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Des années d’attente pour une chirurgie gynécologi­que : « Cela me semble inéquitabl­e »

- Andréane Williams

Des mois d’attente pour une consultati­on en gyné‐ cologie, jusqu’à trois ans pour faire traiter une des‐ cente d’organes dans le va‐ gin : des experts et des pa‐ tientes sonnent l’alarme face aux délais pour obte‐ nir des soins gynécolo‐ giques en Ontario et au Québec.

Solomiya Petrunko entre dans sa cuisine les bras char‐ gés de produits et de compri‐ més en tout genre : capsules de magnésium, de curcuma et de gingembre, différents types d’huiles de poisson, probiotiqu­es et vitamines.

Au fil des ans, la femme de 23 ans s’est confection­né une trousse de produits lui permettant de gérer la dou‐ leur causée par son endomé‐ triose.

Au pire de sa condition, la jeune femme pouvait passer des heures recroquevi­llée dans son lit à crier de dou‐ leur. Les cris ont traumatisé [sa] famille, témoigne-t-elle.

En 2020, ses traitement­s contre la douleur ont cessé de faire effet et ses symp‐ tômes ont réapparu. Solo‐ miya a donc repris rendezvous avec sa gynécologu­e. Elle a attendu huit mois pour une nouvelle consultati­on té‐ léphonique. Depuis, elle tente de trouver une autre gynécologu­e, mais sans suc‐ cès.

50 % de la population va devoir voir un gynécologu­e au moins une fois dans sa vie. Le fait qu’il y ait tant de barrières et de délais est très contrarian­t. Cela me semble complèteme­nt inéquitabl­e, déplore-t-elle.

L’Ontario, l’une des pires provinces

L’Ontario et le Québec sont les provinces où l'accès à des soins gynécologi­ques est le plus difficile, soutient la directrice générale de la So‐ ciété des obstétrici­ens et gy‐ nécologues du Canada (SOGC), la Dre Diane Fran‐ coeur.

Il est toutefois difficile de dresser un portrait global de la situation, faute de don‐ nées dans les deux pro‐ vinces, d'après la Dre Fran‐ coeur.

Le fait que l'on n'a pas [ces données] démontre que les femmes ne sont pas as‐ sez importante­s aux yeux du gouverneme­nt.

Dre Diane Francoeur, di‐ rectrice générale de la SOGC

Selon la SOGC, 78 000 consultati­ons gynécologi­ques sont actuelleme­nt en attente au Québec.

L’organisme n’a cependant pas été capable d’obtenir les mêmes données auprès du gouverneme­nt ontarien. Ra‐ dio-Canada n’a pas non plus obtenu ces informatio­ns de la part de la province, malgré des demandes répétées.

Des renseignem­ents obte‐ nus par la SOGC auprès de la province démontrent toute‐ fois qu’en février 2023, 42 % des quelque 11 000 patientes ontarienne­s en attente d’une ablation de l'endomètre, d’une hystérecto­mie ou d’autres types de chirurgies intra-utérines attendaien­t de‐ puis plus d’un an.

En comparaiso­n, 38 % des quelque 10 000 patients en attente d’un remplaceme­nt de la hanche en Ontario l’étaient depuis plus d’un an.

La Dre Francoeur affirme que se faire opérer pour un prolapsus génital, une condi‐ tion médicale qui mène à la descente dans le vagin d'un ou des organes pelviens et qui cause souvent de l’incon‐ tinence, peut prendre jusqu’à trois ans en Ontario.

Je ne connais aucun homme dans un poste pro‐ fessionnel haut placé qui fe‐ rait pipi dans ses culottes pendant trois ans avant d'avoir une chirurgie sans faire un drame total, alors pourquoi les femmes en‐ durent ça?

Dre Diane Francoeur, di‐ rectrice générale de la So‐ ciété des obstétrici­ens et gy‐ nécologues du Canada

Selon elle, la gynécologi­e n’est toujours pas priorisée par le système de santé, contrairem­ent à d’autres types de soins comme le trai‐ tement des cataractes et les remplaceme­nts de la hanche.

Elle souligne toutefois que les problèmes gynécolo‐ giques ont d’importante­s conséquenc­es sur la vie de femmes qui les empêchent de participer pleinement à la société.

Habituelle­ment ces femmes-là sont des femmes qui sont au pic de leur car‐ rière, qui sont des forces vives de notre société et qui ont souvent des positions haut placées. Quand elles s'absentent de leur travail, cela a un impact sur l'accès à d'autres services, explique Diane Francoeur.

Des gynécologu­es bordés dé‐

Selon la gynécologu­e-obs‐ tétricienn­e Nika Alavi, qui tra‐ vaille à l'Hôpital d’Ottawa, les gynécologu­es de la province croulent sous la charge de travail causée par les arriérés d'opération et la pénurie de personnel médical.

La Dre Alavi, comme beaucoup d'autres, n’accepte donc plus de nouveaux pa‐ tients.

Ceux dont elle s’occupe déjà peuvent attendre plus d’un an pour obtenir une consultati­on. Ses patientes restent donc sans soins pen‐ dant de longues périodes et développen­t parfois des can‐ cers qui auraient pu être dé‐ tectés plus tôt.

La Dre Alavi attribue ces délais à la pandémie, mais aussi au manque de res‐ sources et de personnel qui réduisent l’accès aux salles d'opération.

Nous avons besoin d’infir‐ mières, d’anesthésio­logistes. À cause des pénuries [de personnel], nos chirurgies électives sont annulées.

Nika Alavi, gynécologu­eobstétric­ienne

La Dre Francoeur abonde dans le même sens.

Quand j'ai commencé à travailler il y a plusieurs an‐ nées, j'opérais trois jours par semaine comme gynéco‐ logue. Mes jeunes collègues, maintenant, ont à peu près une à parfois deux priorités par mois, explique-t-elle.

Elle ajoute qu’elle détient une spécialisa­tion en gynéco‐ logie pédiatriqu­e, mais qu’en raison du manque de per‐ sonnel, elle doit actuelleme­nt faire des suivis de grossesses dont des infirmière­s pour‐ raient se charger.

Des rants dilemmes déchi‐

Le manque de ressources et l’incapacité de traiter leurs patientes pèsent sur les gy‐ nécologues-obstétrici­ens comme Diane Francoeur et Nika Alavi.

Il s’agit de la santé men‐ tale des médecins. Nous sommes frustrés.

Nika Alavi, gynécologu­eobstétric­ienne

Cela explique en partie, selon elles, les pénuries de médecins dans le système de santé.

On est toujours en train de se poser la question : "estce que je vais pousser ma chance et essayer de couper la ligne pour diminuer les dé‐ lais ou faire des procédures qui risquent de faire mal sans avoir les outils, sans avoir le personnel?" On est toujours pris avec ce di‐ lemme-là parce que les femmes souffrent, déplore Diane Francoeur.

Dans une déclaratio­n par courriel, le gouverneme­nt ontarien affirme s’attaquer aux problèmes de délais, no‐ tamment en augmentant le nombre de places dispo‐

nibles dans les écoles de mé‐ decine de la province.

Il mentionne entre autres une augmentati­on de près de 10 % du nombre de méde‐ cins de famille et de 6,6 % du nombre de gynécologu­es en Ontario depuis 2018.

En attendant, pour Solo‐ miya Putrenko, vivre avec l’endométrio­se signifie orga‐ niser sa vie en fonction de la douleur.

[L’endométrio­se]

affecte tout - ma concentrat­ion au travail, à l'école - parce que je traîne cette douleur en tout temps, raconte-t-elle.

Coupera, coupera pas? M. Paul-Hus, avec toute cette multitude de pro‐ grammes, où allez-vous couper? Si le Parti conser‐ vateur est élu, va-t-il main‐ tenir le programme des soins dentaires ou celui d'assurance médicament­s?

P. PAUL-HUS : Pour les soins dentaires, les provinces contestent comme le Qué‐ bec, même les dentistes. Il y en a plusieurs qui ne veulent même pas s'inscrire au pro‐ gramme. Le fédéral n'a pas à faire des programmes comme celui-là, ce sont les provinces qui s'occupent des soins dentaires.

C'est sûr qu'il faut tout ré‐ évaluer. Il y a des choses qui sont mises en place. À un moment donné, on ne peut pas défaire ce qui est en‐ gagé.

Il y a tellement d'engage‐ ments qui ont été pris. Il n’y a plus d'argent, les coffres sont vides et on ne fait qu’em‐ prunter.

On a 54 milliards d'inté‐ rêts par année à payer, c'est de l'argent de moins pour in‐ vestir dans les programmes, justement parce que la dette a doublé depuis neuf ans.

Pierre Paul-Hus, député conservate­ur de Charles‐ bourg-Haute-Sainte-Charles

Cet épisode des Coulisses du pouvoir sera diffusé le di‐ manche 21 avril dès 11 h, sur ICI RDI et ICI Télé.

À quand des résultats? Va-t-on voir des résul‐ tats en santé et en habita‐ tion, avant la prochaine campagne électorale?

A. BOULERICE : Dans quelques mois, des millions de personnes vont profiter du programme pour leur santé buccale. On ne pour‐ rait pas se permettre d'at‐ tendre après le gouverne‐ ment Legault pour que cela se fasse. Couvrir la santé de la tête aux pieds, cela aurait dû être fait il y a des années.

G. STE-MARIE : Pour l'ar‐ gent qui est promis en loge‐ ment, 97 % du montant arri‐ vera dès 2026, donc, bien après les élections. Ce bud‐ get-là, c'est d'abord un pro‐

gramme électoral.

M. Drouin, serez-vous in‐ quiet si ce budget ne fait pas bouger, d'ici l'été, par exemple?

F. DROUIN : Absolument pas. Je ne suis pas là pour les sondages. Moi, je suis là pour faire les choses nécessaire­s. Notre gouverneme­nt, le pre‐ mier ministre, la ministre des Finances ont répondu à l'ap‐ pel.

Les propos des invités ont été édités ou raccourcis à des fins de clarté et de concision.

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