Une journée dans la vie de Yannick Nézet-Séguin à New York
Difficile de dire qui de New York ou de Yannick NézetSéguin dégage le plus d’énergie. À 49 ans, ce grand chef d’orchestre est arrivé à gravir presque tous les sommets. Il est di‐ recteur de la plus grande institution musicale du monde depuis 6 ans : le Me‐ tropolitan Opera.
Le chef montréalais est également directeur du pres‐ tigieux Orchestre de Philadel‐ phie depuis 2012 et directeur de l’Orchestre Métropolitain de Montréal depuis 2000; un mariage pour la vie.
Je prolonge mon contrat qui me lie à l’Orchestre mé‐ tropolitain de Montréal par un engagement qui va nous lier pour la vie.
Yannick Nézet-Séguin Avant de trôner sur ces trois sommets, il a été, très jeune, chef principal de l’Or‐ chestre philharmonique de Rotterdam. Régulièrement in‐ vité à Londres, Berlin et Vienne, Yannick Nézet-Séguin pourrait diriger l’orchestre qu'il souhaite, puisqu’il fait partie du club très sélect des chefs les plus demandés sur la planète.
Le trio le plus optimal
Des fois, on a tendance en musique, comme dans d’autres domaines d’ailleurs, à penser qu’il y a une trajec‐ toire linéaire à suivre. Au fond, être "au top" c’est être entouré des bonnes per‐ sonnes pour faire de la meilleure musique ainsi que pour avoir un impact dans la communauté, explique-t-il en entrevue avec Patrice Roy.
C’est important en mu‐ sique de ne pas se prendre au sérieux, mais c’est impor‐ tant de prendre la musique au sérieux.
Yannick Nézet-Séguin
Les chefs d'oeuvres sym‐ phoniques sont souvent de grosses histoires en lien avec de grandes questions philo‐ sophiques, de grandes ques‐ tions humaines. Ce n’est pas le moment de penser uni‐ quement aux notes, mais plutôt de penser au message , souligne-t-il, ajoutant que la valeur ultime réside dans la transmission d’un message.
Il faut accepter de prendre des risques et, par définition, ça veut dire que ce ne sera pas toujours parfait. Mais, un risque calculé peut mener tellement plus loin.
Yannick Nézet-Séguin
Passionné dès l’âge de 10 ans
Yannick Nézet-Séguin fait partie d’une minorité de per‐ sonnes qui savaient très tôt ce qu’ils feraient dans la vie. À 10 ans, il joue au chef d’or‐ chestre sur le Boléro de Ravel à son école primaire SaintIsaac-Jogues. Puis, jeune ado‐ lescent, il collectionne mala‐ divement les disques de toutes les symphonies pos‐ sibles, dans toutes leurs ver‐ sions possibles. Verdi, Mah‐ ler, Beethoven, Bruckner... il les connaît tous par coeur.
Aujourd’hui avec ses mu‐ siciens, il transmet avec pas‐ sion tout ce qu’il a assimilé de ses écoutes frénétiques. Partout où le maestro passe, il instaure un climat de confiance.
Les chefs d’orchestre, des autocrates?
Yannick Nézet-Séguin avoue avoir l’impression que le monde de la musique est à l’avant-garde des grands mouvements de société. Il y a 20 ou 30 ans, en musique classique, il y a eu un rejet de cette façon très autocrate et abusive de faire les choses.
Sans prétendre que l’ère des chefs d’orchestre qui ter‐ rorisent est révolue, il estime que les chefs de sa généra‐ tion ont dû réfléchir et exer‐ cer un leadership différem‐ ment.
À ses yeux, le fait qu’il y ait davantage de femmes sur les podiums est en partie une des raisons pour lesquelles les choses évoluent. Il sou‐ ligne que la transmission du savoir d’un chef à l’autre et d’une génération à l’autre se fait maintenant en parlant des formes sournoises d’abus.
Avant l’enseignement de la direction d’orchestre était seulement centré sur la mu‐ sique, la technicité, tandis que dorénavant on accepte l’aspect psychologique qui est tellement important.
Yannick Nézet-Séguin
Le Met, l’institution d’arts de la scène la plus grosse au monde
Yannick Nézet-Séguin est nommé au Metropolitan Opera (Met) en 2016 et sou‐ haitait déjà à l’époque que ce prestigieux endroit rede‐ vienne la maison des NewYorkais. Et il a tenu pro‐ messe.
Pour la première fois de son histoire, le Met présente, en 2021, un opéra de Te‐ rence Blanchard (Fire Shut Up in My Bones), un musicien de jazz afro-américain. En 140 ans d'existence, c’était la première fois que le réper‐ toire d'un musicien de jazz afro-américain était dans la programmation.
Il n’y a pas de quoi être fier que ce soit le premier noir après tant d’années. Je pense que c’était absolument important pour moi lors de ma 4e saison d’ouvrir avec un compositeur afro-américain afin de montrer sur scène la réalité des gens qui com‐ posent la ville et qui com‐ posent le monde.
Sa mission est simple : transmettre dans toute sa splendeur l’émotion des oeuvres.
Un chef pas comme les autres
Yannick Nézet-Séguin cu‐ mule les succès à l’opéra, en musique symphonique à Phi‐ ladelphie et à Montréal, et, plus récemment, un apport précieux au cinéma. Il a coa‐ ché Bradley Cooper dans son rôle du chef Leonard Berns‐ tein dans le film Maestro, sorti en décembre 2023, car il ne s’agit pas simplement d’agiter une baguette.
C’est un immense défi parce que dans l'oeil du pro‐ fane, même si c’est un in‐ croyable acteur, je devais lui montrer le maniement de la baguette tout en ne lui don‐ nant pas des cours de direc‐ tion de façon générale. Il avait peur de devenir le chef Bradley et non le chef Berns‐ tein, explique Yannick NézetSéguin.
Le film n’escamote pas l’homosexualité cachée de Leonard Bernstein, alors que Yannick Nézet-Séguin a tou‐ jours vécu au grand jour son amour pour Pierre Tourville, son conjoint, aussi musicien.
Bernstein est un grand modèle musical pour moi. Rapidement, j'ai voulu lire le scénario parce que je ne vou‐ lais pas être associé à un film qui aurait complètement mis cet aspect de côté, admet-il.
Avec les informations de Patrice Roy