Radio-Canada Info

Une ressource pour les travailleu­rs non syndiqués réclamée au Québec

- David Savoie

Quatre groupes réclament la création d'une ressource indépendan­te pour les tra‐ vailleurs non syndiqués au Québec, à l'image de celles qui existent un peu partout au Canada.

Depuis une trentaine d'années, des militants, des travailleu­rs et des chercheurs demandent la création d'un organisme indépendan­t simi‐ laire au Bureau des conseiller­s des travailleu­rs en Ontario, par exemple, qui fournit des services aux per‐ sonnes non syndiquées vic‐ times d'une blessure ou d'une maladie liée au travail.

Des représenta­nts de l'Union des travailleu­ses et travailleu­rs accidentés ou malades (UTTAM), du Centre des travailleu­rs immigrants (CTI), du Conseil d’interven‐ tion pour l’accès des femmes au travail (CIAFT) et du Ré‐ seau d'aide aux travailleu­ses et travailleu­rs migrants agri‐ coles du Québec (RATTMAQ) ont rencontré, lundi, le mi‐ nistre du Travail du Québec, Jean Boulet, pour lui faire part de cette demande.

Depuis deux ans, la Loi modernisan­t le régime de santé et sécurité au travail (LMRSST) permet la création d’un comité de santé et sécu‐ rité du travail dans toutes les entreprise­s comptant 20 em‐ ployés ou plus.

Les organismes disent toutefois avoir constaté que, dans les faits, cette mesure n'était pas efficace. Une ré‐ cente étude de l'Institut de recherche et d'informatio­ns socio-économique­s (IRIS) a démontré que beaucoup de travailleu­rs ne connaissen­t pas ces nouvelles modalités en matière de santé et sécu‐ rité du travail ou qu'ils ont du mal à s'en prévaloir.

D'où le besoin de créer, selon les quatre groupes, un organisme indépendan­t qui permettrai­t de faire de la sensibilis­ation et de la forma‐ tion auprès des travailleu­rs non syndiqués au Québec. Environ 60 % des travailleu­rs québécois ne sont pas repré‐ sentés par un syndicat.

Les travailleu­rs ne savent même pas, surtout les tra‐ vailleurs immigrants avec qui nous faisons affaire, qu’ils peuvent refuser du travail qui est dangereux. Et s’ils le savent, ils risquent de ne pas exercer leur droit, parce qu’ils craignent d’être renvoyés. Avec ces comités, ils auraient quelqu’un à qui ils pourraient parler, ils la connaissen­t [la personne], parce qu’ils l’ont élue, ils auraient confiance, estime David Mandel, membre du conseil d'admi‐ nistration du CTI.

Selon M. Mandel, les tra‐ vailleurs qui ne sont pas re‐ présentés par un syndicat se retrouvent délaissés par la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

Le but d’une ressource in‐ dépendante, ultimement, se‐ rait de réduire les accidents de travail. Nous, c’est ce qu’on essaie de dire, et c’est ce qu’on dit aux élus : toute la société serait gagnante s’il y avait moins de lésions pro‐ fessionnel­les, c’est évident, estime Félix Lapan, secrétaire général de l'UTTAM, un orga‐ nisme qui aide les gens qui se blessent au travail.

Du côté des employeurs, le Conseil du patronat du Québec affirme que ces res‐ ponsabilit­és relèvent de la CNESST, peu importe que les travailleu­rs soient syndiqués ou non. Du point de vue pa‐ tronal, nous sommes satis‐ faits que ce soit la CNESST qui s'en occupe, indique un porte-parole par courriel.

Le nombre de lésions pro‐ fessionnel­les est en hausse au Québec, à en croire les statistiqu­es de la CNESST. Pas moins de 105 000 dos‐ siers ont été ouverts en 2021, en additionna­nt les maladies profession­nelles et les acci‐ dents de travail. En 2022, ce nombre a atteint 161 000.

À écouter aussi :

AUDIO - Le reportage de David Savoie à l'émission Ça nous regarde

Des exemples ailleurs

Des ressources comme celle demandée par les quatre organismes existent non seulement ailleurs au Canada, mais aussi dans des pays comme l’Italie, le Royaume-Uni et la Suède. Leur mandat peut différer, mais ces bureaux visent à soutenir les travailleu­rs non syndiqués.

Des chercheurs, dont la directrice des programmes en ergonomie à l'Université Laval, Geneviève Baril-Gin‐ gras, recommande­nt la créa‐ tion d'un tel organisme au Québec. Il y a un vide, il y a un trou à combler pour que les travailleu­rs qui en ont le plus besoin aient véritable‐ ment accès à leurs droits, note la chercheuse.

Le cabinet de Jean Boulet affirme que les quatre groupes et le ministre visent à obtenir la même chose.

Les groupes ont tout de même obtenu un engage‐ ment de M. Boulet d'envisa‐ ger de rendre disponible une formation pour les tra‐ vailleurs non syndiqués.

Nous, on trouve que ça fait trop longtemps qu’on at‐ tend tout ça. Mais on ne lâ‐ chera pas le morceau, sou‐ tient le secrétaire général de l'UTTAM.

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