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Procès criminel de Donald Trump : « Nous avons maintenant notre jury »

- Sophie-Hélène Lebeuf

Marquée depuis lundi par une succession de coups d'accélérate­ur et de ser‐ rages de freins, la sélection des 12 jurés au procès cri‐ minel de Donald Trump à New York a pu être menée à terme, jeudi, après des reculs, en matinée, qui semblaient rendre ce scé‐ nario peu probable.

Après le retrait en début de journée de deux des jurés qui avaient été choisis mardi, le tribunal est passé à la vi‐ tesse supérieure en ajoutant en fin d'après-midi, en une demi-heure, sept jurés aux cinq qui avaient déjà prêté serment mardi.

Nous avons maintenant notre jury, a déclaré le juge Juan Merchan, qui préside le procès de Donald Trump pour falsificat­ion de docu‐ ments en lien avec de l'ingé‐ rence électorale. Le jury sera composé de sept hommes et de cinq femmes.

La première des six jurés suppléants, qui seront appe‐ lés à prendre la relève si des membres du jury se trouvent dans l'impossibil­ité d'aller au bout de leur mission, a aussi été sélectionn­ée.

Persuadé de voir aboutir la sélection des jurés sup‐ pléants vendredi, le juge a prédit que le procès pourrait aller de l'avant avec l'étape des déclaratio­ns d'ouverture dès lundi prochain.

Les derniers jurés sélec‐ tionnés sont un banquier d'investisse­ment, un ingé‐ nieur en sécurité, un gestion‐ naire de patrimoine à la re‐ traite, une orthophoni­ste, un employé d'une société de commerce électroniq­ue, une employée d'une multinatio‐ nale de vêtements et une physiothér­apeute.

Les avocats de Donald Trump ont tenté en vain de faire exclure la femme tra‐ vaillant pour une multinatio‐ nale de vêtements, qui a ad‐ mis ne pas aimer la person‐ nalité publique de l'ex-pré‐ sident.

Je n'ai pas d'opinion tran‐ chée sur Trump, mais je n'aime pas sa personnali­té publique.

Jurée no 11

Je n'aime pas non plus certains de mes collègues, at-elle ajouté, spécifiant qu'elle ne tentait pas pour autant de saboter leur tra‐ vail.

Pressée de préciser sa ré‐ ponse par l'avocate Susan Necheles, elle a répondu : Il semble très égoïste et centré sur ses propres intérêts, et je n'apprécie pas vraiment cela chez quelqu'un qui est au service du public.

Un deuxième juré ressort aussi du groupe choisi jeudi. Le banquier d'investisse­ment suit tout autant Donald Trump sur le réseau social Truth Social de l'homme d'af‐ faires que Michael Cohen, l'ancien avocat de l'ex-pré‐ sident, qui devrait être le té‐ moin vedette des procureurs.

Donald Trump est accusé d'avoir falsifié des docu‐ ments financiers pour dissi‐ muler le remboursem­ent d’un paiement versé à une maîtresse alléguée, une ac‐ trice de cinéma pornogra‐ phique connue sous le nom de Stormy Daniels, afin de fa‐ voriser sa victoire à la prési‐ dentielle de 2016. Il fait face à 34 chefs d'accusation.

Les procureurs font de cette cause un dossier d'in‐ gérence électorale.

En fin de journée, ils ont par ailleurs refusé de révéler à la défense l'identité des trois premiers témoins, met‐ tant en avant l'habitude de Donald Trump de critiquer les témoins. L'avocat Todd Blanche, qui représente l'ac‐ cusé, a avancé l'hypothèse qu'il pourrait garantir que son client ne le ferait pas.

Je ne pense pas que vous pouvez faire cette affirma‐ tion, a rétorqué le juge.

Un début de journée chaotique

Les développem­ents d'une matinée mouvementé­e laissaient envisager des dé‐ lais importants dans la sélec‐ tion du jury.

Celle qui avait été dési‐ gnée jurée numéro 2, une in‐ firmière en oncologie, a ellemême demandé à être ex‐ clue du jury. J'ai vraiment des inquiétude­s maintenant, a-telle expliqué au juge Juan Merchan, précisant qu'elle craignait que son identité soit révélée. Un média a notam‐ ment révélé l'hôpital où elle travaillai­t.

Le juge Merchan a statué dès le début des procédures en faveur de l'anonymat des jurés.

Des aspects de mon iden‐ tité ont été rendus publics. [Mercredi], déjà, des amis, des collègues et des membres de ma famille [m'ont envoyé des textos] pour me demander si je fai‐ sais partie du jury, a-t-elle si‐ gnalé, avant que le juge ac‐ cepte son désistemen­t.

Celui-ci a également dû faire marche arrière après s'être entretenu avec un autre des jurés déjà sélec‐ tionnés, contraint en matinée de revenir au tribunal pour répondre à des questions supplément­aires.

Le magistrat n'a pas pré‐ cisé les raisons du retrait du juré numéro 4, mais les pro‐ cureurs avaient signalé qu'il avait potentiell­ement menti dans sa réponse à une ques‐ tion visant à savoir si luimême ou un membre de sa famille avait déjà été accusé ou condamné.

Mardi, le juré en question, un conseiller en informatiq­ue originaire de Porto Rico, avait dit trouver Donald Trump fascinant et mystérieux.

Ce recul marqué a montré les défis particulie­rs de la compositio­n d'un jury pour le procès historique d'un ancien président qui aspire à le re‐ devenir.

Les procureurs ré‐ clament des sanctions contre Trump

En matinée, l'équipe des procureurs a demandé au juge Merchan que Donald Trump soit sanctionné pour avoir contrevenu à l'ordon‐ nance du tribunal lui impo‐ sant le silence sur certaines personnes liées au procès.

Avant le procès, le juge Merchan a interdit à l'ancien président de s'en prendre pu‐ bliquement aux témoins, aux jurés et au personnel du tri‐ bunal, une restrictio­n qu'il a ensuite étendue aux membres de sa propre fa‐ mille et à celle du procureur du district de Manhattan.

Les procureurs ont fait état de sept nouvelles viola‐ tions, qui s'ajoutent à celles qu'ils ont déjà soumises au juge au premier jour du pro‐ cès, lundi, et qu'aurait com‐ mises Donald Trump après que le juge eut planifié pour mardi prochain une audience sur cette question.

L'une des nouvelles viola‐ tions alléguées concerne une publicatio­n sur Truth Social d'une citation d'un animateur de Fox News, qui a ouverte‐ ment remis en question l'im‐ partialité des jurés choisis.

Ils attrapent des activistes [de gauche] qui se sont infil‐ trés en mentant au juge afin de faire partie du jury, a re‐ layé l'ancien président.

Garantir l'anonymat des jurés

Pour les protéger d'éven‐ tuelles menaces, le juge Mer‐ chan a décrété que l'anony‐ mat des jurés serait préservé. Les réponses, parfois très précises, aux questions po‐ sées aux jurés potentiels, par exemple sur leur emploi et leur quartier de résidence, peuvent cependant donner des indication­s sur leur iden‐ tité.

Après l'exclusion de la ju‐

rée numéro 2, le juge a d'ailleurs demandé aux jour‐ nalistes de ne pas dévoiler les détails que révèlent les ju‐ rés potentiels au sujet de leur employeur.

Ce n'est pas pour rien que le jury est anonyme et que nous avons pris les mesures que nous avons prises, a-t-il insisté.

Les avocats de la défense et les procureurs ont cepen‐ dant accès à ces informa‐ tions, ce qui leur permet entre autres de scruter à la loupe les publicatio­ns pas‐ sées des jurés sur les ré‐ seaux sociaux.

Trump dénonce un pro‐ cès « ridicule »

Après l'audience, Donald Trump s'est adressé aux mé‐ dias pour dénoncer la tenue du procès, répétant un mes‐ sage martelé à plusieurs re‐ prises, notamment depuis le début de la semaine.

Je suis censé être au New Hampshire, en Georgie, en Caroline du Nord, en Caroline du Sud, a-t-il déploré.

Je suis censé faire cam‐ pagne dans plusieurs en‐ droits différents, mais je suis resté ici toute la journée pour un procès qui est vraiment très injuste.

Donald Trump, ex-pré‐ sident des États-Unis

On gèle dans la salle d'au‐ dience, s'est-il plaint au pas‐ sage.

Le politicien de 77 ans a aussi brandi ce qu'il a pré‐ senté comme des impres‐ sions d'articles et d'éditoriaux qui, d'après ses dires, citent des experts qui estiment que la poursuite intentée contre lui est ridicule.

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