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Entre dissension et volte-face, la semaine compliquée de Doug Ford

- Camille Gris Roy

Lundi, la semaine s’annon‐ çait plutôt calme à Queen's Park. Même un développe‐ ment majeur dans le dos‐ sier de l’autoroute 413 projet phare du gouverne‐ ment Ford - n’a pas fait grand bruit. Personne chez les progressis­tes-conserva‐ teurs ne s'attendait à une semaine mouvementé­e, jusqu'à tant que la guerre Israël-Hamas s'immisce dans les débats.

En début de semaine, les progressis­tes-conservate­urs de Doug Fordont réussi à s’entendre avec le fédéral pour faire avancer le grand chantier autoroutie­r. Ils au‐ raient pu largement s’en van‐ ter, mais en Chambre, pas de célébratio­ns ni de grandes déclaratio­ns : les députés de la majorité ont continué à parler de la taxe carbone.

Autrement dit, rien de spécial à signaler.

Le retour du nom de Sa‐ rah Jama dans l’actualité a ce‐ pendant mis fin à l'accalmie. Cette députée indépendan­te s’est retrouvée au coeur d’une controvers­e l’automne der‐ nier en lien avec des com‐ mentaires sur le conflit au Proche-Orient. La contro‐ verse qui lui a valu non seule‐ ment une expulsion de son parti, le NPD, mais aussi une motion de blâme l’empê‐ chant de prendre la parole en Chambre.

L'élue a dénoncé cette se‐ maine une nouvelle interdic‐ tion qui la concerne : le port du keffieh n’est plus autorisé à l’intérieur de l’Assemblée législativ­e de l’Ontario.

Cette coiffe traditionn­elle au Moyen-Orient, devenue un emblème du peuple pa‐ lestinien, est un symbole po‐ litique trop chargé dans le contexte actuel, a jugé le pré‐ sident de l’Assemblée.

La sortie publique de Sa‐ rah Jama sur ce règlement a ouvert la machine à réac‐ tions. Tous les chefs de partis ont rapidement contesté la mesure eux aussi, y compris le premier ministre Ford qui juge qu’elle divise inutilemen­t la province.

Doug Ford se serait bien passé d’avoir à se prononcer sur un sujet qui, de l’aveu du président de l’Assemblée, Ted Arnott, est extrêmemen­t sen‐ sible.

On a l’impression ces

temps-ci que le premier mi‐ nistre marche sur des oeufs. À l’approche de deux élec‐ tions partielles - l’une de ces courses, dans la circonscri­p‐ tion de Milton, pourrait d'ailleurs être compétitiv­e - il faut éviter de froisser de po‐ tentiels électeurs.

Mais la prise de parole de Doug Ford n’a pas eu suffi‐ samment de poids. Alors que la cheffe du NPD tentait d’ob‐ tenir l’approbatio­n unanime de la Chambre pour renver‐ ser la directive sur le keffieh, au moins une députée pro‐ gressiste-conservatr­ice, Ro‐ bin Martin, a dit non. J’ai le droit à mon vote, a-t-elle lancé aux journalist­es.

Les signes de dissension au sein de ce gouverneme­nt sont très rares. Doug Ford at-il manqué de fermeté en‐ vers son caucus ou a-t-il vo‐ lontaireme­nt laissé la porte ouverte à un vote libre?

Tant que tous les élus n’accordent pas leurs flûtes, l’interdicti­on est maintenue. Pour le premier ministre, c’est une affaire non résolue.

Expert en volte-face

Plus tôt dans la semaine, le gouverneme­nt s'est aussi mis les pieds dans les plats avec un autre dossier.

Il a fallu 34 heures à l’ad‐ ministrati­on Ford pour recu‐ ler dans l'affaire du UP Ex‐ press. Un temps record pour cette nouvelle volte-face des progressis­tes-conservate­urs.

Le premier ministre avait trouvé un bon prétexte pour se rendre à Milton et serrer la main de quelques élec‐ teurs cette semaine : une an‐ nonce positive au sujet des transports en commun dans le Grand Toronto, la plus grande expansion du service de train GO en une décennie.

Mais un détail a retenu l’attention : un nouvel horaire dévoilé pour le UP Express, la navette qui relie la gare Union à l’aéroport internatio‐ nal Pearson. On apprenait qu’un train sur deux éviterait deux stations achalandée­s si‐ tuées dans des quartiers au‐ trement mal desservis de l'ouest de Toronto et se ren‐ drait directemen­t de la gare à l'aéroport.

La grogne des usagers a monté. Pour gagner deux mi‐ nutes sur le temps de trajet vers l’aéroport, les déplace‐ ments de milliers de Toron‐ tois seraient du même coup bousculés. Dès le lendemain soir de l’annonce, le ministre des Transports faisait marche arrière.

Le gouverneme­nt Ford ré‐ fléchit-il avant d’agir? Les par‐ tis d’opposition s’en sont donné à coeur joie pour tour‐ ner la situation en ridicule. Vraisembla­blement, dans le cas de ce changement d’ho‐ raire, l’idée venait de l’agence de transport provincial­e Me‐ trolinx. Mais lorsque c’est le premier ministre lui-même qui livre la nouvelle, il appose son sceau d’approbatio­n.

Revenir sur une décision impopulair­e donne l’image d’un gouverneme­nt à l’écoute, qui répond à la vo‐ lonté des citoyens. Quand l’histoire se répète plus d’une dizaine de fois (souvenezvo­us de la ceinture de ver‐ dure, de la dissolutio­n de la région de Peel, des plaques d’immatricul­ation bleues, de l’Université de l’Ontario fran‐ çais… pour ne citer que quelques-unes de ces volteface à la Ford), alors il reste une vraie question : ce gou‐ vernement apprend-il de ses erreurs?

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