceux qui créent leurs contenus. Les ar‐ tistes, souvent, sont ceux qui reçoivent des sommes vrai‐ ment minimes par rapport à l'effort qui est fait, dit-elle.
Lorsque les artistes partent en tournée ces temps-ci, la majorité le fait en solo ou en duo pour assurer la rentabilité de leurs spec‐ tacles.
Après la pandémie, tout le monde veut remonter sur scène, mais le public n’est pas encore au rendez-vous. Il y a maintenant tellement de façons de se divertir que les gens sont devenus de plus en plus casaniers
Florence K
Si on ne finance pas adé‐ quatement le secteur de la musique, il y aura peut-être des chansons qui ne seront jamais écrites et des artistes que nous ne rencontrerons jamais parce qu’ils décide‐ ront de poursuivre d’autres carrières, prévient Erin Benja‐ min.
L'enjeu des redevances
D'autres politiques en ma‐ tière des droits d’auteurs pourraient aussi être modi‐ fiées pour mettre plus d'ar‐ gent dans les poches des ar‐ tistes, remarque Lou Raga‐ gnin, le PDG de Ré:Sonne, une société de licence de musique canadienne qui as‐ sure l’octroi de redevances aux créateurs.
La société notamment à Ottawa de modifier la défini‐ tion de l’enregistrement so‐ nore dans la Loi sur le droit d'auteur afin de remédier à l'exclusion injuste des ar‐ tistes-interprètes et des mai‐ sons de disques des rede‐ vances d'exécution prove‐ nant de la télévision, des films, des plateformes de dif‐ fusion en continu.
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Tout simplement, les ar‐ tistes et les maisons de disques ne se font pas payer en ce moment lorsque leurs musiques sont utilisées dans ce genre de vidéos
Lou Ragagnin, PDG de la société Ré:Sonne
Ré:Sonne estime que ceux-ci perdent 30 à 50 mil‐ lions de dollars par an en re‐ venu. C’est vraiment une grosse somme d’argent, dé‐ plore M. Ragagnin.
Florence K, qui est aussi membre du conseil d'admi‐ nistration de Ré:Sonne, af‐ firme que ce sont des chan‐ gements minimes qui ne coûtent rien au gouverne‐ ment, mais qui pourraient avoir un impact immense sur le revenu des artistes cana‐ diens.