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Royal « encore plus cynique » au théâtre, selon l’auteur Jean-Philippe Baril Guérard

- Élise Jetté

Le Théâtre Duceppe ac‐ cueille jusqu’au 11 mai l’adaptation du roman Royal de Jean-Philippe Baril Guérard, une version condensée de l’histoire qui nous catapulte dans la ri‐ valité maladive liée à la course aux stages dans les écoles de droit.

J'ai rendu l'histoire encore plus cynique, si une telle chose était possible, affirme l’auteur en riant. Je me suis amusé. Dans le livre, beau‐ coup de choses étaient résu‐ mées et là, on a besoin de les voir, et ça, c’est vraiment exci‐ tant pour moi.

Dans la transposit­ion de son oeuvre du roman à la scène, Jean-Philippe Baril Guérard se réjouit de s’être vu offrir le luxe du temps. Le metteur en scène Jean-Simon Traversy a eu la lumineuse idée d'en faire un exercice pédagogiqu­e pour des finis‐ sants du Conservato­ire de théâtre en 2022.

Ce sont ces derniers qui montent sur scène pour don‐ ner vie à Royal. On a pu faire énormément d’essais et aller au bout de plusieurs idées qu’on n’a pas faites finale‐ ment, dit l’auteur.

Jean-Simon Traversy par‐ tage la mise en scène de Royal avec la danseuse et chorégraph­e Virginie Bru‐ nelle pour en faire un spec‐ tacle extrêmemen­t physique dans lequel les mouvements du corps occupent une place cruciale.

Comme le roman Royal nous invitait dans la tête du narrateur pour y découvrir son point de vue, ses opi‐ nions, ses sentiments et son jugement sur le monde, l’adaptation théâtrale devait matérialis­er certains concepts et permettre une incarnatio­n de bon nombre d’idées qui demeuraien­t as‐ sez intangible­s pour les lec‐ teurs.

Tout le roman se passe dans la tête de mon narra‐ teur et, dans la pièce, il de‐ vient l’un des personnage­s et on ne l’entend pas penser. On est à l’extérieur, comme dans une fiction troisième personne. Donc, ça veut dire que son jugement, on doit le faire surgir sur les autres, son point de vue passe dans l'action dramatique.

Jean-Philippe Baril Gué‐ rard, auteur

Le message global de‐ meure le même : la compéti‐ tion pour devenir avocat, ce n’est pas une partie de plai‐

sir. Ça reste l’histoire d’un gars qui débarque à l'Univer‐ sité de Montréal, qui veut son stage et ça ne se passe pas comme il voudrait, puis il tombe dans un trou noir, dit le dramaturge.

Si à la lecture du roman, on constatait rapidement que les personnage­s secon‐ daires n’avaient pas d’identité propre, ils ont désormais des noms. Ils étaient tellement réduits à des clichés par le narrateur, qu’ils ne méri‐ taient même pas de nom, ajoute l’auteur.

La provincial­e sportive du livre devient ainsi Rosalie sur la scène du Théâtre Du‐ ceppe. Romy Bouchard qui joue ce rôle a vraiment fait un bon travail de recherche, dit-il. Elle est arrivée avec un petit lexique d'expression­s de la Beauce. On n'entend pas souvent ça, je trouve, des ac‐ cents régionaux, au théâtre. Je trouve ça important de le faire.

En touillant la salade, rien ne demeure immobile dans le texte original de Royal et, selon son auteur, seulement 10 % du texte du roman est récité tel quel dans la pièce. Les dialogues ont été rema‐ niés à maintes reprises en ré‐ pétition, à son plus grand soulagemen­t. Ça m’évite d’avoir la pression d’arriver avec le texte parfait au jour 1, affirme-t-il.

Toutes les d’une histoire versions

Depuis une dizaine d’an‐ nées, Jean-Philippe Baril Gué‐ rard se plaît à passer d’un médium à un autre, pourvu que sa plume rencontre le bon public au bon moment. Et ce n’est pas qu’au théâtre que ses romans trouvent une deuxième vie. Manuel de la vie sauvage (2018) s’est réin‐ carné à la télévision en 2022, tout comme Haute démoli‐ tion (2021) en 2023.

Pour lui, un immense plai‐ sir émane de toutes les pos‐ sibilités qui découlent d’une seule et même idée. Je pense qu'il y a tout le temps place à l'améliorati­on, dit l’auteur. Je pourrais écrire le même ro‐ man jusqu'à la fin de mes jours et trouver de meilleures façons de le faire.

Il rappelle également que l’écriture est un métier et qu’une oeuvre qui se multi‐ plie en est une qui peut deve‐ nir lucrative. Parlons-en de l'aspect monétaire, lance-t-il. Aucun de mes romans n’a été écrit avec des subvention­s. Le seul argent qui est rentré, c’est celui des ventes de livres et la bourse du Prix lit‐ téraire des collégiens (dans le cas de Royal). Je pense que j’ai vendu un peu moins de 50 000 copies de Royal en huit ans. Ça semble beau‐ coup, mais si tu divises ça par huit ans, c’est loin de te don‐ ner un salaire annuel qui te permet d’en vivre.

Adapter une oeuvre au théâtre ou à la télévision, c'est très très payant. C'est in‐ téressant parce que c'est comme si tu réussissai­s à rentabilis­er ton investisse‐ ment, ajoute l’auteur. Ça ne fait pas partie de la motiva‐ tion première quand je suis en train d'écrire, mais une fois que le livre est écrit et que l'offre tombe, c'est sûr que je serais idiot de dire non à ça.

Gagner sa vie, c’est ré‐ jouissant, mais rejoindre les publics là où ils sont permet aux créations de rayonner plus loin et plus longtemps.

Beaucoup de gens m’écrivent pour me dire que je les ai convaincus de lire un livre, mais il reste que beau‐ coup de lecteurs ne vont pas au théâtre, beaucoup de gens qui aiment le théâtre ne lisent pas, et c’est pareil pour la télévision. Et moi, j’aime parler à tout le monde.

Jean-Philippe Baril Gué‐ rard, auteur

L’auteur mesure bien la chance qu’il a de pouvoir tra‐ verser le temps avec une oeuvre qui se renouvelle, voyage et arrive ailleurs. Je trouve ça malade qu'un livre que j’ai écrit il y a huit ans suscite encore la conversa‐ tion, renchérit-il. Il y en a en maudit des bons livres qui tombent dans l’oubli après deux mois. Le théâtre, ça contribue à l’empreinte que mon livre laisse dans le temps. En le modifiant pour un autre médium, il demeure au goût du jour.

Il explore ainsi, depuis le début de sa carrière, les par‐ ticularité­s de chaque mé‐ dium pour maîtriser l’art d’écrire selon la destinatio­n du texte. Le théâtre, je trouve que c'est un bon lieu pour confronter, jouer avec les li‐ mites, faire réfléchir en groupe, parce que le mal-être de spectateur, on l'a, on y a accès.

Jamais dépourvu de pro‐ jets, Jean-Philippe Baril Gué‐ rard planche actuelleme­nt sur un scénario de film, un projet original co-écrit avec Suzie Bouchard.

Je rêve aussi d’écrire sur la politique. Je sais que je ne suis pas prêt. Dans tout ce que j’ai écrit, j’étais toujours quelque part en périphérie de mon sujet. À force d’être en périphérie de la politique, je vais la comprendre, es‐ time-t-il.

Il se retient à deux mains pour ne pas écrire les suites de ses romans qui sont toutes prêtes dans sa tête. Je résiste parce que je ne veux pas avoir l’impression d’écrire toujours la même chose.

Royal est présentée chez Duceppe jusqu’au 11 mai.

une société de licence de musique canadienne qui as‐ sure le versement des rede‐ vances aux créateurs.

La société demande no‐ tamment à Ottawa de modi‐ fier la définition de l’enregis‐ trement sonore dans la Loi sur le droit d'auteur. Elle sou‐ haite ainsi remédier à l'exclu‐ sion injuste des artistes-in‐ terprètes et des maisons de disques des redevances d'exécution provenant de la télévision, des films et des plateforme­s de diffusion en continu.

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Tout simplement, les ar‐ tistes et les maisons de disques ne se font pas payer en ce moment lorsque leurs musiques sont utilisées dans ce genre de vidéos

Lou Ragagnin, PDG de la société Ré:Sonne

Ré:Sonne estime que ceux-ci perdent 30 à 50 mil‐ lions de dollars par an en re‐ venu. C’est vraiment une grosse somme d’argent, dé‐ plore M. Ragagnin.

Florence K, qui est aussi membre du conseil d'admi‐ nistration de Ré:Sonne, af‐ firme que ce sont des chan‐ gements minimes qui ne coûtent rien au gouverne‐ ment, mais qui pourraient avoir un impact immense sur le revenu des artistes cana‐ diens.

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