Un projet de réaménagement au centre-ville d’Ottawa fait débat
Le projet de réaménage‐ ment d’un îlot du centreville d’Ottawa suscite un débat sur le bien-fondé de la densification. Les loca‐ taires du secteur se sentent mis de côté, alors que le propriétaire affirme que le projet revitalisera le quartier voisin.
Les résidents du côté est de la rue Bank, entre les rues Nepean et Lisgar, ont été in‐ vités à quitter leur apparte‐ ment par le propriétaire, 211231 Bank Street Holdings.
Ce dernier souhaite construire environ 263 nou‐ veaux logements et ajouter des espaces commerciaux au rez-de-chaussée, bien que des conseillers municipaux n’aient pas encore approuvé le projet.
La corporation et son res‐ ponsable du développement, Smart Living Properties, af‐ firment que leur objectif est de créer un véritable espace communautaire qui contri‐ buera à la revitalisation du centre-ville.
Ils affirment que le projet remplacera des espaces com‐ merciaux délabrés et injec‐ tera sur le marché des stu‐ dios (NDLR : un appartement avec une seule pièce) qui font cruellement défaut, ainsi que des logements acces‐ sibles de plusieurs pièces. Certains seront meublés, d’autres non.
Mais les résidents des ap‐ partements relativement bon marché situés dans les bâti‐ ments existants affirment que l’argent qui leur a été of‐ fert pour se reloger n’est pas suffisant sur le marché ac‐ tuel. Ils craignent que cer‐ tains d'entre eux se re‐ trouvent sans abri.
Bien qu’ils souhaitent que le projet prévoie des espaces pour les personnes risquant d’être déplacées, la corpora‐ tion affirme qu’elle ne peut pas répondre aux besoins de tout le monde.
Je ne pense pas que l’on puisse démolir un bâtiment ou construire quelque chose de nouveau sans tenir compte de ce que l’on détruit ou de ce qu’on enlève, a dit l’une des locataires concer‐ nées, Julie Ivanoff.
Presque tous les com‐ merces ont quitté les lieux
Les bâtiments du côté est du quartier datent de plus d’un siècle. Le terrain a été acheté par 211-231 Bank Street Holdings à l’automne 2021. Aujourd’hui, à l’excep‐ tion d’un magasin de vapo‐ tage, tous les commerces ont quitté les lieux.
Sur les 27 appartements, 17 sont toujours occupés, malgré les appels au départ des résidents.
Nous résistons, a déclaré un locataire, Manuel Cua, qui vit dans le quartier depuis 1998. Il dit payer un loyer de 478 $ par mois pour un stu‐ dio, ce qu’il considère comme une chance.
Afin de préserver le carac‐ tère patrimonial du quartier, l’entreprise prévoit de conserver les façades des commerces et y installer plus de 9000 pieds carrés de nou‐ veaux espaces commerciaux, selon les documents soumis à la Ville d’Ottawa.
Les façades vides ont eu un impact négatif sur la rue environnante, selon la décla‐ ration envoyée de la corpora‐ tion envoyée à CBC.
Au-dessus des com‐ merces, il y aurait une tour résidentielle d’une hauteur maximale de neuf étages, en retrait de la façade et des cô‐ tés de la propriété.
La proposition de 211-231 Bank Street Holdings est un ajout bienvenu au quartier, juge la présidente de l’Asso‐ ciation communautaire du centre-ville, Mary Huang. Il s’agit d’une tour de taille moyenne par rapport aux projets beaucoup plus hauts proposés antérieurement pour la rue Bank.
Pour faire de la place aux nouveaux appartements, l’in‐ térieur des bâtiments actuels sera entièrement démoli, se‐ lon une déclaration d’impact sur le patrimoine.
La société espère que son projet sera prêt à accueillir ses nouveaux locataires vers la fin de l'année 2026 et qu'il attirera plus de gens et ap‐ portera un sens renouvelé de la communauté dans le quar‐ tier.
Une situation inaccep‐ table
John Bergeron, qui habite le 178 rue Nepean depuis 1981, estime que la situation actuelle des locataires est in‐ acceptable.
Son voisin, Kevin Gosselin, y habite depuis près de sept ans et paie 720 $ par mois pour un studio. Bien que l’im‐ meuble soit vieux et sans as‐ censeur, M. Gosselin affirme qu’il n’y a pas d’insectes, pas de rats [et que] les voisins sont sympathiques.
Les locataires disent qu’ils ont tous reçu un avis N13 pour mettre fin à leur loca‐ tion du 211-231 Bank Street Holdings en octobre 2023.
Il s'agit d'un avis juridique qui pourrait entraîner l'expul‐ sion de votre logement, in‐ dique le document, ajoutant que tous les logements loca‐ tifs seront démolis.
Aucun délai n’a été fixé pour les travaux, mais il a été demandé aux résidents de déménager avant le 29 fé‐ vrier 2024.
Il n’est jamais facile de quitter un endroit que l'on considère comme son chezsoi, et nous nous efforçons de donner un préavis aussi long que possible, a dit la corporation à CBC.
Si tous les locataires ac‐ ceptaient de mettre fin à leur bail un mois plus tôt, le 31 janvier, ils recevraient jusqu'à 12 mois de loyer, ainsi qu'une indemnité de démé‐ nagement de 500 $, selon une lettre envoyée avec l'avis N13.
Les locataires se sont éga‐ lement vu proposer de l'aide pour trouver un nouvel ap‐ partement dans la région.
Ces aides vont au-delà de ce qu’exige la Loi sur la loca‐ tion à usage d'habitation de l'Ontario, a précisé John Di‐ ckie, un avocat d’Ottawa spé‐ cialisé dans le droit de la lo‐ cation à usage d'habitation. Il est aussi le président de l'or‐ ganisation des propriétaires de l'Est de l'Ontario.
À la fin du mois de février, la société a offert aux loca‐ taires des chèques couvrant trois mois de loyer, comme l'exige la loi, selon la corpora‐ tion. Une lettre d'accompa‐ gnement continuait d'offrir une aide au déménagement sur une base convenue.
Selon le locataire Kevin Gosselin, l’argent promis par l’entreprise n’est pas suffisant étant donné que les loyers seront beaucoup plus élevés ailleurs. Selon le site ren‐ tals.ca, le loyer moyen d’un studio à Ottawa est de 1644 $ par mois.