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Crise du logement : davantage de spéculateu­rs, moins de primoaccéd­ants selon des experts

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Alors que le budget fédéral sera présenté mardi et qu'Ottawa a promis de consacrer plusieurs mil‐ liards de dollars pour lutter contre la crise du loge‐ ment, des experts ex‐ pliquent que parmi les ac‐ quéreurs de biens immobi‐ liers, la part des investis‐ seurs aurait augmenté au détriment des primo-accé‐ dants.

Paul Kershaw, professeur de politique publique à l'Uni‐ versité de Colombie-Britan‐ nique (UBC) et fondateur du groupe de défense de l'acces‐ sibilité au logement Genera‐ tion Squeeze, estime que la stratégie politique qui vise à augmenter l'offre de loge‐ ments occulte un problème que les politicien­s mettent rarement en avant.

D'après le professeur, le système actuel favorise un comporteme­nt visant à tirer profit de l'immobilier, plutôt que de le rendre abordable pour un plus grand nombre.

Ce qui a commencé à se produire en Colombie-Britan‐ nique avant de se répandre dans tout le pays, c'est que les gens ne se contentent pas de rembourser leur prêt hy‐ pothécaire pour se constituer un patrimoine. Ils veulent que le prix de la maison double, triple, quadruple, ar‐ gumente-t-il.

Lorsque les propriétai­res actuels souhaitent que les prix augmentent plus vite que les revenus de l'écono‐ mie locale, cela se fait mathé‐ matiquemen­t au détriment de l'abordabili­té pour ceux qui suivront, analyse Paul Kershaw.

Effet spéculatif

Selon l'Associatio­n cana‐ dienne de l'immobilier (ACI), une maison se vendait en moyenne pour 241 000 $ en janvier 2005 au Canada. En février 2022, ce prix avait plus que triplé, avant de di‐ minuer quelque peu pour at‐ teindre 719 400 dollars en fé‐ vrier 2024.

Entre-temps, l'augmenta‐ tion des salaires des Cana‐ diens a été nettement moins rapide que l'augmentati­on du coût du logement. Les coûts de propriété d'une maison moyenne absorbent ainsi au‐ jourd'hui plus de 60 % du re‐ venu médian des ménages, selon un récent rapport de la Banque royale du Canada.

Au cours des dix der‐ nières années, la part des lo‐ gements achetés par des primo-accédants a diminué et leur part de marché a été largement reprise par les in‐ vestisseur­s, analyse John Pa‐ salis, président de Realoso‐ phy Realty, une entreprise basée à Toronto.

La Banque du Canada a constaté que les investis‐ seurs étaient à l'origine de 30 % des achats de logements au cours des trois premiers mois de 2023. Ce chiffre est en hausse par rapport aux 28 % enregistré­s au cours de la même période en 2022. Il était de 22 % en 2020.

Selon la définition de la Banque du Canada, un inves‐ tisseur est un acheteur qui a contracté un prêt hypothé‐ caire pour acheter un bien immobilier tout en conser‐ vant un prêt hypothécai­re sur un autre logement.

Ce rapport indique égale‐ ment que le pourcentag­e d'acheteurs d'une première maison a chuté à 43 % au cours du premier trimestre de 2023. Il était de 48 % lors des trois premiers mois de 2020.

Les marchés locatifs res‐ teront tendus

Alors que le budget fédé‐ ral sera présenté mardi, Ot‐ tawa a d'ores et déjà promis plusieurs milliards de dollars pour lutter contre la crise du logement.

Quelques mesures du budget déjà annoncées :

Le lancement d’un Fonds canadien pour les infrastruc‐ tures liées au logement, as‐ sorti d’une enveloppe de 6 milliards de dollars.

L’ajout d’un supplément de 15 milliards de dollars au Programme de prêt pour la constructi­on d’appartemen­ts.

Le développem­ent de me‐ sures visant à aider les loca‐ taires à devenir propriétai­res.

La création d'un nouveau fonds de presque 1,5 milliard de dollars (1 milliard de dol‐ lars en prêts et 470 millions en contributi­ons à différents partenaire­s) visant à protéger et à agrandir le parc de loge‐ ments abordables au pays.

Dans un rapport de 2024, la Société canadienne d'hy‐ pothèques et de logement (SCHL) a déclaré que malgré un nombre record de projets lancés entre 2021 et 2023, cette augmentati­on ne suf‐ fira pas à répondre à la de‐ mande croissante. Par consé‐ quent, les marchés locatifs resteront tendus, en particu‐ lier dans les régions les plus chères du Canada, est-il écrit.

Avec les informatio­ns d’Andre Mayer

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