Inde : cinq enjeux au coeur de la plus grosse élection du monde
Pendant les six prochaines semaines, les Indiens se‐ ront appelés à choisir leur prochain gouvernement. Les taux d’approbation stratosphériques du pre‐ mier ministre sortant Na‐ rendra Modi - 78 %, selon un récent sondage laissent présager une vic‐ toire assurée pour son parti.
Après 10 ans au pouvoir, M. Modi peut se vanter d’avoir remis l’Inde sur la carte, ce dont les Indiens lui sont fortement reconnais‐ sants. Le recul démocratique du pays inquiète cependant les experts.
1. Un bilan économique nuancé
Sous la gouverne du Bha‐ ratiya Janata Party (BJP), l’Inde est devenue la cin‐ quième économie mondiale, dépassant la Grande-Bre‐ tagne, ancienne puissance coloniale. Narendra Modi promet que, d’ici 2027, elle occupera la troisième place, derrière les États-Unis et la Chine, un engagement qui concorde avec les prévisions du Fonds monétaire interna‐ tional (FMI).
Au cours de la dernière année, l’Inde a enregistré une croissance de 7,6 % et le FMI s’attend à ce qu’elle atteigne 6,8 % cette année, un des taux les plus élevés du monde.
Mais sous ce vernis se cachent bien des fissures, notent les chercheurs.
La croissance est avant tout tirée par les dépenses d'investissement du gouver‐ nement qui ont dynamisé le secteur de la construction, explique Catherine Bros, pro‐ fesseure d'économie à l'Uni‐ versité de Tours, spécialiste de l'économie indienne. Ils ont mis en place un grand plan d'investissement dans les infrastructures, mais le reste de la croissance est sur‐ tout tiré par les services, qui ne sont pas très générateurs d'emploi.
C’est un problème, sur‐ tout pour les jeunes Indiens qui peinent à trouver un tra‐ vail à la hauteur de leurs qualifications. Il y a beaucoup de gens qui sont en sous-em‐ ploi, note la chercheuse.
M. Modi peut se targuer d’avoir modernisé les infra‐ structures publiques, notam‐ ment les chemins de fer, les routes, les ports et les aéro‐ ports, en plus d’introduire la technologie numérique dans plusieurs secteurs. Il a égale‐ ment étendu certains ser‐ vices de base, comme l’assai‐ nissement public, avec la construction de 100 millions d'installations sanitaires, et l’accès à l’eau potable pour 150 millions de foyers.
Cependant, sa promesse de créer de bons emplois pour les jeunes, dont 7 à 8 millions entrent chaque an‐ née sur le marché du travail, ne s’est pas concrétisée.
Et les inégalités se creusent. Selon le Labora‐ toire sur les inégalités mon‐ diales, la concentration de la richesse s’est accentuée au cours de la dernière décen‐ nie. La part des revenus et de la richesse des 1 % les plus riches a atteint un niveau plus élevé que pendant l’époque de la colonisation britannique, alors que 800 millions de personnes béné‐ ficient de l'aide alimentaire.
C'est une grande puis‐ sance qui a des fragilités très importantes.
Catherine Bros, profes‐ seure d'économie à l'Univer‐ sité de Tours
Comment se déroulent les élections?
Les électeurs indiens, soit 970 millions de personnes, sont appelés à voter pendant sept phases qui s’étireront sur six semaines : le 19 avril, le 26 avril, le 7 mai, le 13 mai, le 20 mai, le 25 mai et le 1er juin. Le dépouillement com‐ mencera trois jours plus tard, le 4 juin, et les résultats de‐ vraient être annoncés le même jour. On compte plus d'un million de bureaux de vote et 15 millions d'agents électoraux seront mobilisés pour s’en occuper. Selon le Centre d'études sur les mé‐ dias (CMS), les dépenses électorales devraient dépas‐ ser 14,2 milliards de dollars américains.
2. Une fierté nationale retrouvée
Si les Indiens pardonnent au BJP la situation écono‐ mique moins reluisante qu’ils