L’autodétermination et les jeunes, le combat des peuples autochtones à l’ONU
« Comment sauver la Terre mère nourricière si nous sommes absents des réunions? » C’est la ques‐ tion qu’a posée la coprési‐ dente du caucus mondial de la jeunesse autochtone, l’Autochtone d’Hawaï Ma‐ kanalani Gomes, aux parti‐ cipants à la 23e session de l’Instance des Nations unies sur les questions au‐ tochtones à New York.
Car faire entendre la voix des jeunes dans l’autodéter‐ mination des peuples au‐ tochtones a été le sujet prin‐ cipal de la deuxième journée de cet événement onusien. La raison est simple, ont rap‐ pelé de nombreux orateurs : les jeunes sont les futurs diri‐ geants.
Le caucus mondial de la jeunesse autochtone est composé de nombreux jeunes Autochtones de divers États, organisations, milieux socio-économiques et cultu‐ rels de chacune des régions membres des Nations unies. Ils élaborent des positions et des déclarations et les ex‐ priment devant l'ONU.
Makanalani Gomes a donc encouragé, au nom du caucus, toutes les instances de l'ONU à mieux com‐ prendre leurs perspectives et réalités et à permettre aux jeunes de faire davantage en‐ tendre leurs voix.
Je vous demande d’écou‐ ter attentivement ces inter‐ ventions qui réclament un monde où nous, les jeunes Autochtones, n’aurons plus à être des défenseurs, des acti‐ vistes et des avocats, mais où nous pourrons simplement être pleinement nousmêmes en tant qu’Autoch‐ tones, a-t-elle imploré.
Nous faisons ce travail dans l’espoir que les généra‐ tions futures n’auront plus à utiliser leur corps, leur esprit et leur âme pour défendre la Terre mère, mais qu’elles pourront profiter de leurs cultures respectives. Makanalani Gomes Pendant la session, les participants, qui doivent faire la file pour s'enregistrer pour la prise de parole au micro, ont droit à une intervention de trois minutes. Une inter‐ vention précieuse qui peut survenir à tout moment et les États peuvent demander la parole quand ils le sou‐ haitent. Il faut donc bien choisir les mots et les reven‐ dications qui vont faire mouche pour mieux faire passer son message.
L'intervention de Makana‐ lani Gomes semble avoir bien fonctionné, puisqu'elle a été conclue par un tonnerre d’applaudissements, qui ont tiré quelques larmes à l'ora‐ trice.
Discours différents entre États et Autochtones
Si les délégations des États ont généralement salué le thème de cette année - qui porte sur la voix des jeunes Autochtones -, il ressort des interventions des organismes autochtones que les jeunes sont encore trop absents des prises de décision et qu’ils ont du mal à se faire en‐ tendre. Plusieurs ont réclamé d’ailleurs un siège pour les jeunes à l'ONU et une re‐ fonte des mécanismes pour les inclure davantage.
Renya K. Ramirez, du ré‐ seau des Femmes autoch‐ tones d’Amérique, qui repré‐ sente 23 000 organisations, a fait des recommandations en ce sens.
Il faut une participation active des jeunes Autoch‐ tones dans la prise de déci‐ sion qui a un impact sur nos vies, a-t-elle lancé, aussitôt applaudie par la salle.
En arrière d’elle, plusieurs Autochtones se sont tenus debout, en soutien, dont la militante mondialement connue Quechua Tarcila Ri‐ vera Zea, qui défend les droits des peuples autoch‐ tones depuis plus de 40 ans.
On dit souvent aux jeunes qu’ils sont les leaders de de‐ main. Nous devons être là où les décisions sont prises, a plus tard renchéri Sara-Elvira Kuhmunen du Sáminuorra, de l’association des jeunes Samis en Suède.
Elle n’a pas hésité à rappe‐ ler aux gouvernements leur rôle à jouer. Hier, les États nordiques sont intervenus pour expliquer la bonne lé‐ gislation qu’ils ont adoptée en matière de droits des Sa‐ mis, affirmant que ces lois garantiraient le renforcement de notre autodétermination et de nos droits de la per‐ sonne, a-t-elle indiqué.
D’un même souffle, elle a demandé aux États nor‐ diques de joindre le geste à la parole, car la réalité de ce soi-disant paradis des droits de la personne est bien diffé‐ rente, a lancé Sara-Elvira Kuhmunen, assurant que les États suédois, finlandais et norvégien s'opposent active‐ ment à l'autodétermination des Samis.
Le président tribal et chef Joe Alphonse de la nation Tŝilhqot'in, en Colombie-Bri‐ tannique, est venu faire face aux dirigeants mondiaux pour poser plusieurs ques‐ tions. Il a appuyé, avec plu‐ sieurs jeunes de sa nation présents, l’appel pour une participation directe des peuples autochtones aux Na‐ tions unies.
Nous avons porté le far‐ deau des pensionnats pour Autochtones au Canada. Et ce n’est que lorsque de pré‐ sumées sépultures ont été découvertes que la réalité a été prise au sérieux par le gouvernement, a-t-il estimé.
Si les peuples autoch‐ tones du Canada avaient une place à cette table - en tant que gouvernements - pen‐ sez-vous qu’il aurait fallu des décennies pour que cette question soit prise au sé‐ rieux?
Chef Joe Alphone de la na‐ tion Tŝilhqot'in
Invitant les jeunes à enta‐ mer un chant traditionnel, il a lancé : Si vous pensez que nous sommes forts, attendez de voir la relève!
Il a également abordé la crise des surdoses dans sa nation, déplorant le décès de quatre jeunes en une se‐ maine.
Donner un sens à l'auto‐ détermination
Garantir des processus de prise de décision inclusifs et la participation significative des jeunes Autochtones aux discussions de haut niveau implique la création d’envi‐ ronnements où les jeunes Autochtones peuvent libre‐ ment exprimer leurs points de vue et apporter leur contribution, a rappelé l’As‐ semblée des peuples autoch‐ tones d’Asie.
Selon cette assemblée, ne pas reconnaître les droits des peuples à l’autodétermina‐ tion [...] revient à perpétuer l’esclavage moderne.
L’expression du droit à l’autodétermination peut aussi passer par le droit à l’isolement, a plaidé J’osé Ho‐ mero Mutumbajov, Putu‐ mayo de Colombie. Il a évo‐ qué deux peuples en Colom‐ bie qui vivent de manière iso‐ lée, dont un qui a été forcé d’établir des contacts et qui vivrait maintenant une situa‐ tion complexe.
De son côté, la première présidente femme de la na‐ tion Chapraa de l’Amazonie péruvienne, Olivia Bisa, a abordé la criminalisation des peuples autochtones pour la défense de leur droit à l’auto‐ détermination, un concept qui va au-delà de la simple indépendance politique, a-telle précisé.
Elle a ainsi demandé au forum permanent de se montrer solidaire et de se manifester énergiquement
contre la criminalisation, les menaces et les meurtres aux‐ quels les défenseurs sont confrontés.
De nombreux Autoch‐ tones d’Amérique du Sud ont évoqué le problème d’acca‐ parement des terres par les minières et l’exploitation des ressources sans leur consen‐ tement.
Le Burundais Vital Bam‐ banze, membre de l’Instance permanente de l'ONU sur les questions autochtones, a rappelé que la notion d’auto‐ détermination restait contro‐ versée dans certains pays et surtout sur le continent afri‐ cain, et les jeunes Autoch‐ tones en deviennent vic‐ times.
Selon lui, certains consi‐ dèrent que tous les Africains sont autochtones, alors que d’autres soulignent qu’il est difficile de déterminer qui l’est ou non.
Forte dienne présence cana‐
Les organismes et diri‐ geants autochtones au Ca‐ nada sont nombreux à parti‐ ciper à cette 23e session.
La Coalition canadienne pour les droits humains des peuples autochtones, à tra‐ vers la voix de la grande cheffe de la nation crie Mandy Gull-Masty, a rappelé l’importance de mettre réel‐ lement en oeuvre le plan d’ac‐ tion sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Elle a exhorté les États à donner priorité au dévelop‐ pement de plans d'action na‐ tionaux conformes à leurs obligations internationales en matière de droits de la personne.
Des mesures doivent éga‐ lement être mises en place pour garantir la transpa‐ rence, la responsabilité et le contrôle des étapes de mise en oeuvre qui seront prises et la manière dont elles seront prises, en collaboration et en concertation avec les peuples autochtones.
Mandy Gull-Masty L’Association nationale des centres d’amitié autoch‐ tone du Canada a aussi fait part de son souhait que le Canada mette en oeuvre l’ap‐ pel à l’action 66 de la Com‐ mission de vérité et réconci‐ liation sur un financement pluriannuel destiné aux orga‐ nisations communautaires oeuvrant auprès des jeunes.
L'objectif est de leur per‐ mettre d’offrir des pro‐ grammes sur la réconciliation et de mettre en place un ré‐ seau national de mise en commun de renseignements et de pratiques exemplaires.
Une représentante du Ca‐ nada a dit oeuvrer pour une meilleure inclusion des jeunes dans les instances po‐ litiques régionales. Elle a pro‐ mis qu’à l’avenir, le Canada fera davantage pour que les jeunes puissent participer aux prises de décision.